Les producteurs sortent le champagne – sans heure de fermeture imposée : ils ont remporté un fameux Win for Life. Les supermarchés en sont réduits à faire tapisserie. DJ Filet Pur remixe la semaine du food-retail.
Coincés
Vous aimez les lasagnes ? Faites des stocks, car il pourrait bientôt ne plus y en avoir dans les rayons, prévient le plus grand producteur de lasagnes d’Europe. L’histoire est connue : les prix des matières premières, des emballages et de l’énergie s’envolent, quand ce n’est pas la pénurie qui frappe. Ter Beke ne peut donc garantir l’approvisionnement. En particulier aux supermarchés qui ne se montrent pas suffisamment flexibles dans les négociations. Et pour une fois, il ne s’agit pas de Colruyt, a ajouté pernicieusement le fabricant de Come a Casa et de diverses marques de distributeurs. Nous allons donc jeter d’urgence un coup d’œil sur les rayons des Carrefour et autres Delhaize.
Les supermarchés sont coincés. Les perturbations des chaînes provoquées par la crise sanitaire entravent l’approvisionnement. C’est donc la simple loi économique de l’offre et de la demande, que nous avons tous apprise en secondaires. Les producteurs, eux-mêmes confrontés à une pénurie de matières premières et de ressources, ont désormais le luxe d’exiger des augmentations de prix et de ne pas livrer les clients qui refusent de payer le prix fort. C’est comme ça.
Win for Life
Comme on dit, la roue tourne. Le jadis si puissant responsable des achats doit désormais s’estimer heureux qu’un fournisseur décroche encore le téléphone. Les producteurs ont senti arriver leur chance. Tout est toujours question de timing : la probabilité que la situation se prolonge étant plutôt mince, ils doivent en profiter maintenant. Les prix doivent donc monter, et tout de suite ! De toute manière, il est rare qu’ils redescendent ensuite. Win for life ! Et avec l’entrée en vigueur du code orange, les marques peuvent les rejoindre sur le dancefloor : Déchaînez-vous !
Réfléchissez-y : le boycott décrété à Halle n’a manifestement pas beaucoup affecté Ferrero. Le bénéfice a bondi de 64%. Woo-hoo ! En plus, ils sont en train d’ouvrir leur propre boutique de chocolat en ligne : bientôt, ils n’auront même plus besoin des food-retailers. « Cela met la guerre menée avec les chaînes de supermarchés comme Colruyt sur le prix du Nutella sous nouvelle perspective », écrit De Tijd. Pourquoi ? Le journal a reçu les félicitations de Comeos. Et on a fait encore mieux chez Nestlé, avec un bénéfice opérationnel de plus de 14 milliards d’euros. Je suis allé vérifier juste pour être sûr : ce n’était pas une faute de frappe. Entre-temps, les Suisses ont fait leur réapparition dans les rayons d’Albert Heijn et des supermarchés Meilleurs Prix.
Code jaune
Coca-Cola, PepsiCo, Kraft Heinz et Heineken, entre autres, l’ont également bien compris. Tous ces usual suspects ont présenté des résultats plus qu’excellents, et ce qui ne les a pas empêchés d’avertir que les prix allaient « inévitablement » augmenter. Que les consommateurs boivent un peu moins de bière n’émeut pas Heineken outre mesure : l’argent coule à flot. Et ceux qui ne peuvent plus s’offrir de chips pour accompagner leur bière peuvent toujours chasser les grillons : ils sont aussi croustillants et désormais reconnus comme un aliment parfaitement légal en Europe.
Les supermarchés, en revanche, ne sont pas d’humeur festive, au contraire. Dans l’intérêt des clients. Car c’est de votre – et mon – pouvoir d’achat qu’il s’agit, après tout. On le verra inévitablement dans les rayons. Veghel est par exemple passé en code jeune. Jumbo semble être en conflit avec plusieurs fournisseurs à la fois, et pas des moindres : Bonduelle, Coca-Cola et – toujours – Kellogg’s. Certains fournisseurs de marques de distributeur ont également dû interrompre leurs livraisons. Selon le retailer, ce ne serait pas lié aux négociations sur les prix, mais à des problèmes de capacité dus aux mesures de quarantaine. C’est peut-être vrai, mais il ne fait aucun doute que les fabricants de marques de distributeur veulent aussi répercuter la hausse des coûts.
Bon boulot
Chez Ahold Delhaize, Frans Muller se montre cependant assez confiant : selon lui, ces festivités seront terminées au milieu de cette année. Après quoi le soufflé de l’inflation retombera. Plus de 4% : il n’y croit pas à court terme. Entre-temps, le retailer compare les exigences des fabricants de marques à celles de ses fournisseurs de marques de distributeur : « Nous comprenons les augmentations de prix, et nous pensons que les clients les comprendront aussi. » Les amateurs de valeur ajoutée qui font leurs achats chez Delhaize pourraient, oui. Mais les autres ?
Certes, le groupe fusionné a pu présenter des résultats positifs et les marges se maintiennent pour l’instant à niveau. Le groupe gagne également des parts de marché dans le Benelux – principalement grâce à Bébert, bien sûr, mais quand même : du bon boulot, pourrait-on penser. Mais pas assez bon pour convaincre les analystes, manifestement : l’action a plongé. Ben oui, ces investisseurs trop gâtés ont été déçus des perspectives « prudentes » pour 2022. Ils préféreraient peut-être qu’on leur mente ? Car peu de concurrents présentent de meilleurs résultats. Pas vrai, Jef ? D’autant que l’introduction en bourse de bol.com devra encore gonfler les caisses. Bref, ça finira par s’arranger.
Rêve lointain
Alexandre Bompard ne peut qu’observer ce spectacle avec respect : pour lui, des marges de 4% restent de l’ordre du rêve lointain. Non pas que Carrefour se porte mal : au contraire, le plan stratégique est parfaitement sur les rails et apporte au détaillant des bénéfices qu’on n’avait pas enregistrés depuis longtemps à Massy. Le groupe gagne à nouveau des parts de marchés en France et les ventes en ligne explosent. Mais cela refait-il de Carrefour un chasseur ou juste une proie plus intéressante ?
Étonnant aussi de voir comment le groupe protège une filiale belge qui tangue dangereusement. Avec un chiffre d’affaires comparable en baisse de 6,8% au quatrième trimestre, il n’y a pourtant pas de quoi être fier à Evere. Mais cela n’empêche pas le communiqué de presse d’évoquer « une performance très solide sur deux ans » et de pointer du doigt le partenaire logistique. À juste titre, bien sûr, même si on peut s’interroger sur la manière maladroite dont Carrefour Belgium a (n’a pas) géré cette crise d’approvisionnement. Demandez aux franchisés en colère.
Bon, curieux de savoir si tempête Eunice va aussi perturber l’approvisionnement. Selon l’IRM, on resterait juste en dessous du code rouge, mais des camions qui versent sur les bas côtés ne sont sans doute pas exclus. Ça promet. Mais ne vous inquiétez pas, le temps que l’afterworkparty commence vraiment, le pire sera passé. Profitez-en ! Soyez prudents et à la semaine prochaine !
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