Alors que la terre continue de se réchauffer et que l’effervescence à l’approche de Noël est à son comble, le climat dans le secteur du retail alimentaire se refroidit considérablement, une fois de plus. Le point sur l’actualité FMCG avec RetailDetail Food.
Bande d’ivrognes
Disclaimer : bien que ce vendredi soit officiellement ‘Ugly Christmas Sweater Day’, cette édition de Filet Pur a été rédigée dans un simple, mais non moins élégant pull-over bleu, jeans bleu et sneakers blancs, conformément à la classe discrète que l’auteur de cette rubrique tente d’irradier – avec plus ou moins de succès, avouons-le. Cette semaine, à l’approche des fêtes, les communiqués de presse ont afflué dans notre boîte mail. Les retailers se surenchérissent mutuellement avec des chiffres impressionnants. 900.000 bouteilles de cava, 600.000 bouteilles de champagne, 300.000 bouteilles de prosecco et 75.000 bouteilles de crémant, voilà ce que pense vendre Delhaize dans les jours à venir. Sans oublier les 75.000 bouteilles de gin, 15.000 bouteilles d’Aperol, 5.000 bouteilles de tequila et encore 50.000 bouteilles de vieux rhum. Quant aux bacs de bière, impossible de les compter. Colruyt pour sa part préfère s’en tenir à 140 camions de vin mousseux au meilleur prix, rien que ça. C’est indéniable : nous sommes une bande d’ivrognes et la gueule de bois n’en sera que plus pénible le 1er janvier.
Pourtant durant la semaine écoulée il n’y a pas eu dans le secteur food une surenchère de convivialité. Histoire de plomber l’ambiance de Noël, Colruyt notamment a décidé de retirer de ses rayons toute une série de produits de Mars et Red Bull. Non pas parce que le discounter se soucie de la santé de ses clients, mais par pure cupidité : les prix d’achat doivent baisser et les marges augmenter. Mais pas moyen de le faire en catimini, et sûrement pas lorsqu’un un reporter vigilant de RetailDetail déambule par hasard dans les rayons. C’était notre devoir de diffuser cette information délicate, après quoi les médias nationaux et internationaux se sont emparés de la nouvelle. « Oui mais, nous tentons de trouver une solution de manière constructive », argumente Colruyt. En vain, évidemment. Foutue, l’ambiance de Noël !
L’Âge d’or
Après le bras de fer avec Nestlé au printemps dernier, le discounter tente donc in extremis de décrocher le titre de ‘Querelleur de l’année’. Résultat : l’image zen de Jef Colruyt en a pris un sérieux coup. Bien qu’apparemment il ne participe pas de plein gré à ce boycott. Dans les coulisses nous apprenons en effet que ce besoin de fonds supplémentaires concerne essentiellement le leader du marché allemand Edeka et que par conséquent les autres membres d’Agecore sont supposés être solidaires. Que voulez-vous : en tant que membre d’un club, il faut suivre la meute. Ou alors il faut adhérer à la doctrine de Groucho Marx : « je ne voudrais jamais faire partie d’un club qui m’accepte comme membre. » Mais bon.
Peut-être l’alliance Agecore a-t-elle pensé pouvoir profiter de l’occasion une dernière fois, puisque d’ici peu il ne sera plus possible d’éjecter aussi facilement un fournisseur. De fait, l’Europe a décidé de protéger les petits producteurs contre les méchants géants du retail, assoiffés de pouvoir. Les petits producteurs : selon Bruxelles, il s’agit d’entreprises générant un chiffre d’affaires inférieur à 350 millions d’euros. Oui, vous avez bien lu : 350 millions. Dans notre pays rares sont les multinationales qui atteignent un tel montant, croyez-moi. En d’autres termes : plus question de primes de référencement et encore moins de déréférencement. Bref : tous les retailers alimentaires feront faillite et l’Âge d’or s’annonce pour les fabricants de marques ! Et entretemps nous apprenons qu’en Allemagne Unilever et Kaufland sont définitivement en brouille. Jingle bells !
