Le tonnerre gronde au pays du retail alimentaire. Cinquante ans d’inertie vont-ils être balayés par un nouveau venu agressif ? Après un été tiède, place à un automne torride, voilà ce que prédit le résumé hebdomadaire de RetailDetail Food.
Morosité
Alors, cette rentrée des classes ce matin ? Déposer ses enfants à la porte de l’école après ces longues vacances, ça fait du bien, admettons-le. L’été se termine et à en croire les échos du secteur, ce fut une période on ne peut plus morose. Non, nous ne parlons pas de la météo – bien que cela ait pu jouer un rôle, car le temps n’était pas vraiment favorable au BBQ –, mais des tristes statistiques que les managers du retail alimentaire ont reçu dans leur boîte mail semaine après semaine. Pas moyen de faire décoller les ventes. Ça promet pour cet automne : les enseignes de supermarchés devront sortir tous leurs atouts pour atteindre leurs objectifs.
Mais nous craignons que ces tentatives soient d’avance vouées à l’échec. De fait, les consommateurs ont déjà dépensé leur argent ailleurs depuis longtemps : soldes, voyages au soleil (en moyenne plus de 1000 euros par personne, paraît-il), festivals d’été hors prix, frites de Sergio Herman, hotdogs de Jeroen Meus, livres de cuisine de Pascale Naessens … Et en plus il faut encore réapprovisionner la cave à vin. Mais cette année, pas besoin de se presser, puisque les retailers ont décidé de prolonger leurs foires au vin ou d’étaler les actions sur deux périodes. Histoire de ne donner aucun répit à la concurrence et d’éviter le creux jusqu’aux jours de fêtes en décembre. Mais cela nous incitera-t-il à acheter plus ? Et à boire davantage ? Peut-être, pour certains d’entre nous.
Votre pronostic ?
Pour le rapport ‘food’ annuel de 2017 (oui, nous sommes membres de la Ligue des Journalistes Visionnaires), deux mots-clés suffiront pour l’instant. Amazon et Ahold Delhaize dominent l’actualité FMCG, et souvent en même temps, car lorsque Amazon chamboule le secteur du retail américain, Ahold Delhaize en paie les frais. A tel point que les analystes se posent des questions quant à l’avenir du groupe fusionné aux Etats-Unis. L’association d’investisseurs VEB s’est penchée sur la question et en a conclu que tous les scénarios étaient possibles. D’une part il y a la menace d’une guerre des prix et la montée du e-commerce, mais d’autre part Ahold Delhaize est mieux armé pour y faire face que certains de ses concurrents.
Enfin, on verra. Toujours est-il qu’Amazon et Whole Foods ont tenu parole : les réductions de prix de 30 à 40% ont fait impression. Mais nous ne serions pas RetailDetail si nous n’y ajoutions pas quelques annotations pointues : pour Amazon les réductions de prix ne sont qu’un ticket d’entrée pour participer au jeu, car ce que veut vraiment le géant américain, c’est changer le business model du supermarché. Mais est-ce nécessaire ? Eh bien, disons que les seules vraies innovations dans les cinquante ans d’histoire du supermarché ont été les codes-barres et le self-scanning. Félicitations à vous les retailers ! Ce que manigance Amazon actuellement, fait penser à Apple, nous disait un commerçant clairvoyant. En effet. Ce qui nous amène à la question suivante : qui sera le Nokia du retail alimentaire, et qui sera le Samsung de service ? N’hésitez pas à nous envoyer vos pronostics.
Encore une révolution
A peine ce précédent Filet Pur était-il publié, que Carrefour Belgium annonçait l’arrivée d’une poire sans résidus. A l’heure où le consommateur attend surtout des œufs sans résidus, le retailer lance un jolie poire conférence sans aucune trace de pesticides. Ce qui donne à réfléchir. Devons-nous en conclure que toutes les autres poires contiennent des résidus ? Si Poutine entend ça, fini l’exportation de poires.
Parlant de Carrefour : après la publication de résultats semestriels décevants – malgré la hausse du chiffre d’affaires, les marges sont en baisse suite à une forte pression concurrentielle et promotionnelle en France – l’action du retailer a plongé. Le nouveau patron Alexandre Bompard annonce donc un vaste plan de transformation, une révolution digitale et une réforme des hypermarchés. Tiens, les deux précédents PDG n’avaient-ils pas fait la même promesse ? Carrefour Belgium y apporte d’ores et déjà une modeste contribution avec le lancement d’une place de marché en ligne, ouverte aux grandes et petites entreprises.
Autre mauvaise nouvelle venant de France : les vendanges sont décevantes, avec par conséquent un risque de pénurie. Heureusement les vins français ne représentent que la moitié de l’offre dans nos magasins. De plus, une bonne nouvelle nous parvient de Wallonie : le nombre de viticulteurs y augmente à vue d’œil. Il y en a déjà une nonantaine, surtout aux alentours de Liège, Namur et dans le Hainaut et selon les connaisseurs la production devrait tripler durant les cinq prochaines années. J’entends déjà les soupirs de soulagement de certains : ouf, nous sommes sauvés !
