Les supermarchés ne se préoccupent-ils finalement pas de notre santé ? Où est en le bain de sang dans le commerce de détail alimentaire ? Et pourquoi Collect&Go augmente ses frais de service ? Cette semaine, Filet Pur s’attaque aux grandes questions existentielles.
Pas de micropuces
Vous avez sans doute déjà entendu parler d’une pénurie mondiale de micropuces qui mine la production de voitures, de smartphones et de consoles de jeux. Un problème qui a désormais atteint les rayons de votre Delhaize local, où il n’y a plus de puces depuis deux semaines. Ni de chocolat, de biscuits ou de céréales, d’ailleurs. En cause : des puces défectueuses dans le centre de distribution ultra-moderne et presque entièrement automatisé de Ninove. Si le détaillant n’a pas souhaité s’exprimer, les franchisés sont en colère et réclament une compensation financière pour la perte de chiffre d’affaires. D’autant plus que le problème ne date pas d’hier.
Pourtant, Delhaize ne fait que répondre à un appel urgent de Sciensano qui demande d’arrêter de promouvoir les aliments malsains. L’année dernière, malgré la pandémie de coronavirus, l’institut de santé a apparemment eu le temps de parcourir tranquillement les catalogues des cinq plus grands distributeurs alimentaires toutes les semaines, pour arriver à la conclusion que plus de la moitié des promotions portent sur de la junkfood sans intérêt nutritionnel. Sérieusement, qu’est-ce qu’ils attendaient ? Ces catalogues sont financés par les fabricants de la marque, qui ne commercialisent pas des feuilles de salade. Pour tous les sucres, graisses et sel cachés, une seule adresse : le « center store ».
Pas de sauterelles
Selon l’étude de Sciensano, c’est Colruyt qui propose le plus de promotions sur des produits mauvais pour la santé. Comme souvent, le détaillant de Halle se justifie en pointant du doigt la concurrence : « C’est eux qui ont commencé, nous ne faisons que répondre. » Haha. En revanche, c’est le catalogue de Lidl qui contient le moins de promotions sur des produits mauvais pour la santé. Le discounter intelligent compte également le moins de fournisseurs de marques, évidemment. En outre, Lidl s’est donné pour mission de faire de ce monde un monde meilleur. Le détaillant part en guerre contre le plastique, le gaspillage alimentaire et le gaspillage d’eau. Toute la gamme de produits doit devenir durable, sans devenir plus chère. En effet, selon une nouvelle étude, la durabilité est jusqu’à présent surtout un luxe réservés aux mieux lotis. La marque d’eau Bru est au diapason et n’utilise désormais plus que des bouteilles en plastique 100 % recyclées et recyclables. La marque sœur Spa suivra prochainement.
En parlant de durabilité et de santé : les insectes semblent se profiler comme les ingrédients du futur. Toutefois, l’époque où l’on se voyait offrir des sauterelles frites au paprika comme apéritif pour accompagner une coupe de cava lors de réceptions branchées est déjà derrière nous. L’engouement est passé, mais le secteur s’apprête à faire une percée maintenant que la législation évolue progressivement. Les producteurs futés vont subtilement dissimuler ces vers de farine et ces mouches soldats noires dans des biscuits et des snacks. Vous voilà prévenus : lisez les petits caractères !
Pas de censure sur les produits laitiers
Les lobbyistes rusés n’obtiennent pas toujours gain de cause en Europe, comme nous l’avons constaté cette semaine. Le combat futile du secteur laitier contre l’essor des alternatives végétales semble n’avoir rien donné… ou du moins pas grand-chose. Un amendement visait à interdire aux producteurs de boissons tendance à l’avoine de continuer à utiliser des briques de lait comme emballage. Et à interdire aux producteurs de « beurre » végétal (oups, terme interdit !) de vendre leur produit en bloc de 250 grammes. Sans parler de la mention « ne contient pas de lait » sur l’emballage. Et du terme « crémeux » qui devait être banni, à moins qu’il s’agisse de crème véritable. Et ainsi de suite.
