Pas de problème si vous avez dormi durant toute l’année. Vous rattraperez facilement votre retard grâce à cet aperçu annuel super pratique, exclusif et très complet de Filet Pur, sans aucun doute LA rubrique de 2018 and beyond.
Une querelle éreintante
Était-ce une bonne année foodretail ? Oui et non. La longue vague de chaleur a engendré des chiffres séduisants grâce à des ventes sans précédent dans les catégories boissons, glaces et tout ce qui de près ou de loin peut être associé au barbecue. De plus, la pression sur les prix et la pression promotionnelle sont apparemment restées limitées. Mais l’année a également été marquée par un climat glacial, une grande nervosité, des restructurations douloureuses et des affrontements brutaux. Les gros titres ont été dominés par un acteur qui n’est même pas encore présent sur le marché. Faut le faire !
Tout a pourtant commencé de façon prometteuse et constructive avec la Grande Réconciliation entre Colruyt et PepsiCo, qui se sont retrouvés avec émotion après une querelle éreintante qui a duré plus de deux mois. Les parties concernées n’ont pourtant pas promis qu’une telle situation ne puisse plus jamais se reproduire, avions-nous écrit à l’époque. Et effectivement, tout a recommencé à peine un mois plus tard. Cette fois, c’était Nestlé qui était la victime. Des dizaines de ses produits ont été retirés des rayons. Non seulement chez Colruyt, mais également chez d’autres membres de l’équipe d’achats AgeCore. Le conflit a aussi duré plusieurs mois. Une fois le problème résolu, les retailers ont rapidement jeté leur dévolu sur de nouvelles victimes. Même en pleine période de trêve de Noël. Aujourd’hui, ce sont Mars et Red Bull qui trinquent et rien n’indique une issue rapide pour l’instant. Le querelleur de l’année : Gianluigi Ferrari, donc. Le jury est unanime.
Une Grande Guerre européenne des Conditions
L’une des tendances de 2018 : se disputer, non seulement en politique, mais également dans le monde toujours fascinant des FMCG. En France, nous avons eu E. Leclerc et Coca-Cola qui se querellés. En Allemagne, c’était au tour de Kaufland et Unilever, qui a finalement été contrait de déguerpir définitivement avec un grand coup de pied au cul. Pour pouvoir se protéger de la percée imminente d’Amazon, les foodretailers cherchent refuge en se propulsant dans l’avenir. Ils attendent beaucoup des alliances d’achat, transfrontalières ou autres : Carrefour et Système U, Carrefour et Tesco, Auchan, Casino et Métro, Carrefour Belgique et Provera… cela ne s’arrête plus. Nous sommes à peu près sûrs d’une seule prédiction : la Grande Guerre européenne des Conditions se poursuivra en 2019.
Et qu’en est-il de Colruyt ? Le leader du marché a été attaqué par des analystes tout au long de l’année : faibles perspectives de croissance, cours trop élevé, dividende trop bas, manque de clarté sur sa politique de prix locaux, et avec Jumbo, un redoutable concurrent qui débarque … « Le supermarché le plus cher d’Europe occidentale », selon la bande de geeks de la Deutsche Bank. Mais à chaque fois avec des résultats qui sont meilleurs que prévus, et ce les doigts dans le nez. Et toujours le moins cher, même si la grande comparaison de prix de l’année dernière a révélé une version light légèrement douteuse. Cela fait longtemps que Frans Colruyt ne s’en soucie guère, c’est aussi simple que ça. Il souhaite développer ses nombreux talents ailleurs. Le prix du ‘Coup le plus surprenant de l’année’ est attribué au presque ancien COO porteur de valeurs. Et ce pour la deuxième fois.
Autres modèles d’affaires
Le véritable coup d’envoi de l’année foodretail a été donné le 23 janvier. Ce jour-là et lors d’un discours enthousiaste, le dirigeant Alexandre Bompard a annoncé l’ambitieux plan de transformation permettant à Carrefour de sauver sa peau. Et il s’agissait bien plus qu’un avertissement. Dans ce plan, la perte de milliers d’emplois ne représentait que des dommages collatéraux sur le chemin de la transition alimentaire globale qui doit améliorer le monde entier.
Les employés belges ont entendu leur verdict seulement deux jours plus tard, par le biais d’une vidéo réalisée de façon très maladroite : 2 hypermarchés qui devaient fermer leurs portes, 1.233 emplois sur la sellette. Des chiffres qui seront revus quelques mois plus tard : ces magasins pourront finalement rester ouverts – certes en tant que supermarché – et tous les collègues ont été autorisés à prendre leur prépension, et ce malgré des contestations symboliques de certains milieux politiques. Puisqu’un accident n’arrive jamais seul, le Groupe Mestdagh, sous la direction d’un nouveau PDG, a aussi été contraint d’annoncer un plan de restructuration, avec comme résultat des grèves à répétition et des rumeurs persistantes sur une éventuelle vente de l’ensemble des avoirs mobiliers au grand partenaire franchisé. Tout s’est finalement bien terminé. Du moins, pour l’instant.
