Jef Colruyt est un modèle de sérénité imperturbable et le jambon pata negra est le bitcoin de la charcuterie. Deux conclusions instructives parmi d’autres, à découvrir dans votre rubrique FMCG hebdomadaire, assaisonnée par RetailDetail Food !
Un débat serein
Aimeriez-vous être à la place de Jef Colruyt ? Croyez-moi, il y a des moments où même Jef Colruyt préférerait ne pas y être. Dans ces moments-là il est généralement assis pieds nus sur son bureau dans la position du lotus, les yeux fermés, émettant un son monocorde afin d’ouvrir le chakra de la gorge, ce qui apporte apaisement et favorise la créativité. Après une telle séance de méditation, l’homme est rechargé à fond pour, par exemple, poursuivre en toute sérénité le débat avec PepsiCo concernant les prix d’achat.
Cette semaine le pauvre CEO malmené a eu bien besoin de ses sept centres énergétiques pour faire face à ses détracteurs. En effet, les experts boursiers et les analystes financiers nous ont unanimement conseillé de larguer au plus vite nos actions Colruyt. Pour quelle raison ? Eh bien, parce que Colruyt, contraint de baisser ses prix en réaction aux actions promotionnelles sournoises de ses concurrents, voit fondre ses bénéfices. Certains analystes estiment d’ailleurs que ce fameux modèle du ‘meilleur prix’ est devenu intenable. Mais les investisseurs ne voient pas plus loin que le trimestre suivant et se laissent trop facilement embobiner par les beaux discours de managers de fusion hollandais. Non, un vrai Colruyt ne se laisse pas impressionner et investit sur le long terme. En d’autres termes : « Nous continuerons comme avant, tout en nous serrant la ceinture. » Voilà une politique claire et nette. Laissons Delhaize se targuer de pouvoir vendre 150.000 homards et 15 millions de crevettes grises durant la période des fêtes. On verra bien.
Pas si mal
Tout comme Jef Colruyt, Carlos Brito est lui aussi un exemple pour nos jeunes et un modèle de stabilité. Malgré les critiques, il poursuit son chemin solitaire, chargé d’une importante mission. Mission qui peut se résumer en quelques mots : veiller à ce qu’AB InBev gagne plus d’argent et paie moins d’impôts. Dans cette optique, il semble normal qu’il empêche l’importation parallèle de ses produits, qu’il augmente soudainement le prix de ses bières et qu’il supprime 70 emplois au siège principal de Louvain, parce qu’il est plus intéressant de déménager le service achats vers le paradis fiscal qu’est la Suisse – ou non, plutôt parce que là-bas dans les Alpes « il y a davantage d’expertise en la matière ». Mouais, expertise ? Les Suisses sont experts en gruyère, en montres et en canifs, mais en bière ? Quoi qu’il en soit, avec l’argent ainsi épargné, le groupe a ouvert une nouvelle brasserie en Chine et a passé une belle commande chez Tesla. Pas si mal.
Mieux que Carrefour en tout cas, qui le mois dernier a perdu des parts de marché sur son marché domestique. Mieux que Metro aussi, qui malgré une légère croissance, est confronté à une baisse du bénéfice au Benelux. Et mieux qu’Albert Heijn, qui déçu renonce au vaste marché allemand, ô combien difficile.
Troubles mentaux
Certains observateurs s’inquiètent des conditions de travail dans le département marketing d’Aldi, nous dit-on. Il est vrai que le discounter agrémente souvent son folder de jeux de mots et de photos truquées, mais ces dernières semaines son inventivité a atteint des sommets hallucinants, à tel point que certains se demandent si le siège principal n’est pas envahi de vapeurs nocives, qui provoquent des hallucinations et des troubles mentaux. Ou a-t-on tout simplement affaire à des copywriters version discount ? Tout est possible.
La consolidation dans le secteur food, épisode 735 : Dr. Oetker, à la recherche d’une proie, est tombé sur la jolie boulangerie belge Diversi Foods, fournisseur de pains précuits destinés aux supermarchés. Une bonne idée de diversification, car on ne peut manger des pizzas à longueur de journée, n’est-ce pas ?
Bonne nouvelle pour les brasseurs de Mort Subite : la maison-mère Heineken a décidé de commercialiser leurs bières kriek et gueuze à l’échelle mondiale. Actuellement les bières amères sont particulièrement prisées par les Américains. Projets ambitieux également chez Ellis Gourmet Burger, qui pour poursuivre son expansion à l’international recherche un partenaire financier. Peut-être serait-ce une belle alternative pour les investisseurs qui cherchent à se débarrasser de leurs actions Colruyt ?
Le nouveau tabac
Pas bon marché, ces burgers de chez Ellis. Et ils risquent d’être encore plus chers à l’avenir, car selon d’éminents scientifiques une taxe est inévitable pour réduire la consommation de viande, qui ne cesse d’augmenter, maintenant que les consommateurs des lointains marchés émergents exigent eux aussi leur portion de steak et de poulet. Tout cela a des effets néfaste sur le climat et la santé publique. C’est pourquoi le prix de la viande de bœuf devrait augmenter de 40%. Les consommateurs semblent comprendre les enjeux, mais les politiciens n’osent pas entamer le débat, du moins pas pour l’instant. La viande subira-t-elle le même sort que le tabac ? Doit-on afficher des messages dissuasifs sur les emballages ? Des images de gens obèses avec une tension artérielle trop élevée et des artères bouchées ? Quant à la problématique de l’environnement et du bien-être animal, la viande de laboratoire pourrait offrir une solution, sauf que pour l’instant celle-ci n’est pas 40%, mais 4000% plus chère qu’un modeste steak blanc bleu.
A propos de cherté de la viande, la semaine dernière nous évoquions le jambon pata negra à 200 euros le kilo chez Cru. Pas si cher que ça, semble-t-il à présent, car suite à la demande accrue venant de Chine, l’on s’attend à une pénurie, qui pourrait provoquer une flambée des prix allant jusqu’à 70%. Pour ceux qui avaient prévu un plateau de tapas pour l’apéro de Noël, dépêchez-vous avant qu’il ne soit trop tard. Vu la longue durée de conservation de ce jambon espagnol, cela pourrait même être un investissement intéressant, un placement utile pour le peu d’argent qu’il vous restera de vos actions Colruyt. Oui, le jambon pata negra est le bitcoin de la charcuterie. Profitez-en.
Et pour terminer ceci : cette semaine nous avons constaté que certains collègues nous qualifient de ‘certaines sources’, lorsqu’ils n’ont pas envie de mentionner notre vénérable nom. Comme par exemple : ‘selon certaines sources, un premier point de vente devrait ouvrir à Bree’. Bref, si dans un contexte retail il vous arrive encore de rencontrer une formule camouflée de ce style, sachez qu’il est très probable que la source en question soit RetailDetail. A la semaine prochaine !
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