Des employés de magasin en colère ? Des ententes douteuses ? Des systèmes défaillants ? Des projets de conquête secrets ? Votre chronique préférée vous révèle tout et fait un retour triomphal après une pause estivale bienvenue. Bonne dégustation !
Ententes tacites
Les lamentations n’ont pas manqué la semaine dernière. La période de staycation était à peine terminée que les premiers gémissements se faisaient entendre. Les consommateurs s’inquiètent de l’augmentation du coût de la vie – et surtout des produits alimentaires. Ils le font en fait depuis le mois de mars, et n’ont pas totalement tort. Les experts multiplient les prétextes à ces hausses de prix – le coronavirus est aujourd’hui le bouc émissaire idéal – et ignorent l’entente tacite conclue entre les supermarchés et les fournisseurs, qui ne sont d’accord que sur une chose : si quelqu’un doit payer la facture de ces mesures sanitaires exorbitantes, c’est bien le consommateur. Et personne d’autre.
En parlant des prix élevés des denrées alimentaires : ils devraient simplement devenir la nouvelle norme. Notre alimentation est trop bon marché. Et ce n’est pas moi qui le dis, mais Penny, pourtant une enseigne discount performante sur un marché allemand hyperconcurrentiel. Le retailer a subitement doublé le prix du carton de lait ou du kilo de hachis mixte et pense pouvoir s’en tirer. Le raisonnement ? La production alimentaire est souvent néfaste pour l’environnement et la facture est lourde. Le pollueur paie – et remet ensuite la facture au consommateur.
Grand soir
Attention, la situation empire : les consommateurs peuvent s’estimer heureux d’encore pouvoir aller au supermarché. Pour l’instant. Car les conditions de travail dans les magasins frôlent l’esclavage, et cela ne peut plus durer. Rendons à César ce qui appartient à César : ce sont les employés d’Aldi qui ont été les premiers à tirer la sonnette d’alarme. Lundi, 36 magasins se sont placés en confinement volontaire et ont menacé de ne pas en rester là. Apparemment, l’ultimatum a fonctionné : on en est donc resté là.
Les reportages mielleux publiés dans la presse n’ont laissé aucune place au doute. Ce nouveau concept de hard discount peut sembler branché et moderne en façade, mais au fonds de l’entrepôt, des directeurs de filiales surmenés, assis sur une caisse de River Cola avec d’énormes poches sous les yeux, passent des commandes sur une vieille machine qui tourne encore sur… MS-DOS. Ceux qui se souviennent de ce système d’exploitation antédiluvien sont presque mûrs pour la retraite.
Problème temporaire
Mais la situation n’est pas dramatique que chez Aldi : les collègues de Makro ont suivi leur exemple et se sont croisé les bras quand on leur a annoncé leurs collègues temporaires étaient ce qu’ils étaient officiellement depuis le début : temporaires. La perspective de devoir travailler encore plus dur avec encore moins de personnel pour tenter une nouvelle fois de combler un puits de dettes sans fond était trop forte. Peut-on les en blâmer ? Il y a quand même une note positive : avec ses nouveaux projets, Makro s’affiche en précurseur visionnaire : c’est la première chaîne de supermarchés à décider de cesser définitivement de vendre des produits du tabac. Applaudissements s’il vous plait. Où restent les collègues pour qui la santé est si importante ?
Sans transition, une vache ailée avec un museau de porc et des pattes d’agneau. C’est le logo du tout nouveau concept de boucherie Peeters-Govers, l’entreprise de produits frais qui, dans un passé lointain, conduisait un supermarché mobile jusqu’à votre porte – un modèle commercial qui serait totalement tendance aujourd’hui, mais appartient malheureusement au passé. Ce logo vous rappelle aussi une expérience génétique ratée échappée d’un obscur laboratoire chinois de CRISPR ? Rien n’est plus faux : ils s’engagent pour une viande pure et honnête, sans trace du moindre additif. Une noble initiative. Tout ce qu’ils ne sont pas autorisés à faire dans leur entreprise franchisée Albert Heijn et KFC ultraformatée – être créatif, sortir des sentiers battus, expérimenter, ne faire aucun compromis sur le goût et la qualité –, les Peetersen le font sur leur propre terrain de jeu. Histoire de ne pas perdre le plaisir.