Significatif : lors des grèves qui ont précédé l’accord social, les salariés de Carrefour, en désespoir de cause, ont également décidé de saboter les caisses en libre-service. Nous avons récemment appris que près d’un client sur trois de l’hypermarché de Mont-Saint-Jean utilise ces caisses rapides. On ne peut imaginer une meilleure illustration du problème fondamental auquel est confronté l’hypermarché : le big box, autrefois conçu pour les grandes courses hebdomadaires en famille, accueille aujourd’hui des clients qui entrent et sortent rapidement pour acheter une collation. Le retailer doit donc aller à la recherche d’autres modèles d’affaires. Il reste à voir si la livraison rapide à vélo permettra le grand sauvetage. Peut-être ce poulet transparent grâce au blockchain ? Qui sait. Le solide programme Act for Food impose effectivement le respect. S’ils obtiennent de bons résultats, ils recevront le trophée du Comeback de l’année en 2019.
Une fameuse démonstration
En tous les cas, 2018 aura été l’année durant laquelle Xavier Piesvaux, PDG de Delhaize, se sera fait remarquer. D’abord en réorganisant son comité de direction, puis en séduisant le jeune consommateur avec des gourdins de troll et des dents du dragon, puis en lançant le nutri-score malgré l’opposition des fabricants de marques, et en soulignant dès sa première grande interview que les choses devront se faire beaucoup plus rapidement chez le lion. Et, bien sûr, en présentant de meilleurs chiffres, trimestre après trimestre. Avec une équipe directionnelle à nouveau remaniée, d’ailleurs. De plus, l’homme a proposé pas moins de deux nouveaux concepts de magasin : un supermarché avec des atouts numériques ainsi qu’un magasin de proximité qui propose une gamme food et qui est muni d’un point d’enlèvement. Un candidat valable pour le titre de ‘Hardest working man in foodretail’.
Frans Muller a succédé à Dick Boer au plus haut sommet du groupe de fusion Ahold Delhaize, alors que les derniers Belges ont été mis à la porte avec un grand savoir-faire. C’est le prix à payer pour une fusion d’égaux. Albert Heijn n’est pas resté sur la touche. Après une forte offensive en fin d’année, le nombre de magasins en Belgique atteint les 42, exactement autant qu’au moment de la fameuse fusion. L’enseigne a simplement rouvert les huit magasins dont elle devait se défaire à l’époque, souvent à peu près aux mêmes endroits. Une fameuse démonstration, donc. Comme ces magasins Tap to Go sans caisses à Amsterdam. Du beau travail, tant à Anvers qu’à Zaandam.
Des records et des plans de sauvetage
Pour Aldi, 2018 a été l’année de la glasnost, mais également celle des records. Un investissement de 350 millions d’euros dans la transformation de plus de 300 magasins en moins de deux ans, c’est du lourd. Les développements de nombreux grands projets immobiliers ont également été surprenants. Et la plus grande campagne de marketing jamais entreprise par le groupe a été lancée plus tard dans l’année. Seul bémol, le discounter éprouve des difficultés sur le marché intérieur.
Et chez Lidl ? Les grèves du printemps ont gâché le plaisir : le personnel se plaignait d’une pression de travail trop excessive. Et cela alors que le retailer espère remporter la palme de Meilleur Employeur d’ici 2020. Mais l’ambiance est à nouveau au beau fixe et les initiatives originales se sont succédées à un rythme soutenu : un restaurant pop-up pour les étudiants en blocus, des chaussettes amusantes, un service de livraison à vélo, un pop-up de Noël … et surtout un très solide plan de développement. Avec ses promotions non-food, la chaîne opte désormais pour une concurrence frontale avec son grand rival de toujours.
Les experts attendent beaucoup de l’intelligence artificielle dans le retail car les limites de la stupidité naturelle sont devenues plus qu’évidentes. Pourtant, la percée d’AI arrive beaucoup trop tard pour le supermarché en ligne Wink qui a finalement jeté l’éponge. Le Prix du Courage & de la Persévérance de l’année est attribué à Vincent Nolf. C’est lui qui, en pleine folie de la Coupe du Monde, annonce un énième plan de sauvetage pour le groupe Makro qui est déficitaire. Les premiers effets devraient se faire ressentir fin 2019, mais le seuil de rentabilité ne fait même pas partie des objectifs. Mais quoi alors ? Eh bien, gagner du temps, sans doute ? Il n’y avait qu’un seul candidat pour le prix du Nouvel Arrivé de l’année : Franprix, la filiale de Casino, qui a débarqué à Bruxelles mais qui ne semble pas pressée de s’étendre davantage pour l’instant.
