L’assainissement de Carrefour Belgium est-il dirigé par un fantôme ? Les retailers sont-ils membres de la maffia du plastique ? Les fabricants entraînent-ils les jeunes sur la mauvaise voie ? Réponse dans le résumé hebdomadaire de RetailDetail Food !
Sauver la face
‘Niet zeuren, maar poetsen’ un dicton typiquement hollandais qui signifie ‘fini les jérémiades, revenons à l’ordre du jour’. Cette expression s’appliquerait-elle aux collaborateurs de Carrefour touchés par la restructuration, qui à peine remis de leurs émotions ont sagement rouvert les portes de leur magasin cette semaine (sauf à Westerlo, aujourd’hui). Ils n’ont pas à se plaindre, estime l’opinion publique, car les employeurs du pays tout entier se bousculent pour s’accaparer les nombreux travailleurs motivés et expérimentés désormais disponibles sur le marché de l’emploi. C’est du moins l’avis de certains politiciens.
Nous nous abstiendrons de toute moquerie concernant ce message vidéo plutôt gênant, destiné uniquement à usage interne, mais qui a tout de même fuité. Pas de commentaire concernant l’éminent expert en e-commerce Willy Claes (97 ans, approximativement), qui en tant que membre du conseil d’administration n’avait pas ‘entendu’ approcher la révolution digitale, alors qu’il est bien équipé pour, nous semble-t-il. Nous ne reviendrons pas non plus sur la manœuvre légèrement opportuniste de l’Unizo, qui pour attirer l’attention a affirmé que bon nombre de magasins indépendants de Carrefour étaient également déficitaires. Ce à quoi le porte-parole de Carrefour a répondu par une réplique mordante. Bàm !
Non, ce qui nous intrigue le plus est la question suivante : où était le patron de Carrefour Belgium durant tout ce temps ? L’entreprise est-elle dirigée par un homme invisible ? Quel contraste avec le discours passionné d’Alexandre Bompard, qui ne s’est pas débiné et a fixé droit dans les yeux tant les parties prenantes que les médias. C’est qu’on appelle un leader. Par contre aucune trace de Guillaume de Colonges, pourtant officiellement CEO de Carrefour Belgique depuis le 2 octobre. Il a tout simplement délégué le sale travail à son équipe locale quelque peu désemparée. L’homme invisible s’est défilé. C’est du joli. L’homme invisible, cela nous rappelle le titre du livre de science-fiction de H.G. Wells, dont a été tirée une série télé amusante du temps de notre jeunesse. Le dernier épisode s’intitulait : ‘An Attempt To Save Face’. Curieux de voir s’il sauvera la sienne (et celle de Carrefour Belgium).
Tout n’est pas rose
L’une des initiatives avec laquelle Carrefour espère solutionner les problèmes de coûts des hypermarchés, a été dévoilée cette semaine : l’introduction de caisses self-checkout dans tous les hypermarchés, afin de permettre aux clients de faire leurs petites emplettes en vitesse, alors que justement le but premier des hypermarchés est que les clients en ressortent avec de grands caddies remplis à ras bord. Ce qui illustre une fois de plus, si besoin était, le problème fondamental des hypermarchés.
Le personnel de caisse superflu pourra éventuellement se tourner vers Lidl, qui continue de croître. Durant les deux prochaines années le discounter ouvrira un magasin tous les quinze jours et recherche donc quelque 1.500 collaborateurs. Plus qu’assez pour solutionner d’un coup le plan social de Carrefour. Voilà. Le discounter se targue de sa part de marché en hausse (8,6% selon GfK, mais probablement nettement moins selon Nielsen) et de l’ouverture cette semaine de son 300ème magasin, le plus grand de Flandre.
Pourtant tout n’est pas rose pour Lidl : sa rapide expansion internationale lui coûte beaucoup d’argent et commence à peser sur sa rentabilité. Par ailleurs le nouveau concept semble plus cher à exploiter et entraînerait des frais de personnel plus élevés, selon certains analystes. Qu’ils soient vigilants, sinon ils subiront le même sort que Carrefour. Le livreur de box repas HelloFresh pour sa part a publié des chiffres en forte croissance et s’attend à générer du bénéfice d’ici un an environ. Enfin ! Amazon de son côté a annoncé un bénéfice record, au-delà des attentes. Tout comme Alibaba d’ailleurs. Qui disait que l’e-commerce ne serait jamais rentable ? Talkin ‘bout a revolution?
