La crise ? Quelle crise ? Les consommateurs remplissent à nouveau leurs caddies le cœur léger, tandis que les employés des magasins succombent sous la charge de travail. Mais pas d’inquiétude, les courses le dimanche touchent à leur fin, Filet Pur le sait.
Travail forcé
Surmené, méprisé, sous-payé : tel est l’employé de supermarché moyen, surtout chez Delhaize, où l’exploitation, le harcèlement et l’intimidation sont la règle depuis la mise en œuvre de ce fameux plan d’avenir – du moins à en croire les rapports inquiétants des syndicats, qui font état de procédures de licenciement abusives, de travail dominical imposé et de charges de travail qui ont triplé (!). Si vous n’exagérez pas, il n’y a aucune chance qu’on parle de vous dans les médias, ont-ils dû penser. Le retailer a répondu à ce combat d’arrière-garde par un simple haussement d’épaules.
Mais si la situation est déjà si grave ici, qu’en est-il dans les pays où il n’y a pas de syndicats pour prendre le mégaphone ? Dans les Carrefour d’Arabie saoudite, on applique la semaine des sept jours et 60 heures, les heures supplémentaires ne sont pas payées et ceux qui se plaignent risquent le fouet s’ils n’obtempèrent pas. Si Amnesty International le dit, ce ne peut être que vrai. Et il s’agit aussi d’un franchisé. Le retailer a en tout cas ordonné l’ouverture d’une enquête. En revanche, on n’entend pas les footballeurs en préretraite se plaindre des conditions de travail dans le désert.
Fierté
À quoi sert-il d’avoir des clients satisfaits s’ils dépensent moins chez vous ? La question s’adresse au même Carrefour, qui a vu son chiffre d’affaires reculer de 2,2 % en Belgique malgré un net promoter score en hausse. En cause : une concurrence accrue, en particulier le dimanche. Tiens donc, ils ne sont pas les premiers à s’en plaindre. Mais contrairement à notre fier leader du marché, la grande majorité de leurs magasins ouvrent le dimanche, non ? Certes, mais pas les hypermarchés à gros chiffre d’affaires. Une note positive tout de même chez Monsieur Bompard : les consommateurs européens reprennent goût à la vie, ce qui se traduit par une augmentation des volumes et une amélioration des ventes dans le bio et les marques nationales.
Bon, peut-être pas celles de Nestlé, et encore moins celles de Heineken, mais Unilever, Danone et Coca-Cola, entre autres, n’étaient pas peu fiers de leurs bons résultats publiés ces derniers jours. D’autant qu’ils n’étaient que dans une très faible mesure imputables à de modestes augmentations de prix et découlaient surtout de volumes en hausse. Il est sans doute un peu tôt pour annoncer la fin de la crise du pouvoir d’achat, mais les consommateurs ont manifestement décidé de réapprovisionner leur garde-manger. Grâce à des promotions de plus en plus agressives ?
Pas débile
Si faire ses courses ne peut être agréable, cela doit au moins être rapide. C’est en tout cas ce qu’on pense chez Amazon, qui croit réinventer la roue en développant un nouveau concept de magasin de proximité. Nouveau, vraiment ? À en juger par les premiers rapports, la dernière invention du retailer le plus innovant au monde ressemble étrangement à un Carrefour Express ordinaire – mais bon, ils n’en avaient pas encore à Chicago. Aucune trace de technologie Just Walk Out en tout cas. Le magasin du futur est-il l’épicier du coin ?
On innove aussi chez Lidl : les clients pourront bientôt utiliser leur propre auto-scanneur aussi vite qu’ils le veulent, grâce à l’application Lidl Plus sur leur smartphone. Qu’un client n’ait aucune chance d’être plus rapide qu’une caissière bien entraînée n’est qu’un détail, tant qu’ils ont l’impression de contrôler la situation. Le directeur général Kenneth McGrath n’est pas débile : pourquoi investir dans des scanners coûteux pour chaque magasin, alors que les clients sont assez fous pour faire gratuitement le travail des caissières en utilisant leur propre smartphone qu’ils ont rechargé à leurs frais à la maison ? Voilà. Selon les rumeurs, ils réfléchissent encore à l’installation du wifi dans les magasins.
Délicieux
La commodité sert l’humain : ils l’ont aussi compris à Halle. Quelques semaines après la participation dans la chaîne de restauration BON, le toujours aussi affamé Stefan Goethaert fait déjà un nouvel achat. Delitraiteur est un modeste, mais très bon ajout à un portefeuille de marques de magasins qui devient peu à peu aussi varié que fragmenté. De l’expertise dans une catégorie où Colruyt n’est certainement pas un précurseur – les plats préparés qui ont aussi du goût – et une enseigne ouverte le dimanche : c’est exactement ce que le médecin avait prescrit. Rentable, de surcroît, et doté d’un beau potentiel de croissance jusqu’ici sous-exploité.
Dans la famille Bouriez, on est soulagé d’en être enfin débarrassé. Il ne leur reste que deux dossiers casse-tête sur la table du petit-déjeuner. Mais pour se libérer un jour de ces misérables Cora, j’ai bien peur qu’il faille mettre un gros paquet d’argent sur la table. Et encore. Bonne chance. Ce qui doit ou peut advenir de Delfood, le fournisseur des magasins de proximité et des stations-service Louis Delhaize, est moins clair. Non que ce soit une mauvaise entreprise, au contraire, mais qui pourrait-elle intéresser ? J’aimerais bien le savoir.
Retour en arrière
Par ailleurs, d’autres nouvelles réjouissantes ont été annoncées cette semaine pour Colruyt. En effet, c’en sera rapidement fini de cette concurrence déloyale le dimanche. Les règles seront bientôt parfaitement identiques pour tout le monde. Du moins à en croire les syndicats (une fois de plus) : les travailleurs de la grande distribution sont totalement opposés au travail le dimanche. Cela a assez duré, ils n’en veulent plus. Question d’équilibre en travail et vie privée, vous connaissez la chanson.
En bref : bientôt, les supermarchés ne trouveront plus de volontaires pour le service du dimanche, et c’en sera fini. On reviendra simplement aux horaires d’ouverture d’antan : du lundi au samedi, de 9 heures à 18 heures, avec une heure de fermeture complète pour la pause déjeuner payée de 12 heures à 13 heures. Vu le nombre de personnes qui plaident actuellement pour retour en arrière d’environ 70 ans à différents niveaux, pourquoi pas.
En parlant d’heure : on en change dimanche prochain. N’oubliez pas ! Et rendez-vous dans quinze jours : pour cause de vacances, pas de Filet Pur la semaine prochaine.