Adieu plastique
De nombreux fabricants, tant en Allemagne qu’à l’étranger, ont promis de bannir le plastique à long terme. L’Europe y travaille également : les sacs en plastique, les pailles en plastique, les couverts et autres emballages jetables appartiendront bientôt au passé. Magnifique. Tant qu’on n’instaure pas la consigne. Les retailers s’y sont farouchement opposés durant toute cette année.
Cette année n’a certainement pas été l’Année du Carnivore. Les scandales des abattoirs se sont succédé à un rythme effréné, des campagnes maladroites de promotion du lapin ou du steak ont été stigmatisées dans les médias sociaux et asociaux. Bref, il n’a même pas fallu de Journées Sans Viande pour diriger le grand public vers la consommation de légumes. Parce que le végétal serait plus durable ? Eh bien, après avoir participé à une immense manifestation sur le climat, ces mêmes personnes se rendent dans des bars à avocats très tendance pour y déguster une préparation à base de ce fruit dont la culture exige énormément d’eau et qui arrive chez nous par avion. Non, si l’on en croit les scientifiques et Jef Colruyt, 2019 sera l’année des algues marines, la nourriture du futur. Nous sommes curieux.
Une période chancelante
Greenyard n’a pas non plus connu une magnifique année 2018. Pour commencer, Hein Deprez, le Malchanceux de l’année, n’a pas réussi à acquérir Dole Food. Il a ensuite renvoyé sa PDG Marleen Vaesen, et durant cet été torride, il a connu des problèmes d’approvisionnement et il a dû faire face à une véritable contamination à la listéria. Quoi qu’il en soit, d’énormes soucis qui, selon toute logique, ont engendré des résultats négatifs.
L’année prochaine, nous saurons peut-être si 2018 aura été l’année du revirement pour Danone qui, après une période chancelante, a décidé d’opter pour une stratégie de ‘retour aux sources’. De plus, avec la mise en œuvre du nutri-score. L’entreprise sera également très attentive à la gestion du nouveau PDG d’Unilever. La récente reprise de De Vegetarische Slager revendique le titre de Deal de l’année et suggère que la multinationale ne deviendra pas un pur spécialiste home & beauty.
2018 a été l’année durant laquelle le révolutionnaire Amazon Go a enfin ouvert ses portes au grand public. Ironie du sort, ces ouvertures allaient de pair avec de longues files d’attente – non pas aux caisses, bien sûr, mais à l’entrée. Et également avec de très bons chiffres, selon des observateurs d’Amazon. Il semble néanmoins que l’e-commerçant éprouve quelques difficultés à concurrencer les supermarchés en ligne. C’est pourtant Jeff Bezos qui a inspiré Spar à expérimenter une application qui permet de scanner et de payer. Ce ne sont certainement pas les seuls.
C’est du délire
Last but not least, 2018 a très certainement été l’Année du Péril Jaune. On pourrait penser à la Chine, ou aux gilets jaunes, mais on se réfère plutôt aux projets de conquête de Jumbo qui se sont concrétisés par la création d’une entreprise belge, la mise en place d’une direction locale, les premiers emplacements et la mise en œuvre d’un plan d’attaque qui est apparemment construit autour de la formule Foodmarkt. Tout au long de l’année, de nombreuses analyses et spéculations ont été publiées quant à l’impact possible de l’arrivée du retailer dans notre pays. Les unes plus folles que les autres, mais bon. La situation ne va pas s’améliorer l’an prochain.
Conclusion ? 2018 n’a pas été l’année de la vérité, bien au contraire. Ce sera peut-être différent en 2019 ? Pour l’économie mondiale, par exemple, qui ne semble pourtant pas bénéficier de belles perspectives. Pour cette percée tant attendue du e-commerce dans le domaine des FMGC. Pour Ahold Delhaize qui promet de la clarté à propos de l’avenir d’Albert Heijn et de Delhaize en Belgique. Pour Carrefour qui devra convertir ses belles ambitions en chiffres concrets. Pour Colruyt, qui doit poursuivre sa forte performance dans un marché qui sera très certainement de plus en plus difficile. Et pour Jumbo qui après tout ce tapage se sent obligé de lancer une offensive éclair sans précédent. Wout Van Aert est prêt, peut-on lire. Et vous ? On vous souhaite une excellente fin d’année et à l’année prochaine !
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