Dérangé
Il est temps de vous raconter une histoire vraie. Scène de crime : un Delhaize à Anvers. Le client qui me précède à la caisse dépose un produit dont le code-barres est endommagé sur le tapis roulant. La caissière jure un bon coup en constatant que le scanner ne fonctionne pas et demande à sa collègue de la caisse d’à côté :
« – Dis, Suzanne, qui dois-je appeler maintenant ?
– Le service, je pense. »
Elle se saisit du micro, le magasin entier entend :
– « Service pour la caisse 4, service pour la caisse 4 » (et c’était vraiment la caisse 4, je suis journaliste, pas auteur de fiction)
Personne ne vient, elle répète l’appel.
– « Suzanne, personne ne vient.
– Essaye l’expertise.
– Expertise pour la caisse 4, expertise pour la caisse 4. »
Personne ne vient, même quand elle répète l’appel.
Elle montre le produit à Suzanne : c’est un paquet de boulettes à la sauce tomate.
– « Ah, alors appelle quelqu’un des fruits et légumes. (authentique)
– Fruits et légumes, caisse 4. »
Aha : un jeune homme sympathique se présente, puis disparaît dans le magasin avec l’article et revient un peu plus tard avec un paquet intact, afin que la caissière puisse le scanner. Puis il reprend son article pour le remettre dans les rayons. Calculez vous-même le coût de l’opération, sachant que de telles scènes se produisent plusieurs fois par jour dans presque tous les supermarchés (et bien sûr pas uniquement chez Delhaize). Heureusement, les clients en attente ont entendu le hit de l’inégalé et génialement dérangé Vulfpeck : excellent choix musical, Delhaize, mais vous n’en avez pas assez ?
Deuxième histoire vraie. Scène de crime : un Colruyt à Anvers. J’arrive à la caisse, je montre mon code Xtra et je laisse le jeune vendeur polyvalent faire son travail. Aïe ! Un produit ne passe pas au scanner (c’est un paquet de pointes d’asperges vertes, soyons complets). Encore ? Mais le jeune homme ne prend même pas la peine de jurer, sort un smartphone Samsung de sa poche, y saisit un code quelconque, scanne et continue son travail en sifflotant. Bande-son : nada.
Un moment d’apprentissage
Certains ont froncé les sourcils quand Jef avait annoncé ce fameux achat de 16 000 smartphones en solde : n’était-ce pas de l’argent jeté par les fenêtres ? Et ils ont ri aux éclats quand Colruyt n’a pas hésité à parler pompeusement de « magasin connecté » dans un communiqué de presse. Oui, ces supermarchés ont parfois l’air d’encore fonctionner sous MS-DOS, mais bien cachés à l’arrière, on trouve de la haute technologie numérique qui s’apparente presque à de la science-fiction. On n’a encore rien vu.
Et le scepticisme dont fait systématiquement preuve le CEO quand on lui parle d’e-commerce fond comme un glacier alpin en août. Le projet de livraison à domicile de Collect&Go prend peu à peu forme et le retailer vient de lancer en toute discrétion un service de livraison de repas préparés frais. « Oh, ça ? Un petit projet d’ergothérapie pour des formateurs désœuvrés de la Colruyt Group Academy », a tenté de minimiser le service de presse. « Juste un test à petite échelle. Un moment d’apprentissage. » N’en croyez pas un mot. Une lumière brillante illumine la dark kitchen du groupe, l’ambition est claire : la domination absolue du marché – Jef ne fait jamais les choses à moitié. Comme RetailDetail, d’ailleurs. Les grands esprits se rencontrent. Vous n’êtes pas d’accord ? À la semaine prochaine !
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