Pourquoi le coronavirus n’a-t-il pas permis la grande percée tant attendue pour les courses en ligne ? Vous le découvrirez en exclusivité dans cette édition totalement désinfectée et garantie sans virus de Filet Pur. Mais restez à un mètre, d’accord ?
Numéro
Vous l’avez sans doute entendu, cet immense soupir de soulagement qui a balayé le pays ce matin : les friteries restent ouvertes ! On ne le répétera jamais assez : les friteries restent ouvertes ! Et les supermarchés aussi. Un gouvernement en affaires courantes capable de distinguer l’essentiel de l’accessoire, et par conséquent d’accorder au commerce alimentaire un statut d’exception qui l’élève à un rang largement supérieur à ceux de concurrents irritants comme le foodservice et l’horeca : les foodretailers vont bientôt pouvoir rapporter des résultats exceptionnels.
Imaginez-vous qu’on en est déjà à instaurer des quotas : vous devez prendre un numéro pour entrer dans certains supermarchés. On déploie des stewards, c’est plus bondé qu’à la veille de Noël. Un succès historique. Les gagnants de ce-qui-n’est-pas-un-lockdown sont déjà connus. Il y a Deliveroo, NetFlix et PornHub, bien sûr, mais aussi les supermarchés, Colruyt en tête. Car qui se soucie encore de l’expérience client ou d’un assortiment étourdissant ? Exactement. On va juste au supermarché qui propose les plus gros caddies. Et on y va tous. Et tant pis si un supermarché bondé est un foyer de contamination idéal.
Diarrhée
L’intervention était d’autant plus inévitable que ces maudits bacilles donnent aussi la diarrhée, maintenant : je ne vois pas d’autre explication à la ruée sur le papier toilette qui gagne le monde entier. Chers Terriens, qu’est-ce qui vous arrive, bande d’idiots ? Une telle hystérie de masse intéressera sans doute les psychologues. Mais pour les connaisseurs, ce phénomène s’explique aisément : voir acheter fait acheter. Un propriétaire de supermarché français, pour qui cette agitation est quand même un peu too much, a même accroché le message suivant sur la porte de son magasin :
Mais nos enseignes préférées prennent-elles les mesures appropriées ? Bah. Les supermarchés demandent de garder une distance d’un mètre dans les longues files d’attente aux caisses et de ne pas payer en liquide, mais seulement avec la carte. L’argent liquide est sale, ce n’est pas neuf. Mais palper à volonté les tomates et les avocats après avoir s’être mouché au rayon des fruits et légumes ne pose manifestement aucun problème.
Occasion manquée
Panique en bonne et due forme et rayons vides dans les magasins : le coronavirus aurait pu doper les achats en ligne. Mais il ne fait pour l’instant que susciter colère et frustration chez les adeptes. Tous ceux qui ont essayé d’accéder à Collect & Go ces derniers jours le savent désormais : c’est aussi difficile que de trouver une place libre dans le parking visiteurs du siège du groupe Colruyt. C’est bien simple, ils ne peuvent pas suivre. Les goulets d’étranglement logistiques ont anéanti cette occasion unique d’imposer définitivement le commerce électronique dans le secteur alimentaire Oui, les commandes ont augmenté de 70%. Mais 70% de rien, c’est toujours rien. Surtout s’ils ne peuvent pas livrer la moitié de la liste de courses.
Le timing était en tout cas parfait pour le toujours très opportuniste Delhaize, qui prolonge les délais de livraison au dimanche matin. Et le lion de rugir de plaisir : il est pionnier et en tête dans ce segment. Vraiment ? Ben oui : à l’exception de quelques fournisseurs en vélos cargos, il était jusque récemment le seul à livrer des produits alimentaires à domicile. Dans ces conditions, ce n’est pas très compliqué de se proclamer leaders. En passant : aux Pays-Bas, les livreurs de Domino’s, Picnic, Jumbo et Albert Heijn, entre autres, ont reçu pour instruction de poser les courses sur le seuil de la porte, de sonner et de s’enfuir à toutes jambes, comme si leur vie en dépendait. C’est ce qu’on appelle de la « livraison sans contact ». Authentique.
Un bâton désinfecté
Ceux qui rechercheraient quelque chose de comestible sur la très attendue nouvelle boutique en ligne d’Amazon Pays-Bas en seront pour leurs frais. Bizarre quand même, cet assortiment : avec des prix qui font froncer les sourcils et des formats d’emballage qui semblent surtout viser les grossistes pour la restauration. Sans parler des descriptions de produits souvent hilarantes. Si ce n’est pas un virus, c’est une maladie de jeunesse. Nous repasserons une autre fois, Jeff. L’apocalypse de la grande distribution attendra.
Le webshop belge de Jumbo aussi se fait attendre, mais en bon entrepreneur, Frits van Eerd a déjà plusieurs coups d’avance : une fois que les premiers Jumbo auront ouvert leurs portes en Wallonie – ce qui ne saurait tarder, apparemment -, la barrière linguistique sera tombée rien ne pourra plus l’empêcher de se lancer à la conquête de la douce France. Pour le plus grand bonheur des touristes néerlandais qui n’auront plus à remplir leurs caravanes de couques sucrées, de beurre de cacahuètes, de chou frisé et de saucisses fumées. Rappelons au besoin que le Péril jaune n’a toujours pas franchi le cap des trois magasins en Belgique. Selon nos sources, l’ouverture du quatrième était prévue pour très bientôt, même si le lockdown pourrait jouer les trouble-fête. Curieux.
Statement
Nos fidèles lecteurs le savent : les prédictions de Filet Pur ont tendance à se réaliser dans la semaine. La déclaration de guerre lancée par Tesco à l’adresse d’Aldi la semaine dernière lui est donc évidemment revenue comme un boomerang. Ils étaient pourtant prévenus : ce n’est pas la première fois que le discounter démontre qu’il dispose de meilleurs copywriters que la concurrence. Sauf pour ce qui concerne celui qui a imaginé le néologisme « Knaldi », vous l’aurez compris.
Vous avez vu la nouvelle brochure Colruyt, au fait ? Jusqu’à 180 boissons en promo, mais pas une de chez Coca-Cola. Un statement, comme on dit. Comment se réconcilier en pleine pandémie ? Les négociations ont peut-être été simplement suspendues pour des raisons de sécurité. Chez Lidl par contre, on continue à jouer la carte du relationnel : le discounter va ouvrir un café. Mais après le lockdown. Un pub irlandais, plus précisément. On ne sait pas encore s’ils y serviront de l’Irish stew ou de la Kilkenny au fût. Mais il semble acquis que les tabourets de bar seront espacés d’un mètre. Le virus se transmettrait-il également par les rugissements de Molly Malone ? On peut le craindre ! Il est donc grand temps de se désinfecter la gorge d’une bonne rasade de Jameson. À la semaine prochaine !
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