La semaine des gaffes marketing, c’est ainsi que nous pourrions résumer brièvement ces derniers jours. Spécialement pour vous, RetailDetail Food établit la liste des points sombres d’un aperçu hautement câlin de la semaine.
Des chips à l’eau de rose
Nous avions l’intention de proposer encore une fois un cas d’école en matière de journalisme retail constructif, mais quelle étrange semaine avons-nous vécu : la température a baissé, les cours boursiers ont chuté, le bitcoin s’est effondré et notre pantalon a failli tomber lorsque nous avons appris quelle était la principale priorité du PDG de PepsiCo, Indra Nooyi, en 2018 : le lancement d’une gamme de chips Doritos ‘pour femmes’, eh oui. Ces chips seront moins croustillants, ne colleront pas aux doigts et se rangeront facilement dans un sac à main. Et leur emballage sera de couleur rose, très certainement. Parce que c’est ce qu’attendent les femmes raffinées, après tout. Vraiment. L’idée ingénieuse émane de l’une des femmes d’affaires les plus influentes du monde, et ce à l’époque de #metoo et de la neutralité des genres. Savez-vous ce qui ne croustille pas, qui ne colle pas aux doigts et qui se range parfaitement dans un sac à main Delvaux, Madame Nooyi ? Si vous avez absolument besoin de mettre quelque chose en bouche lorsque vous êtes en route, je peux vous proposer une tétine.
Cette femme ne connaît pas son histoire marketing. Elle s’apprête à faire la plus grande bourde depuis le lancement du BIC Cristal For Her en 2012. En effet, la marque emblématique de stylos à bille n’avait rien trouvé de mieux que de développer un stylo adapté aux mains délicates des femmes : au design mince et confortable, aux couleurs pastel douces, garanti étanche, antidérapant, parfait pour écrire des listes de courses et des recettes. Oh, et pour dessiner des petits cœurs et des fleurs, évidemment. Ce n’était pas une blague, mais c’en est vite devenue une. Regardez les commentaires hilarants d’Ellen DeGeneres dans son émission qui date de cette époque. Ils sont avertis chez PepsiCo : si ces chips à l’arôme d’eau de rose devaient voir le jour, l’entreprise deviendrait la risée du monde entier. Si ce n’est pas déjà le cas. Enfin, ils se sont vite ravisés. Typique.
Bienvenu au 21ième siècle
Le fabricant de chips n’a pas été le seul à faire des erreurs ces dernières semaines. Nous avons déjà attiré votre attention sur les méga-promotions des produits Nutella et Pampers qui ont provoqué de véritables affrontements dans les Intermarché en France. Eh bien, ce retailer a été obligé de reconnaître son erreur. « C’est une chose que nous ne ferons plus jamais », a promis le dirigeant Thierry Cotillard. En ce qui le concerne, l’affaire est close.
Ou pas entièrement ? Je voudrais attirer votre attention sur la réaction du PDG de Ferrero France qui est le producteur de Nutella. Pas du tout parce que nous connaissons ce personnage : le toujours souriant Jean-Baptiste Santoul qui a dirigé l’entreprise Henkel Benelux pendant dans années, avant de retourner dans son pays natal. Sur LinkedIn, il s’étonne de la manière dont les médias sociaux et non-sociaux se sont emparés de l’information. Et c’est déjà la deuxième fois puisqu’au mois de novembre, une légère modification de la recette Nutella avait déjà provoqué une indignation mondiale. Bienvenu au 21ième siècle, monsieur Santoul ! « Nous devons trouver des moyens pour participer au débat », estime le dirigeant. 94 likes, 8 comments, and counting. Nous lui souhaitons néanmoins beaucoup de succès. Peut-être qu’il pourrait envisager le lancement d’un Nutella pour femmes ? Oké, le produit ne croustille pas et le plus petit récipient se range, avec beaucoup de bonne volonté, dans un grand sac à main, mais le choco colle aux doigts et fait de belles taches tenaces qui ne partent qu’avec du Dixan. Ou est-ce un complot ?
Teneur en câlins
Que penser de la campagne marketing lancée par le VLAM (officiellement le ‘Vlaams centrum voor agro- en visserijmarketing’), même si elle a eu légèrement moins d’impact que le lancement de la Tesla Roadster ? Eh bien, cette semaine nous avons vécu ‘la semaine du lapin’. Maigre, bon, source d’omega 3 et de fer : ce petit animal tout doux qu’on a envie de cajoler est sensé se retrouver dans votre assiette, tel était le message. Vous pouvez vous imaginer que ces arguments ont fortement impressionnés les familles avec de jeunes enfants – prétendument le groupe cible de l’action. C’est un bel exemple comment ‘jeter l’argent par les fenêtres’ ! Peut-être que la prochaine fois, ils devraient essayer avec des cochons d’inde, ou des hamsters, des animaux qui dans d’autres cultures se retrouvent quotidiennement au menu et qui rentrent parfaitement dans un sac à main moyen. On rit sous cape chez Quorn.