Moins cher, c’est punissable
Nos médias ne ratent pas une occasion de faire la leçon aux retailers et aux fabricants de marques. Ainsi Albert Heijn s’est fait taper sur les doigts ouvertement pour avoir emballé ses carottes et autres légumes dans du plastique, alors que la soupe plastique menace la planète. Pourquoi AH a-t-il été visé en particulier ? Nous l’ignorons, car un rapide coup d’œil chez les concurrents nous apprend que le film plastique rétractable pour les concombres et les sachets en plastique pour les aubergines sont devenus la norme, pour Dieu sait quelle raison. Pour la fraîcheur et l’hygiène, prétendent les retailers interrogés. Une pure absurdité, estiment certains fact-checkers professionnels.
Les fabricants pour leur part ont été réprimandés pour leurs allégations de santé trompeuses sur les emballages. Vous connaissez le truc : les céréales pour petit-déjeuner sont enrichies en vitamines et en minéraux pour camoufler qu’elles sont en fait de véritables bombes de sucre qui entraînent nos jeunes sur la mauvaise voie alimentaire. Les organisations de défense des consommateurs exigent des profils nutritionnels qui communiquent clairement la valeur nutritionnelle du produit. Les organisations de fabricants soufflent le chaud et le froid, tout comme l’UE. Les chaînes de supermarchés pour leur part affirment avoir réduit la teneur en sucre de leur marques maison de 363 tonnes, sans que personne ne s’en aperçoive.
En France les promotions chocs font à nouveau l’objet de critiques. La faute à Intermarché, qui la semaine dernière a provoqué des bagarres in-store avec son Nutella à prix plancher et de même cette semaine avec les Pampers à prix réduits. Les promotions ‘1+1 gratuit’ ne suffisent plus au retailer français, les rabais vont jusqu’à -70%. Les fabricants concernés n’apprécient guère et le gouvernement va intervenir, car vendre à perte est punissable. Un projet de loi vise à limiter les réductions et à augmenter les prix de vente. Un cadeau du gouvernement français à Carrefour qui ainsi peut espérer des marges plus élevées et une concurrence des prix moins féroce.
Lapin Duracell
Depuis quelques années déjà les meilleures salades au monde, et les plus saines de surcroît, sont à déguster dans les salad bars de Foodmaker. Nous sommes fans, ne serait-ce que pour ces illustrations farfelues du cartooniste Jeroom sur les emballages et aussi pour son CEO Lieven Vanlommel, véritable lapin Duracell. La Belgique est devenue trop exiguë pour la chaîne, qui dès lors envisage de conquérir les Pays-Bas, l’Allemagne et le Danemark.
Malgré tout, la vente de biscuits et de snacks chocolatés nocifs pour la santé continue d’être lucrative, à en croire les excellents résultats de Mondelez. Bien que la tendance des snacks plus sains pourrait être un filon à exploiter. Unilever aussi a enregistré de très bons chiffres, grâce aux ventes de Dove et Knorr et malgré la cession imminente de sa division margarines. Quant au producteur de fruits Dole Food, il change de propriétaire : l’irlandais Total Produce, et non pas le belge Greenyard, s’empare des bananes et ananas. Au grand regret de Hein Deprez, qui du coup a congédié sa CEO Marleen Vaesen et a catapulté deux de ses enfants dans l’entreprise. Et le fabricant de boissons rafraîchissantes Dr Pepper Snapple fusionne avec le torréfacteur Keurig Green Mountain, pour former une nouvelle entité qui, ô surprise, a été baptisée Keurig Dr Pepper. Quelle créativité !
Et pour terminer ceci : pour tous ceux qui durant leurs courses hebdomadaires stressantes ressentiraient le besoin d’un moment de calme et de tranquillité, ils pourront se rendre au rayon vin de leur supermarché qui dans les semaines à venir sera complètement déserté par les clients. ‘Tournée Minérale’ oblige. Actuellement les retailers et les marques mettent tout en œuvre pour nous séduire avec leurs boissons sans alcool. Mais en vain, apparemment : les brasseurs ne parviennent pas à écouler leurs bières sans alcool et les distributeurs en boissons se plaignent de voir leur chiffre d’affaires descendre en-dessous de 0,0%. En tout cas ce weekend s’annonce on ne peut plus sûr sur les routes, car aucun chauffeur ivre n’osera prendre le volant, n’est-ce pas ? Du moins, espérons-le. A la semaine prochaine !
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