Il n’y a pas eu de fête d’anniversaire à Kobbegem et un profond soupir a résonné à Zaventem. À Halle, en revanche, les nerds sortent une primeur après l’autre. Mais les apparences sont souvent trompeuses et Filet Pur, la cinquième roue du caddie de supermarché, vous en offre une nouvelle démonstration.
Bougonnements marginaux
Hier, cela faisait exactement un an que Delhaize avait annoncé sa décision radicale de mettre en vente tous ses magasins. C’est aussi à peu près à la même époque que le lion en chef Xavier Piesvaux a été aperçu en public pour la dernière fois. À Kobbegem, on l’a sagement joué profil bas : pas de communiqué de presse, pas d’interview, pas de commémoration, et encore moins de fête – mais on a envoyé un cadeau de 5 euros aux clients fidèles, merci pour eux ! Ben oui, il est un peu trop tôt pour s’enthousiasmer.
Seuls les syndicats ont saisi l’occasion pour s’épancher dans quelques journaux. Des bougonnements marginaux, dirons-nous. Également dans les médias : quelques réactions d’entrepreneurs qui y croient totalement. Et des employés qui disent qu’ils doivent bosser plus aujourd’hui (tiens donc), mais que l’atmosphère est plus agréable et qu’il arrive même qu’on les écoute (tiens donc bis). Notre opinion spontanée : il faudra un peu de temps avant de connaître l’impact réel de ce plan d’avenir, mais un an après les graves troubles sociaux, les astres semblent plutôt favorables.
Soupir de soulagement
L’article le plus lu dans notre section Food cette semaine ? Ce n’était pas l’opinion pourtant très constructive de notre capitaine sur les 7 incertitudes deJumbo, le retailer mieux connu jusqu’à récemment sous le nom de Péril Jaune. Mais l’annonce d’une « vague » de baisses de prix chez Aldi. Bon, c’est plutôt une vaguelette : à peine 120 produits sont concernés. Mais chez le hard-discounter, cela représente près de 10 % de l’assortiment. Et reconnaissez-le : un euro de moins pour une bouteille d’huile d’olive, on n’osait à peine l’espérer. Qui fait mieux ?
Carrefour n’a pas riposté immédiatement par une nouvelle action pouvoir d’achat, tant s’en faut. Mais avec une étonnante campagne marketing censée illustrer à quel point le fait d’entrer dans un Express, un Market ou un Hyper peut faire du bien. « Haaaaa… » : ce soupir de soulagement devrait apporter à la marque la charge émotionnelle qui lui manquait jusqu’à présent. Pour être clair, j’ai vérifié pour vous : le fait que la campagne soit lancée maintenant n’a rien à voir avec la base de comparaison difficile qui s’ouvre après avoir pleinement profité des grèves chez le deuxième retailer du pays il y a 12 mois. Juste pour que vous le sachiez.
Puits sans fond
Au moins deux food-retailers devraient engranger d’importants gains de parts de marché cette année : Delhaize, mais aussi Colruyt, grâce à l’intégration un peu plus rapide que prévu des 57 Match et Smatch. Dans l’attente d’une décision définitive, la plupart de ces points de vente afficheront l’enseigne Comarkt ou Comarché sur leur façade – une enseigne qui est à peu près l’équivalent du purgatoire chez Colruyt. Mais des travaux commenceront bientôt sur sept magasins. Et notamment sur un cinquième CRU, à Louvain. Ou comment un puits sans fond succède à un autre dans la Bondgenotenlaan.
L’e-commerce est également un puits sans fond pour de nombreux food-retailers, mais ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Parce qu’en réalité, il est possible de gagner de l’argent avec les achats en ligne : Ocado est venu l’illustrer en détail mardi dernier lors de notre célèbre Congrès Omnichannel & E-Commerce. C’est simple : il suffit de vous engager avec Ocado. On peut se demander ce qui pousse certains retailers à ne pas le faire. Mais il y en a aussi un qui s’en sort tout seul : Rohlik, la scale-up tchèque moins connue dans nos contrées, qui opère sous cinq noms dans autant de pays et gagne déjà de l’argent sur trois d’entre eux. Gardez-la à l’œil…
Les Colruyt
« La différence entre le génie et la bêtise, c’est que le génie a des limites », a dit un jour mon ami Albert Einstein, mais cela outrepasse manifestement les compétences des nerds de notre fier leader du marché. En effet, alors que les supermarchés du Benelux se tirent les cheveux face à l’augmentation des vols au self-scan, Colruyt réinvente tout simplement le caddie. Le caddie le plus intelligent du monde scanne vos achats, met à jour votre liste de courses et établit la facture. Comme Amazon, mais en mieux. Impressionnant, ce dont est capable une combinaison d’intelligence artificielle et de bon sens.
De plus, ce chariot hyperintelligent peut se transformer en canal publicitaire supplémentaire qui générera des revenus additionnels et contribuera ainsi à la fortune déjà non négligeable, disons « fabuleuse », de la famille Colruyt. Car oui, c’est bien ce que nous lisons aujourd’hui dans des journaux fascinés qui multiplient les séries exclusives sur l’histoire et en particulier la caisse de ce qui est probablement le clan le plus riche de la grande distribution belge. Une caisse qui risque donc de disparaître. Timing parfait Avouez : c’est fort, ces gens qui n’ont plus besoin de travailler depuis longtemps, mais continuent à le faire quand même. À quand la série de téléréalité ? Succès d’audience garanti.
Retour vers le futur
Mais revenons à ce caddie si malin, car il y a plus à en dire. En effet, la plus grande nouveauté se trouve peut-être en dessous : à en juger par les photos, Colruyt aurait pris la décision tout à fait révolutionnaire d’opter pour quatre roues pivotantes. Vous avez bien lu : le prototype semble démuni de cette maudite cinquième roue. En d’autres termes, ce caddie va pouvoir être conduit en douceur dans le magasin du futur ! Espérons que nous vivrons assez longtemps pour en faire l’expérience !
On se demande toutefois combien de nuits Jef a passées à réfléchir à ce revirement – car ce n’est pas parce qu’il n’est plus CEO depuis un certain temps qu’il ne se préoccupe plus des questions opérationnelles, nous dit-on de bonne source. Reste que nous ne verrons sans doute pas de meilleure illustration du slogan « Simplicity in retail » cette année. Chapeau bas, messieurs et mesdames à Halle ! À la semaine prochaine !