Comme le football, le commerce de détail alimentaire est une zone de guerre. Mais pas une guerre nucléaire menant à l’apocalypse totale. Ces P’tits Lions sont-ils vraiment le signe avant-coureur de la fin du monde ? Filet Pur mène l’enquête !
Pas de guerre de la distribution
« Delhaize lance une guerre des prix ! Le mois de septembre sera rouge sang ! Tous les fabricants font faillite ! Enfer et damnation ! » Ce n’est pas peu dire : les oiseaux de mauvais augure n’ont pas manqué ces derniers jours. Les médias populaires se sont régalés. Mais il n’y a pas de quoi s’appeler Nostradamus. Combien de prix Colruyt a-t-il dû baisser ? À quel point les acheteurs d’Aldi et de Lidl ont-ils tremblé ? CQFD.
La guerre, c’est ce qui se passe en Ukraine. Delhaize a baissé le prix de seulement 500 des 20 000 références présentes dans ses magasins. Parce que c’était nécessaire. « Nous réduisons volontairement nos marges dans le seul intérêt du consommateur, pour qu’il ne se tourne pas vers des gaufres au sucre et des saucisses de Francfort bon marché chez les discounters », indique Xavier Piesvaux pour expliquer son dernier coup de maître. Mais il n’a rien dit des augmentations de prix. Comme s’ils ne surveillaient pas leur marge de près, à Kobbegem.
Effet boomerang
Attention, je ne dis pas qu’il s’agit d’une mauvaise initiative de la part de Delhaize. Le distributeur affine son image de prix en partant de son point fort : les marques propres. Le marketing dans les règles. La campagne ne provoquera pas de gros dommages collatéraux.
Une autre campagne de Delhaize risque toutefois de faire effet boomerang, à en croire les commentaires sur les réseaux sociaux : la campagne d’épargne pour la fameuse Summer Box. Le grand défenseur de l’alimentation saine récompense ses fidèles clients en leur offrant une boîte remplie de confiseries démoniaques de marques A. Irrésistibles, avec le Nutri-Score D de « délicieux » et E de « exquis ». Des concentrés de sucre, de matière grasse et de sel, soit le trio infernal, « The Dirty Three ». (Conseil spontané pour les fans de post-rock instrumental lyrique et légèrement dérangé : un groupe génial, vraiment).
Plutôt contradictoire, n’est-ce pas ? Eh bien essayez, en tant que supermarché, d’être cohérent tout en gagnant de l’argent. L’exercice est difficile. Pourquoi pensez-vous qu’ils vendent encore des cigarettes avec une franche aversion ?
Le moment Internet Explorer
Le grand chambardement du commerce alimentaire belge dure depuis un moment : la liste des enseignes de supermarchés qui ont disparu est longue. Sic transit gloria mundi : rappelez-vous de Unic, Nopri, GB, Priba 2000, Cash Fresh, ‘t Centrum, Jawa, Profi et bien d’autres. Si vous n’évoluez pas, le marché vous avalera. Et on se souvient des moments Nokia, Kodak ou Internet Explorer. C’est la sélection naturelle qui va de pair avec l’économie de marché. Finalement, certains des acteurs les plus faibles ont obtenu un sursis de deux ans grâce au coronavirus et à la fermeture du secteur de la restauration. Mais la fête est finie.
Il y a tout simplement trop de supermarchés. Mais rassurez-vous, plus pour longtemps. Nous disons au revoir au Groupe Mestdagh (et ces magasins ne seront pas tous des magasins Intermarché) tandis que la transformation annoncée en grande pompe chez Match est mise en attente, peut-être éternellement, et c’est maintenant aussi le clap de fin final pour Makro. Enfin. Presque six ans jour après jour après ma prédiction, en parlant de Nostradamus.
Escrocs financiers
Pour les employés concernés, c’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle, selon l’angle de vue. Une mauvaise nouvelle, car l’entreprise finira entre les mains d’impitoyables escrocs financiers en costume bleu, qui la restructureront et revendront les parts au plus offrant.. Les syndicats se préparent déjà.
Une bonne nouvelle, car les détaillants qui ne font pas encore faillite cherchent désespérément des renforts. L’employé du commerce de détail est une ressource recherchée. Même s’il ne travaille plus dans les mêmes conditions bien négociées : là aussi, les temps ont bien changé.
Antihéros
Si vous rentrez à la maison avec un bulletin encore plus mauvais que celui que vos parents attendaient, vous savez que ça va barder. Colruyt Group voit ses bénéfices s’évaporer et le cours de ses actions s’effondrer en raison de sa garantie des meilleurs prix. Mais Jef ne panique pas : « C’est comme ça. » Et surtout, ce n’est pas une raison pour changer de cap : si le monde change, qui a dit que Colruyt doit faire de même ? Cependant, le lancement des livraisons à domicile est un virage stratégique brutal après des années de résistance. Seulement pour onze codes postaux, dont le mien fait partie. Même si j’habite à deux pas du magasin, un test s’impose.
Certains doutent ouvertement que le leader du marché tienne jusqu’à la fin de la décennie. Colruyt sera-t-il le prochain Makro ? La situation est peut-être moins dramatique qu’il n’y paraît. Pendant deux ans, les clients de Colruyt ont été débarrassés de ces petits indépendants ennuyeux qui déambulent avec leurs gros chariots empilés, bloquant les allées des magasins et ralentissant le passage en caisse. Vous voyez de qui je parle : les propriétaires de night shops, les exploitants de friteries, les présidents de clubs de cartes, les directeurs de cantines sportives. Les héros de l’économie souterraine et de la vie associative ont été contraints de rester à l’écart. Et cela n’a coûté au suiveur des prix les plus bas que 3 % de chiffre d’affaires l’année dernière ? Pas mal, non ?
Waar is da feestje ?
Les analystes sous-estiment parfois l’importance de ce groupe de clients entreprenants pour le discounter. Et à Halle, on se fait discret sur cette source de revenus parfois douteuse. Mais attention : ils sont de retour. Grâce à l’envie de festivités qui prédominera plus que jamais cet été. Le chiffre d’affaires s’envole. Les consommateurs n’ont plus qu’une seule priorité à partir de ce week-end ensoleillé : faire des barbecues jusqu’à ce qu’il ne reste plus aucune aile marinée de poulets élevés dans un meilleur respect du bien-être dans tout l’hémisphère occidental. La crise ? Waar is da feestje ?
N’oubliez pas de vous hydrater. Heureusement, Delhaize se soucie de notre bien-être : un million de bouteilles de rosé sont prêtes, selon le dernier communiqué de presse. Ça suffira ? Je sais ce qu’il me reste à faire… De toute façon, il me manque encore 12 timbres pour sur ma carte d’épargne Summer Box. À la semaine prochaine !