Volonté de se sacrifier, zéro
Mais nous n’en avons pas encore terminé avec Colruyt. Quoi qu’on en dise, le retailer ne veut que notre bien et nous donne donc un petit coup de pouce pour nous aider à faire des choix alimentaires durables. Par exemple, en attirant notre attention sur les légumes de saison en magasin. Et ça marche, paraît-il. Il y a eu aussi un test avec des portions plus réduites de saucisses, qui a entraîné une baisse des ventes de viande. Mais pour l’instant l’enseigne ne va pas poursuivre ce projet, car le recul des ventes n’était pas prévu dans le business plan 2019. Typique. Dans le même ordre d’idées, une étude au Royaume-Uni a révélé que les shoppers se laissent moins tenter par des snacks malsains lorsqu’ils n’y sont pas confrontés aux caisses. Eh oui, il a fallu une étude pour le prouver. Là aussi la question se pose de savoir si les retailers – et les fabricants – sont prêts à faire ce sacrifice. Jusqu’à présent la réponse a toujours été non, sauf chez … Colruyt.
Candidat au RetailDetail Award ‘Deal de l’année’ : Unilever, qui au vu de tout le monde engloutit De Vegetarische Slager, pour devenir à terme le plus grand boucher sans viande au monde. De fait, les plantes sont les nouvelles vaches – du moins selon cette fameuse marque de margarine qui soi-disant n’avait plus d’avenir au sein de la multinationale et qui à présent donne des leçons de marketing à quiconque veut l’entendre. Mais vendre son âme à un groupe diabolique, est-ce bien une bonne idée pour une entreprise créée par idéalisme ? Mouais. The devil has all the best tunes, c’est bien connu. De même pour Tony’s Chocolonely, qui recherche un grand et riche repreneur. Soyez-en sûrs, ils le trouveront vite ce sugardaddy. Eh oui, l’intégrité se fait rare sur le marché.
En panne
Il n’y a plus de certitudes. Aldi, le grand vainqueur de cette dernière décennie, plonge profondément dans le rouge sur son marché domestique, en raison d’une croissance décevante et d’importants investissements. Une perte de plusieurs millions ! Oui, le hard discounter est en crise. Casser les prix n’est plus une garantie de succès. Restructurer, voilà ce qu’il leur reste à faire. Tiens, où avons-nous encore entendu cela ? En effet, chez Carrefour, entre autres. Tout spécialement pour RetailDetail, le secrétaire général de Carrefour Belgique, Geoffroy Gersdorff, revient sur une année plus que mouvementée. Même pas peur de Jumbo, nous dit-il, et la part de marché qui s’érode n’est qu’un fait divers : « cette part de marché ne paie pas mes factures ». Hm, curieux de savoir ce qu’en pense le grand patron Alexandre Bompard.
Le retailer va d’ores et déjà s’attaquer aux coûts en supprimant le personnel en magasin, tout simplement : d’ici peu l’enseigne ouvrira un magasin-robot automatisé près de la Grand-Place de Bruxelles. Le point de vente sera ouvert sept jours sur sept et 24 heures sur 24. Mais en quoi est-ce révolutionnaire, direz-vous? De fait, il y a plus de 20 ans le pionnier campinois Jo Robrechts a déjà testé le concept dans sa région, sous le nom Shop24. Une super idée, mais ces engins étant plus souvent en panne qu’un état de service, ce projet visionnaire a finalement été abandonné prématurément. Chaque chose en son temps, n’est-ce pas ?
Pour cause de vacances, il se pourrait que la semaine prochaine vous deviez vous passer de votre Filet Pur. Ou peut-être pas, enfin on verra. Quoiqu’il en soit, bonnes fêtes de fin d’année et en cas de déception au pied du sapin, consolez-vous avec l’idée qu’on a jamais assez de chaussettes. A l’année prochaine !
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