Les détaillants alimentaires en ont sérieusement pris pour leur grade cette semaine. Premièrement, ce sont des esclavagistes par excellence. Deuxièmement, comme si cela ne suffisait pas, ils sont coupables de cruauté envers les animaux. Filet Pur établit également le lien surprenant entre les grillons et Canard WC. Quelqu’un devait bien s’y coller.
C’est compliqué
Les gagnants de la crise du coronavirus sont des crapules cupides et sans scrupules. Ce n’est pas nous qui le disons, mais Oxfam. Grâce à ce méchant virus, les supermarchés ont réalisé des chiffres d’affaires absolument inédits et ont également, malgré un certain mécontentement à l’égard de la hausse des coûts, enregistré de bons bénéfices. Ce qui a entraîné une hausse considérable des cours boursiers : les plus grands détaillants alimentaires internationaux ont vu leur valeur de marché augmenter d’un bon 85 milliards d’euros. Et qu’ont-ils fait de cet argent ? Ils ont récompensé les actionnaires et gâté les cadres supérieurs. Sans blague. The winner takes it all.
Et qui n’a pas vu un centime de cet argent ? Les travailleurs pauvres et vulnérables de la chaîne d’approvisionnement. Les producteurs de thé, par exemple, reçoivent entre 0,7 et 3 % du prix à la consommation pour leur dur labeur. Et pour les femmes, c’est encore pire. Conclusion ? Les supermarchés contribuent à exacerber les inégalités déjà criantes dans le monde. S’ils se sont sentis concernés ? La réaction d’ Ahold Delhaize est édifiante. Cela se résumait plus ou moins à « Oui mais, c’est compliqué. » Sûrement. Certes, ils se sont engagés à davantage promouvoir le respect des droits de l’homme. C’est un début.
Coup dans son égo
L’ambiance n’est pas non plus très joyeuse à Massy, au sud de Paris. Tout a commencé lorsque les Canadiens se sont présentés à l’improviste pour prendre un café au début de l’année. Bien loin d’une visite de courtoisie, il s’est finalement avéré qu’ils étaient là pour discuter d’un rachat, ce qui a presque valu au PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, de s’étouffer avec sa tasse de café au lait. Sa magnifique et puissante entreprise de distribution n’était-elle finalement pas une forteresse imprenable ? Non, pour faire court. Le chasseur auto-proclamé était devenu une proie, quelle désillusion. Sans parler du coup porté à son égo. La grogne des investisseurs mécontents, parmi lesquels le Français le plus riche du monde, Bernard Arnault, aurait dû le faire réagir bien plus tôt.
Mais aujourd’hui, le PDG a entendu la sonnette d’alarme. Une sonnette d’alarme retentissante, d’ailleurs. Il est réveillé. Et il prend les choses en main. Mais à son rythme : un homme de cette trempe n’aime pas être bousculé. Ainsi, lorsque les médias français annoncent que la vente des divisions polonaise et taïwanaise est presque terminée et que les divisions italienne et argentine subiront probablement le même sort, il enjoint le service de presse d’envoyer une réponse vague : « Le travail de réflexion stratégique vient de commencer, mais nous n’avons encore rien décidé ». Bien.
Niveaux stratosphériques
Lorsqu’une société cotée en bourse engage une pointure comme KPMG pour un audit stratégique de ses activités internationales, nul doute que le couperet va tomber. Pas de retour en arrière : le dentifrice est sorti du tube. La nouvelle a juste filtré un peu trop tôt. Rien de dramatique : les candidats au rachat peuvent se manifester. Le capital-risque ne manque pas sur les marchés financiers, il ne faudra donc pas attendre longtemps. Un milliard et demi : c’est facile à trouver, non ?