Champignons fermentés
Nous l’avons déjà souvent évoqué dans cette rubrique : notre consommation de viande est bien trop élevée, vu les effets néfastes pour notre planète et nos vaisseaux sanguins. L’avenir est au végétal. Quoi que … Selon le patron de Quorn, fabricant de faux filets de poulet à base de champignons fermentés, la plupart des alternatives à la viande sont de faible qualité. Et il ne parlait même pas de ses propres produits. Hm, pense-t-il vraiment pouvoir booster le marché des ‘burgers veggie’ en tenant un tel discours ?
Au lieu d’essayer d’imiter maladroitement la viande, nous ferions mieux de la cultiver nous-mêmes dans de grands réacteurs bios, estiment certains. Pas de souffrance animale et un impact environnemental négligeable. Si de grands noms comme Bill Gates et Richard Branson y consacrent leur argent, le projet pourrait bien avoir un avenir, non ? Petite question : les végétariens et végans deviendraient-ils carnivores s’ils avaient la certitude que leur entrecôte proviendrait d’un labo et non d’un abattoir ?
Chez Ter Beke, ils ne se préoccupent pas trop de ce débat : la plupart des gens continueront à manger du jambon ou du salami sur leurs tartines, estiment-ils. C’est pourquoi ils ont racheté leur collègue néerlandais Zwanenburg, fabricant de charcuterie préemballée et artisanale. Malgré la baisse des marges en raison du prix élevé des matières premières, il leur restait encore un peu d’argent, visiblement.
Légumes erronés
En tout cas, manger davantage de légumes ne peut nous faire que du bien. Quelle n’a pas été la surprise des voyageurs du métro parisien en voyant une annonce pour oignons blancs sur une affiche montrant des fenouils. Ou une publicité pour courgettes avec une photo de concombres. Une erreur d’impression ? Non, le coupable semble être Intermarché, et en plus ils l’auraient fait exprès. Pourquoi ? Parce que la plupart des écoliers français ne savent pas distinguer un chou d’un poireau, affirme le retailer (cliquez ici pour découvrir la vidéo). 40% d’entre aux semblent même ignorer que les frites sont préparées à base de pommes de terre. Les enfants belges feraient-ils mieux ?
Toutefois ce manque de connaissance des légumes n’est pas responsable de la baisse du chiffre d’affaires de Greenyard, spécialiste des fruits et légumes frais et préparés. Non, ce recul est dû aux faibles performances de la division surgelés et conserves. Par contre le groupe a vendu davantage de terreau, pour ceux que cela intéresse.
Vous l’aurez certainement remarqué : les prix du beurre et de la crème montent en flèche. Mauvaise nouvelle pour les gourmands, mais bonne nouvelle pour les producteurs laitiers et la coopérative laitière FrieslandCampina, qui a enregistré une belle croissance de son chiffre d’affaires. Tout comme le grossiste du secteur foodservice Metro, qui a publié ses premiers résultats trimestriels individuels depuis la scission de Metro Group en deux entités (Metro et Ceconomy). Et pourtant le cours de l’action a chuté. Eh oui, certains ne sont jamais satisfaits.
Placement produit
Cette semaine nous avons également suivi avec grande attention le nouveau programme culinaire quotidien ‘Open Keuken’ sur VTM, présenté par Sandra Bekkari. Une femme au foyer, pas une vraie cuisinière, comme nous avons pu le constater à sa technique de coupe totalement inexistante. Mais apparemment cela ne dérange son partenaire Albert Heijn. Barilla aussi était de la partie, bien que Bekkari ait préparé une recette de pâtes, sans … pâtes, car elle veut bannir ces maudits glucides, ou du moins autant que possible. Les logos et étiquettes ont été relativement bien camouflés, bien que nous ayons reconnu un pot de moutarde Kühne et un placement produit judicieux d’Elvea, une marque qui surgit souvent dans des programmes culinaires et sur de multiples blogs food.
En tout cas Sandra ne pourra pas compter sur un budget de Devos-Lemmens ou Hellmann’s : elle a vivement conseillé aux téléspectateurs de préparer eux-mêmes leur mayonnaise parce que les produits industriels contiennent des masses de sucre. Et une telle attaque envers notre industrie alimentaire passe tout simplement sur une chaîne télévisée commerciale ? Incompréhensible que Peter Bossaert (CEO de Medialaan, holding qui chapeaute notamment VTM) – qui pourtant a travaillé pour Calvé – ne soit pas intervenu immédiatement.
Et pour terminer, ceci. Nous avons de belles perspectives en vue, et vous aussi : vendredi prochain vous aurez droit à un nouveau numéro du journal RetailDetail Food, qui contient quelques articles passionnants, promis. A la semaine prochaine !
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