Bienvenue en Absurdistan, en effet. Le député qui était pourtant en première ligne du lobby des produits laitiers semble s’en être rendu compte : battant en retraite, il a lui-même retiré sa proposition. Mais la guerre n’est pas encore terminée, car le lobby végan veut riposter et contester dans la foulée l’interdiction de termes tels que lait d’avoine, crème de soja et fromage de noix. Affaire à suivre !
Pas de bain de sang
La discrétion du Danger Jaune ces derniers mois semblent n’avoir été qu’une habile diversion : Jumbo rachète à nouveau deux magasins de son adversaire en déroute Alvo (qui a déjà perdu six magasins au profit du groupe hollandais) et ouvrira trois nouveaux magasins en Belgique dans les semaines à venir, dont le premier en Flandre occidentale. Et un à Zonhoven. C’est intéressant car, en 2016, après l’arrivée d’ Albert Heijn, les observateurs du commerce de détail avaient prédit un véritable bain de sang, avec pas moins de sept supermarchés entassés dans une commune de 20 000 habitants. Et pourtant : aucun dégât matériel ou humain n’a été déploré jusqu’à présent. Colruyt y a même ouvert un magasin plus grand, un peu plus proche de la concurrence. Et maintenant Jumbo va aussi contribuer à cette ambiance conviviale. Formidable !
Finalement, le bouleversement final du commerce de détail alimentaire se fera peut-être encore attendre. Les confinements ont été salvateurs. Il semble que l’arrivée de Mere, le nouvel ultra-discounter venu de Sibérie, n’inquiète pas vraiment la concurrence pour le moment. Ce casseur de prix compte bien faire la différence avec du poulet congelé très bon marché acheté en Ukraine. Bien.
Rien n’est gratuit
Parallèlement, la vie du consommateur moyen devient de plus en plus chère, et sur qui peut-on vraiment compter pour faire baisser les prix ? Apparemment sur Cora et Match, étonnement. Certes, ils étaient de loin les plus chers, mais quand même : ce sont les seuls supermarchés à avoir baissé leurs prix l’année dernière, quand toutes les autres chaînes ont profité de l’interdiction temporaire des promotions pour allègrement gonfler leurs marges et renflouer leurs caisses. C’est ce que l’on peut déduire des déclarations du PDG Ludovic Holinier, qui annonce fièrement que les anciens mauvais élèves de la distribution alimentaire renouent avec la croissance et la rentabilité. Bravo, même si le coronavirus a largement contribué à cette performance, de surcroît principalement réalisée dans la partie francophone du pays où la concurrence est, on le sait, quasi inexistante en raison de l’absence de nouveaux acteurs hollandais.
Cette déclaration est également étonnante : « notre e-commerce est rentable ». Il est probablement l’un des seuls à pouvoir s’en vanter. Et cela avec un service de collecte gratuit. Car oui, bref instant de stupéfaction lorsque nous avons reçu un message de Collect&Go : « Bonjour, à partir du 1er juin, les frais de service passeront de 5,50 € à 5,95 €. Et ce tant pour les boutiques en ligne de Colruyt que de Bio-Planet. Cela nous permet de garantir la qualité de notre service et une amélioration continue. » En quoi consiste l’amélioration du service ? Ce n’était pas précisé. Classique. Je sais qu’ils appliquent actuellement les frais de service les plus élevés du marché et qu’il est désormais plus cher d’aller chercher soi-même ses courses chez Colruyt que de se les faire livrer à domicile par Albert Heijn. Jef n’est pas un partisan des livraisons. Il veut faire de l’argent, et rien n’est gratuit. Et il ne croit pas non plus dans les camionnettes électriques : l’avenir est au CNG, un point c’est tout. A-t-il raison ? Eh bien, il n’y a point de gens qui aient plus souvent tort que ceux qui ne peuvent souffrir d’en avoir, comme disait ce cher François de la Rochefoucauld. Mais s’agissant du nonante-cinquième meilleur PDG au monde, je ne voudrais évidemment rien insinuer. Vous me connaissez. À la semaine prochaine !
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