Mais, attendez, si Carrefour passe au crible ses filiales internationales, ne devraient-ils pas aussi commencer à s’inquiéter dans la branche belge, qui n’est finalement pas si rentable que ça ? Et n’est-il pas temps pour Frits van Eerd de consulter le solde de son compte en banque ? D’accord, c’est peut-être un peu prématuré. À Evere, ils mettent tout en œuvre pour devenir indispensables.
S’ils ne lancent pas un pacte de transition alimentaire, ils mènent un grand projet de commerce électronique pour le groupe. Ou ils inventent une plateforme de données et de publicité numérique inédite dans le secteur de la distribution alimentaire. Et elle arrivera certainement aussi en Belgique : « L’ère de la communication au napalm est révolue », a déclaré le directeur des médias, Laurent Baert. Les bombardements publicitaires en masse et non ciblés appartiennent au passé. L’avenir appartient à la segmentation et à la personnalisation. On a vraiment hâte. Et avec ça, l’entreprise assure sa survie : cette publicité ciblée rapportera tellement d’argent que les bénéfices atteindront des niveaux stratosphériques. Bien joué !
Hobby de Jef
Mais il y a également des nouvelles rassurantes pour les détaillants alimentaires cette semaine. Même après le coronavirus, les consommateurs continueront à cuisiner davantage à la maison. C’est comme pour le télétravail : ça va commencer à diminuer, mais pas disparaître du jour au lendemain. Nos collègues nous ont peut-être manqué, mais pas les embouteillages. Le recul du chiffre d’affaires des supermarchés pourrait donc ne pas être aussi dramatique que prévu, estiment des personnes beaucoup plus intelligentes que nous. Croisons les doigts.
De plus, cuisiner chez soi est une solution moins chère et plus saine. Et nous pourrions même bientôt commencer à utiliser des vers de farine et d’autres insectes dans notre cuisine. Trois quarts des Flamands ne sont pas contre, selon le « baromètre des insectes » de la Hogeschool Gent. Bon, il s’agissait d’une enquête mandatée par Kriket, un producteur de barres de cricket et l’un des nombreux hobbies de Jef Colruyt. À prendre avec des pincettes, donc. « Chez Canard WC, nous recommandons Canard WC », n’est-ce pas ?
Poulet boiteux
Quoi qu’il en soit : mieux vaut des grillons que du poulet, car celui-ci est élevé dans des conditions déplorables. Ce n’est pas nous qui le disons, mais l’organisation de défense des animaux Gaia. Quand on achète un poulet pour seulement 2,19 euros (actuellement chez Intermarché), deux kilos de pilons de poulet pour seulement 3,98 euros (dans le catalogue de Lidl) ou un kilo de filet de poulet pour 7,49 euros chez Albert Heijn (hé, je pense que je vais devoir appeler le Téléphone Rouge …), on sait que quelqu’un doit payer le prix fort de ces prix bas.
Et dans ce cas, ce quelqu’un, c’est le poulet, qui au cours de sa courte et lamentable vie se sent tout sauf kiplekker. Un mot qu’il est urgent de retirer du dictionnaire, ou dont la définition devrait être revue. Parce que sa véritable signification, c’est plutôt : « Se sentir comme un morceau de viande à moitié déplumé et couvert d’excréments, aux pattes tordues et au cœur fragile dans un poulailler bruyant. » C’est ce qu’affirme l’écrivain Herman Brusselmans, qui n’est pourtant pas végétalien, et qui appelle les supermarchés à mettre fin à ce commerce. Ça parle beaucoup mais ça ne fait pas grand-chose, comme on dit. Pour l’instant, seul Jumbo se sent concerné. Qui l’aurait cru ?
Oubliez le vol-au-vent ce week-end. Ce sera la triste imitation de Quorn : à base de champignons. Également des organismes vivants mais qui, jusqu’à preuve du contraire, ne possèdent pas d’émotions. Et avec un prix au kilo d’environ 15 euros, c’est aussi plus intéressant pour la marge, non ? Win-win ! À la semaine prochaine !
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