Les Vitaminis de Delhaize ont également un niveau élevé de teneur en câlins, même si un plus grand sac à main est nécessaire. Un journaliste averti a découvert que le moyen le plus rapide pour les collectionner est de consommer des sucreries peu saines, au lieu des fruits et légumes. Les barres chocolatées collantes Mars et Twix, par exemple. Les diététiciens sont révoltés et parlent de manipulation. Delhaize cherche l’argent là où il se trouve. Et tentez de vous imaginer un supermarché qui ne propose que des produits sains ? Horriblement vide, n’est-ce pas ? Non, pour trouver un magasin sain, il faut se rendre chez le pharmacien. Et encore.
Petit est le nouveau grand
Pas non plus irréprochable, et certainement pas ce mois-ci : la bière. Il n’y a pas si longtemps, les critiques affirmaient de manière méprisante que le principal brasseur du monde n’était en réalité qu’une ‘banque qui s’avère vendre de la bière’. Aujourd’hui, ils doivent réajuster leurs propos : AB InBev est un dataminer qui s’avère vendre de la bière. En effet, Carlos Brito transforme les bières en data. Il souhaiterait pouvoir prévoir si vous avez envie d’une blonde corsée ou d’une brune veloutée ce soir. Dans sa quête de domination mondiale, il n’achète donc pas uniquement toutes les brasseries artisanales qui produisent de meilleures bières que la sienne, mais également des webshops, des sites de critiques de bières et d’analystes de data. Pensez-y la prochaine fois que vous irez au café le mois prochain : Brito veut et arrivera à savoir ce que vous buvez, les quantités que vous buvez, où vous buvez et avec qui vous buvez. De préférence encore avant que vous ne le sachiez vous-même. N’est-ce pas une idée oppressante ?
Carrefour s’intéresse aussi à ce même type de données : la nouvelle appli mobile totalement neutre en matière de genre, lie votre Carrefour Bonus Card à des bons de réduction numériques, des promotions pour vos produits préférés, vos commandes en ligne ainsi que votre historique d’achat. Ici aussi, ils espèrent savoir rapidement et à l’avance ce que vous comptez acheter. Du moins, si vous en avez l’intention. Entre-temps, il semblerait que le projet du retailer de se concentrer davantage sur les magasins de proximité, est parfaitement logique : une nouvelle étude prévoit que les petits formats retail ont plus que jamais un bel avenir devant eux. Petit est le nouveau grand, en quelque sorte. Avec l’avantage que ces exploitants indépendants ne font jamais la grève. Au contraire, ce sont de véritables modèles en termes de flexibilité, pas frileux à quitter leur siège confortable à la caisse lorsqu’il s’avère nécessaire de décharger un camion, de mettre des baguettes au four et de réapprovisionner quelques rayons. Par contre, un grand nombre de magasins de proximité Carrefour sont nécessaires pour compenser le chiffre d’affaires d’un seul hypermarché. Le revers de la médaille.
Cette édition de votre chronique préférée Filet Pur a été bricolée par nos soins au beau milieu d’entreprises elles-mêmes, puisque ces deux derniers jours, nous avons fait partie du jury distingué qui décide des gagnants et des perdants du prestigieux concours Tavola d’Or. Un groupe hétérogène d’acheteurs et d’experts a eu l’honneur de couronner les produits les plus savoureux et les plus innovants qui seront dévoilés lors du salon professionnel qui porte le même nom. Un tel travail représente un sérieux défi pour l’appareil digestif, si vous imaginez que nous avons dû goûter successivement et aléatoirement du fromage au café, des chips aux pois chiches, du lard de dinde, des popcorns au gin-tonic, des gousses d’ail caramélisées, du riz de chou-fleur et de la marmelade de saumon, notamment. Heureusement sans gluten, sans lactose, sans graisse, zero sugar, sans additifs et même ‘paléo-amical’ (sic). Un grand nombre de produits envoyés semblaient néanmoins être croustillants, collants et peu propices à être fourrés dans un sac à main. Ceux-ci ont été disqualifiés à juste titre. A la semaine prochaine !
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