Franchiser des magasins est manifestement beaucoup plus facile qu’il n’y paraît, et les universitaires ne sont pas nécessairement plus intelligents que les autres clients des supermarchés. Mais quels odieux projets de restructuration le troisième food-retailer du pays ourdit-il ? Filet Pur vous le révèle en exclusivité !
Une époque merveilleuse
Et qu’avons-nous appris cette semaine ? Qu’il passe. Tout simplement. Non, vraiment : la bonne nouvelle pour Delhaize est venue mardi de Gosselies, eh oui. C’est là qu’ils commenceront à franchiser les 16 premiers des 51 établissements Mestdagh. Toutes les formalités seront bouclées le 1er juillet : ces magasins seront alors des membres à part entière d’Intermarché, le club des Mousquetaires, les superhéros du food-retail. Un pour tous, tous pour un. Le reste suivra avec la deuxième session, en septembre. Comme quoi il est parfois possible de faire simple. Pas le moindre couac.
Quoique : quelques larmes ont coulé sur les joues de fidèles employés conscients qu’ils devraient désormais travailler dans des conditions abominables et à des salaires de misère pour un authentique esclavagiste. Et les syndicats pris de vitesse de s’indigner et d’exiger des explications. Mais il n’est plus question depuis longtemps de piquets, de manifestations, de grèves et d’autres actes de sabotage. Et ce, au cœur d’une Wallonie jadis si combative. Ne vivons-nous pas une époque formidable ?
Tapis rouge
Il semble de plus en plus que Delhaize ne rencontrera guère obstacles pour se défaire de ses 128 magasins déficitaires. Le tapis rouge est prêt. Après le neuvième dialogue de sourds avec la direction, les syndicats se sont montrés des plus discrets – l’un d’entre eux n’a même pas pris la peine de réagir. Ils ne veulent pas encore l’admettre officiellement, mais au fond d’eux-mêmes, ils n’y croient plus. Le plan futur de la direction sera mis en œuvre, il n’y a plus rien à faire. Les appels au boycott des supermarchés lancés par quelques universitaires exaltés et des agitateurs prolétariens ressemblent surtout à des coups d’épée dans l’eau. Avec une telle élite intellectuelle, on n’a plus besoin d’idiots. Des héros en chaussettes.
Une majorité de travailleurs en ont apparemment assez. Malgré quelque vingt mille manifestants lundi dernier, la quasi-totalité des magasins sont restés ouverts. Avec l’aide d’une escadrille de bus remplis d’étudiants jobistes, mais tout de même. Pour ne rien arranger, les tribunaux ne suivent plus : même dans un Hainaut rouge foncé, les piquets de grève n’ont pas le droit d’empêcher leurs collègues désireux de travailler d’entrer dans les magasins. On peut faire la grève, mais faire bloquer les portes par des perturbateurs professionnels qui ne travaillent même pas chez Delhaize, c’est trop. Le jugement est clair.
Rémouleur
Et il est peu probable qu’ils partent ensuite brûler des palettes devant des magasins Carrefour. Ce qui est peut-être un peu surprenant, car une grande cure d’assainissement y est également prévue. Logique après la perte record de l’an dernier : plus de 60 millions d’euros. Alexandre Bompard est un homme patient, mais il ne faut pas exagérer, selon des personnes bien informées. Superman Geoffroy Gersdorff sait ce qui lui reste à faire. Apparemment, il a déjà convoqué le rémouleur. Coupes sombres à venir.
Mais il a également laissé entendre qu’aucun plan de franchisage majeur n’était sur la table. Du moins pas de la même ampleur que chez Delhaize. Les syndicats sont donc à l’affût, mais évitent toute escalade. Il n’y a pas d’agitateurs ici, juste des antihéros. Ils ont appris. Les discussions exploratoires en cours se dérouleraient dans une atmosphère « correctes ». Mais à propos de quoi ? Il ne sera en tout cas pas question de baisser des salaires ou de toucher aux conditions de travail, préviennent les syndicats. Qui vivra verra.
Pas de nouvelles
La situation est-elle meilleure ailleurs ? Pas vraiment chez Lidl, qui, malgré un chiffre d’affaires record au niveau du groupe, n’est que modérément satisfait des résultats de l’exercice écoulé. Ben oui, c’est toujours la même histoire : les marges sont sous pression. Le hard-discounter a donc annoncé à son tour des plans d’économies. Rien n’a encore été annoncé pour le puits sans fond de Merelbeke. Ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle.
Pas de problème en revanche chez Aldi Belgique : malgré les prix bas, il est encore possible d’y obtenir des salaires élevés. Chic ! Le hard-discounter viendra expliquer comment il y parvient au RetailDetail HR & People Congress du 15 juin.
Chez les concurrents d’Aldi Süd, les choses vont même si bien qu’ils ont héroïquement décidé de creuser eux-mêmes un puits profond pour y engloutir leurs bénéfices : ils vont, certes en traînant les pieds, livrer des courses à domicile. Personne ne gagne un demi-euro en livrant, mais on perd des clients si on ne le fait pas. Dilemme.
Rosé bio
Il en va tout autrement pour Bio-Planet, qui a été contraint de réduire son offre e-commerce. Mais le directeur général Jan Van Holsbeke affirme que les clients qui avaient décroché en 2022 face à l’inflation sont en train de revenir. Les producteurs bio n’ont pas procédé à des augmentations aussi excessives que ces rapaces de multinationales. De plus, la chaîne va chercher l’argent là où il se trouve : au Luxembourg, où on dépense deux fois plus en produits bio que chez nous. Jackpot garanti !
Nous avons donc eu droit à une semaine bien remplie dans le food-retail, puisque nous n’avons même pas abordé l’Eco-Score de Danone, les soupçons de profitflation chez Mondelez ou la décision des moines de Westvleteren de mettre leur célèbre bière dans les rayons des magasins néerlandais. Et nous devrions toujours faire deux heures de route jusqu’au Westhoek ?
Pff, c’est épuisant une semaine de cinq jours… Ce héros des pantoufles n’avait plus l’habitude. Heureusement, un nouveau week-end prolongé est déjà à nos portes, avec des températures qui se rapprochent tranquillement de l’idéal pour les barbecues. Ah ah ! Et cette bouteille de rosé bio qui me fait de l’œil depuis tout à l’heure… À la semaine prochaine !