L’équipe de nettoyage fait des heures supplémentaires à Halle, comme celle en charge de l’innovation d’ailleurs. Mais il n’y a qu’un seul chef : il s’appelle Jef, et a une foi inébranlable dans le progrès. Il est d’ailleurs loin d’être leur seul là-haut. Envie d’un Filet Pur bien saignant ?
Bic quatre couleurs
Quelqu’un doit-il vraiment tout faire lui-même ? Manifestement, oui. C’est Jef Colruyt himself, le regard déterminé, la brosse et la serpillière à la main, qui arpente actuellement les couloirs du site de Wilgenveld pour y faire un grand ménage de printemps, apprenons-nous d’une source habituellement fiable. Depuis un moment déjà, l’atmosphère est tout sauf zen à Halle. C’est d’abord le directeur du marketing qui a dû partir, puis le directeur non-food qui, il est vrai, n’atteignait pas ses objectifs.
Qui sera le prochain ? Y a-t-il encore quelqu’un qui atteint ses objectifs à Halle ? On a hâte de voir. Seuls les ingénieurs du département Smart Technics n’ont peut-être rien à craindre pour leur emploi. Ils y accumulent les heures supplémentaires pour mettre au point des innovations destinées à réduire les coûts. De petites astuces qui rapportent des millions au retailer. Et sont d’autant plus indispensables que les marges fondent. Notez, de préférence au bic quatre couleurs : ce sont des nerds à lunettes qui sauveront le leader du marché.
Pointu
Mais il faut reconnaître qu’ils ne déçoivent pas. Tout ce qu’Amazon peut faire, Colruyt en est aussi capable. Pas étonnant que Jef investisse à fond dans les magasins automatisés sans personnel. Au moins, on peut faire confiance aux robots. Ils travaillent 24 heures sur 24, sept jours sur sept, ne se plaignent jamais de cette indéfinissable odeur d’encens qui flotte dans les locaux, ne tombent jamais malade et ne demandent jamais d’augmentation. Des exemples ! Le conteneur installé sur le parking de l’OKay de Lennik peut également étendre également ses heures d’ouverture sans que les syndicats rouspètent. Futé ! Et si les résultats ne sont pas au rendez-vous, ils l’installeront simplement ailleurs.
Les embouteillages aux caisses font désormais partie du passé : des caméras astucieuses ont reconnu tous les produits de votre caddie avant même que le caissier ait eu le temps de vous demander si vous aviez des bons, des cartes. Parce que le temps, c’est de l’argent. Un gain de productivité de 20% pèse une fortune. Pour l’instant, les employés doivent encore transborder les articles d’un caddie à l’autre, mais il ne fait aucun doute qu’ils trouveront bientôt un moyen de contourner ce problème. Les tabous tombent comme les mercenaires de Wagner chez le discounter.
Confiance
Constatez-le par vous-même : à Gand, Colruyt fait maintenant ce qui semblait tout simplement impensable il y a peu de temps encore, à savoir installer des caisses automatiques… Je le répète pour ceux du fond : des caisses avec auto-scanning… On a peine à la croire. Nous avions toujours pensé qu’il était interdit de prononcer ce mot au siège. L’auto-scan, c’était bon pour ces buses de Delhaize ou Carrefour qui ne savent pas compter et ont une foi aveugle dans les bonnes intentions de leurs clients.
Parce que le problème n’est pas que la technologie n’est pas fiable, c’est que vous ne pouvez pas laisser les clients seuls deux secondes sous peine qu’ils vous dévalisent. Ou pas ? Bon, on verra : dans cet OKay Compact, ils ont au moins déployé un gardien attentif à côté de ces caisses en libre-service. Un seul cependant : ils ne trouvent plus plus de personnes. Car, c’est évidemment aussi une des raisons de cette vague d’automatisation : le marché du travail est tendu comme un string. Il n’y a plus d’alternative.
Agilité
L’essentiel, tout bien considéré, est de faire taire les voix critiques accrochées aux basques du directeur du plus grand groupe de supermachés du pays depuis des années. S’il y a bien quelqu’un qui ose renoncer à ses principes et n’a pas peur de se remettre en question pour préserver l’avenir de sa merveilleuse entreprise familiale, c’est bien Jef, non ? Quand on parle d’agilité !
Alors, où sont ceux qui réclamaient à cor et à cri un « vent de fraîcheur » ? Qui demande encore un rajeunissement de la direction ? Qui ose encore exiger que l’homme qui, bien que contraint et forcé, cumule avec un tel brio les rôles de CEO, directeur du marketing, directeur non-food et directeur des grands nettoyages prenne sa retraite cette année ? Ah ah ! Les investisseurs peuvent dormir sur leurs deux oreilles : il fera encore une dizaine d’années. L’action est sauvée.
(Qu’il continue également à gaspiller ses sous dans le passé du retail, à savoir l’approvisionnement des magasins de papa et maman en France, ne sera pas abordé ici).
Ultrarapide
Colruyt n’est pas le seul à avoir une foi presque aveugle dans le progrès : chez Delhaize aussi, on emploie une armée de nerds. L’internet est désormais si rapide chez les Lions qu’ils ont noté votre commande avant même que vous ayez fait votre liste de courses. Et les rayons eux-mêmes veilleront à être réapprovisionnés à temps. Impossible avec des humains, on a déjà pu s’en rendre compte.
En revanche, si vous avez besoin de caddies usagés, d’imprimantes hors d’âge ou de vieilles palettes délabrées, vous pouvez vous tourner vers un retailer qui n’a jamais vraiment cru à l’utilité de la nouveauté et la modernité. Le mobilier vintage du regretté Makro partira en effet au plus offrant. Le temps presse : les immeubles commerciaux hors d’âge doivent être vides à la fin du mois, car le bail prend fin. Et une nouvelle et passionnante histoire pourra commencer. Que deviendront ces sites ? Devinez ? Le Metro vacant d’Anvers fait déjà l’objet d’une offre.
Inestimable
Enfin, encore ceci. Ces obstinés de Jumbo ont inauguré en dépit du bon sens leur premier nouveau magasin flamand de l’année la semaine dernière, à Anvers. Nos plus chaleureuses félicitations. Un magasin qu’ils ont racheté à Alvo il y a plus d’un an et demi et qui aurait normalement dû être ouvert depuis plus d’un an, il est vrai. Normal ? Oui, car l’anormalité est la nouvelle normalité, surtout chez le Péril Jaune où ils pourraient aussi devoir passer à la vitesse supérieure dans l’automatisation s’ils veulent éviter que les retards ne prennent encore de l’ampleur. On dirait la SNCB.
Notre Grand Timonier n’a donc pas pu résister : dans le journal, il a à nouveau expliqué, avec une joie intérieure parfaitement contenue, que ces Hollandais n’ont guère d’avenir dans notre pays. Aucune chance. Un puits sans fond. S’ils ne partent pas cette année, ce sera l’année prochaine au plus tard. « Attention, je suis un fan de Jumbo », a-t-il ajouté avec un grand sourire. Mettre un peu de sel sur les plaies, c’est une des grandes passions de notre Captain of Retail. Et voyez-vous ça, ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd à Brasschaat et Veghel. À suivre donc. À la semaine prochaine !