Les marques ne parviennent plus à écouler leurs crasses et les food-retailers feraient bien de mettre le réveil, car il n’est plus question de faire la grasse matinée le dimanche. Ce Filet Pur se tient bien à l’écart du business de la Saint-Valentin – mais pas tout à fait.
Mauvaise habitude
Le titre n’a au fond rien de surprenant : «La santé est plus importante que la durabilité dans les choix alimentaires des consommateurs». Sans blague… Ce n’est pas le cas pour vous ? Mais c’est désormais confirmé par des données concrètes : Coca-Cola ne doit sa croissance qu’à des variantes sans sucre, Heineken joue pleinement la carte du sans-alcool et chez McDonald’s, on se voit contraint de proposer des options de menus de moins en moins chères pour encore attirer des consommateurs.
Unilever n’ayant pas trouvé d’acheteur pour les crèmes glacées Magnum et Ben & Jerry’s – pourtant très populaires, mais décidément trop riches en calories –, une introduction en bourse distincte était la seule option valable. Et Nestlé, connu pour ses produits aux qualités nutritives douteuses comme KitKat et Maggi, a même enregistré sa plus faible croissance des ventes depuis vingt-cinq ans. Ils vont donc investir l’argent qu’ils économisent en réduisant la couche de ce chocolat trop cher entre leurs gaufrettes dans des campagnes de publicité destinées à inciter les consommateurs à manger moins bien. Vous pouvez compter sur Vevey.
Pistolet américain
« Nous sommes et resterons une entreprise à 4 % de marge », a déclaré un Frans Muller déterminé mercredi dernier. Vous pouvez également compter sur lui. Cet homme ne connaît qu’une seule trajectoire : vers le haut. Ils pourraient s’en inspirer chez Carrefour ou Tesco, par exemple, sans parler de Colruyt. Pourtant, ce n’était pas suffisant pour ces enfants gâtés d’actionnaires. Bien qu’Ahold Delhaize soit l’entreprise de grande distribution la plus performante de la dernière décennie, ils en veulent toujours plus. Et la pression sur les marges aux États-Unis ne leur plaît pas.
Pas de problème en Europe, cependant. Surtout grâce à Delhaize : depuis le franchisage de ces 128 magasins, la part de marché monte en flèche et les caisses parviennent à peine à tenir le rythme. Qui aurait cru que la vente de pistolets frais et d’américain à des clients encore à moitié endormis le dimanche matin pouvait être une activité aussi lucrative ? Mais une telle success-story ne peut qu’inspirer la concurrence.
Leçon apprise
Sérieusement, qu’est-ce qu’ils espéraient ? Il n’a fallu que quelques minutes au grand patron de Carrefour Geoffroy Gersdorff pour éplucher les 200 pages de l’accord de gouvernement et en mesurer toutes les conséquences. La suite est logique : désormais, ses hypermarchés vont également ouvrir le dimanche matin, et le plus tôt sera le mieux. Certes, il devra s’armer de patience : les lois nécessaires doivent encore être votées.
Mais c’était évidemment inévitable. Le plus surprenant a peut-être été la réaction pondérée des syndicats, peut-être trop occupés par cette manifestation : ils veulent en discuter, imaginez-vous. Ben oui, c’est soit cela, soit être placé devant le fait accompli, craignent-ils sans doute. L’épreuve de force avec Delhaize leur a servi de leçon. Et il n’y a tout simplement pas de marche arrière pour Carrefour : ouvrir le dimanche n’est plus un avantage concurrentiel, c’est plutôt fermer le dimanche qui est désormais un handicap concurrentiel intenable. Nous en sommes là. Le dimanche matin est le nouveau samedi. Quand pourrons-nous à nouveau faire la grasse matinée ?
La peste ou le choléra
Reste à savoir ce qu’Aldi, Lidl et surtout Colruyt pourront ou voudront faire. S’ils franchissent le pas, ce sera vraiment à contrecœur. Car quand tout le monde ouvrira le dimanche, c’est tout le secteur qui y perdra. Les coûts vont augmenter sans que le gâteau grandisse. Il faut donc choisir entre la peste et le choléra : perdre des parts de marché ou voir ses marges s’évaporer. Seul le consommateur choyé y trouve son compte. Et les étudiants à la recherche d’argent de poche.
Également ouvert le dimanche : l’Albert Heijn de Brasschaat, le tout premier du pays, qui a enfin été libéré de son carcan trop étroit après 14 ans. Le nouveau magasin est plus grand de 450 m² et entièrement décoré selon le dernier concept bleu. Fête… Et pour le directeur général Raf Van den Heuvel, à l’époque le tout premier employé flamand de Bébert, c’est une excellente occasion de regarder dans le rétroviseur… et vers l’avenir. Pas de fausse modestie cependant, il a été à bonne école chez ses collègues néerlandais : le retailer vise sans équivoque le top 3 en Flandre. Et paf !
Sur les talons
Exagéré ? Regardez l’évolution des parts de marché au cours des dernières années. Oui, les chiffres sont secrets, mais ce secret est public. Et la courbe bleue du graphique est la seule qui continue à monter régulièrement. Albert Heijn talonne déjà les discounters Lidl (en légère croissance) et Aldi (qui stagne). Carrefour (en chute libre) est peu à peu dans le viseur, mais cela prendra un peu plus de temps. Et si les parts de marché de Colruyt continuent à se contracter, la combinaison Ahold Delhaize sera leader sur le marché flamand plus tôt que vous ne le pensez. Ce n’est pas beaucoup plus difficile, même une madame Irma myope pourrait le voir.
D’autant plus que Van den Heuvel compte également sur l’esprit d’entreprise hors pair de ses collègues de Delhaize : à peine ces lions de franchisés ont-ils digéré la reprise d’un ou plusieurs supermarchés déficitaires qu’ils sont prêts à ouvrir une usine à promos bleues à côté de chez eux. Céline Christiaens et Mathieu Demeyer vont bientôt donner l’exemple à Zwevegem. Ils seront le quatrième franchisé à combiner les deux marques. Et leur nombre ne va cesser d’augmenter, car d’autres candidats seraient également très intéressés.
Voyez-vous ça. Aurons-nous droit à une belle histoire d’amour entre un lion et un hamster ? Tout est possible dans le monde merveilleux de la grande distribution. Sortez déjà les fraises espagnoles, le cava rosé et les roses de supermarché ! À la semaine prochaine !