Un documentaire choquant discrédite les détaillants alimentaires européens. Des malfrats sans scrupules, des escrocs, des extorqueurs. Big deal : où est la grande nouvelle ? Filet Pur mène l’enquête. Exclusif !
Beaucoup de bruit pour pas grand chose
En période de rareté et de pénurie, déployer un concept de vente au détail qui repose justement sur les excédents : voilà l’erreur fondamentale qu’a commise Mere, le combattant des prix russe. Finalement, aucun magasin ne sera ouvert cette année en Belgique. En France non plus, d’ailleurs. Parce qu’il n’y a pas de stocks excédentaires à vendre : tout est parti. Si ça empêche quelqu’un de dormir ? Au final, l’annonce pompeuse de ces Russes bizarres ne figurera même pas en note de bas de page dans le grand compte-rendu annuel de la distribution alimentaire de 2021. Beaucoup de bruit pour pas grand chose.
On ne peut pas en dire autant de l’autre nouvel acteur relatif, Jumbo, qui poursuit résolument sa progression, certes avec un peu de retard. Le PDG, Frits van Eerd, n’est pas encore totalement satisfait : les magasins belges ne sont pas assez belges (vous entendrez rarement les Hollandais utiliser le terme « flamand », même s’ils restent dans leur zone de confort au-dessus de la frontière linguistique). 3 000 articles locaux, ce n’est pas suffisant : il a besoin de plus de fournisseurs de la région. On note. On pourrait penser qu’un fabricant décent se serait déjà rapproché des acheteurs de Veghel ? Apparemment non. Où sont les key account managers adorés quand on en a besoin ?
Pas très ‘able’
En période de pénurie sur le marché du travail, s’obstiner à miser sur des effectifs minimums dans les magasins avec une gamme de produits plus large, des petits pains tout juste sortis du four et quatre vagues d’actions par semaine (lundi, mercredi, jeudi, samedi), telles sont les limites auxquelles Lidl est confronté depuis un moment. Continuer à inonder les acheteurs de promotions à la chaîne, est-ce vraiment ‘able’ ? En tout cas, cela ne profite pas à l’image de l’employeur. Le fameux bus de l’emploi n’est que ce qu’il est : un chouette gadget de relations publiques, rien de plus. De toute façon, si Lidl ne réduit pas la charge de travail, nous le ferons nous-mêmes, disent les syndicats. Et ils ont fermé les magasins. Enfin tranquilles !
Les acheteurs laissés pour compte qui se rendent au Carrefour le plus proche risquent également d’être déçus. La situation est désormais si embarrassante que le grand patron lui-même, François-Melchior de Polignac, s’est excusé en personne pour les rayons vides dans une publication sur Facebook. « Nous faisons tout notre possible », que peut-il dire de plus… Cette fois, le problème n’est pas la grève des magasiniers, mais la pénurie de chauffeurs routiers. Conditions britanniques, quoi. Une réalité qui se rapproche.
Montagnes russes en vue
Si les supermarchés pensent que la concurrence est déjà féroce aujourd’hui, ils feraient mieux d’attacher leur ceinture pour embarquer sur les montagnes russes qui se profilent inévitablement. Les nouveaux modèles commerciaux se succèdent et grignotent la part d’estomac des détaillants alimentaires. « Et maintenant ? », pensez-vous peut-être ? Eh bien, Amazon, qui d’autre, a mis au point un réfrigérateur intelligent qui rend tout simplement les supermarchés superflus. Vraiment ? Oui, vraiment.
Ce réfrigérateur est si intelligent qu’il sait à l’avance ce que vous avez envie de manger. Et Amazon s’assure que votre frigo soit rempli avant même que vous n’ouvriez la porte. Le détaillant va simplement sauter la replenishment economy. Vos courses arrivent toutes seules chez vous. Ce n’est qu’une des pistes que vous pourrez découvrir dans The Future of Food, le livre qui supplante tous les autres ouvrages sur l’industrie alimentaire. En vente dès à présent dans la meilleure librairie.
La Chine dit non
À l’heure du flexitarisme et des marches pour le climat, continuer à réclamer des économies d’échelle dans un secteur porcin déjà peu durable : c’est l’erreur fondamentale à laquelle se heurtent les éleveurs. La Chine dit non, pas de chance. En raison des circonstances, ils sont maintenant obligés de vendre à perte. Les chances d’amélioration semblent minces. Oui, un jour, le marché chinois s’ouvrira à nouveau, mais à des prix exorbitants, tandis qu’ici la consommation de viande ne suit qu’une seule tendance : la tendance à la baisse. L’acheteur deviendra la chipolata : avec la portion gratuite de viande hachée !
Et les agriculteurs ne sont pas les seuls qui peuvent se plaindre. Vous ne devinerez jamais ce qui s’est passé : nous avons reçu un lien vers un film choquant sur le secteur européen de la distribution alimentaire. Un thriller palpitant déguisé en documentaire. Un vrai travail de professionnel, avec ce qui semble à première vue être des témoignages crédibles d’ombres anonymes aux voix déformées, et les images d’une caméra cachée. On y voit notamment des acheteurs en colère qui font pression sur de pauvres gestionnaires de comptes dans des salles de négociation beaucoup trop petites où il fait trop chaud ou trop froid. À l’écran, des humiliations, des menaces et des pratiques illégales. Des accusations de pratiques commerciales abusives. Des repentis brandissant des dossiers compromettants. Un peu tiré par les cheveux, mais assez divertissant.
Mauvaises pilules
Environ à la moitié, le film déraille : après un étrange rebondissement, nous découvrons une conspiration de détaillants alimentaires qui s’unissent au niveau européen pour faire encore plus pression sur les grandes multinationales. En guise de chantage, ils vont jusqu’à retirer des rayons des produits de marques connues pendant des mois. Purement et simplement. Cerise sur le gâteau, le prétendu documentaire accuse ces détaillants d’exploiter leurs propres franchisés. Imaginez. S’en suit toute une séquence sur les pratiques mafieuses des grandes plateformes en ligne. On pourrait penser que les scénaristes ont pris les mauvaises pilules. Qui pourrait imaginer une telle chose ?
En vérité, pas la peine de chercher si loin. Les spectateurs attentifs remarqueront un logo dans le coin supérieur gauche de l’écran : celui d’Arte, en l’occurrence. Arte ? La chaîne culturelle, oui. Et là, tout s’explique : c’est de l’art, bien sûr. De la fiction. Une belle réalisation, mais une pure invention. Tout au plus, les réalisateurs nous présentent une vision cauchemardesque, pour nous préserver d’un avenir dystopique. Quel soulagement ! Vous imaginez, des abus pareils dans le monde réel ? Non, n’est-ce pas ? À la semaine prochaine !
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