Le rôle de victime va comme un gant à certains producteurs. Mais une caricature de débat à la télévision flamande conduit inévitablement à un Filet Pur toxique…
Peur de représailles
Des images déchirantes. Choquantes, même. Et ce, un vendredi soir, au terme d’une semaine de travail harassante, quand, après avoir envoyé sa newsletter hebdomadaire, un être humain normal a surtout besoin d’un bon livre, d’un verre de vin et d’un bol d’olives de qualité. Et non, à la place, il doit encaisser un authentique uppercut à l’estomac. Franchement, Annelies Beck aurait pu nous prévenir. Mettre un placard « Contient des images pouvant choquer les personnes sensibles », ou quelque chose de ce genre. Mais elle n’en a rien fait. Négligence coupable, à tout le moins.
Quoique. D’ailleurs, ce ne sont peut-être pas tant les images en elles-mêmes qui nous ont pris à la gorge. Après tout, nous n’avons pu distinguer que trois silhouettes sombres. De témoins anonymes qui ne voulaient manifestement pas pouvoir être identifiées, par peur panique de représailles douloureuses. De qui ? Difficile à dire à ce stade. Poutine ? La mafia ? Xi Jinping ?
Sans scrupules
C’est surtout la bande-son qui nous a donné des frissons. Musique de fond désagréable. Voix sinistrement déformées de témoins invisibles exprimant leur désespoir. Dos au mur, dans leur combat de David contre Goliath. « Ce sont des négociations extrêmement dures. Nous n’avons aucune chance face à leur puissance », récite une voix grave. Mais qui était ce « leur » ? Les maudits supermarchés, vous l’aurez compris. Des organismes malfaisants, dénués de scrupules, qui ne se soucient pas du pouvoir d’achat des consommateurs et ne s’intéressent qu’à leurs parts de marché.
Certes, leur discours semblait raisonnablement crédible à première vue. Mais quand même : étaient-ils de vrais producteurs ? Allons… Un peu de sérieux. Bien sûr que non. Qui peut vraiment le croire ? Ces ombres étaient encore bien trop reconnaissables, avec leurs traits un peu particuliers : notamment celui avec ses lunettes et – disons-le – ses plutôt grandes oreilles, ou l’autre avec sa mèche ondulante. Aucun fournisseur de marque ne serait assez fou pour prendre ce risque irresponsable si les acheteurs étaient aussi impitoyables et rancuniers. Ou pas ?
Dialogue de sourds
Non, c’était clairement une mise en scène. Un petit échange de bons procédés entre la Fevia, la fédération de l’industrie alimentaire, et la rédaction de Terzake. Il s’agit de jouer de manière assez perverse sur les sentiments du téléspectateur non averti en guise de mise en bouche avant le débat entre les représentants des deux parties concernées : « les » supermarchés et « les » producteurs. Bah oui, ils sont tous les mêmes, on peut généraliser.
Et ce débat ? Un dialogue de sourd, évidemment. C’est ce qu’ils préfèrent chez Terzake. Les politiciens non plus ne s’écoutent jamais pour peu qu’une caméra soit à proximité, on le sait tous. Et même quand il n’y a aucun caméraman à portée de vue, d’ailleurs, mais c’est moins perceptible. Imaginez un instant que deux personnes parviennent à un compromis raisonnable en direct sur le plateau. Mme Beck en tomberait de sa chaise. Ça, ce serait du journalisme à sensation. Mais pas de visage. Quoi qu’il en soit, cette scène nous a été épargnée, et le sens de cette conversation qui n’en était pas une nous a complètement échappé. Un gaspillage de temps d’antenne.
Patrimoine industriel
Il est possible de faire autrement, et nous le prouverons le 20 octobre : à l’occasion du congrès Trade & Shopper Marketing, nous dévoilerons les résultats d’une enquête exclusive menée auprès des fabricants de marques et des food-retailers à propos de l’impact des crises actuelles sur leur coopération. Plus encore : un cours de « comment s’en sortir avec des augmentations de prix intelligentes » est également au programme. Parce que ceux qui sont maintenant le dos au mur étaient tout simplement mal préparés. Des intervenants d’Aldi, de Pietercil Delby’s et des Sauces Pauwels, entre autres, seront également présents. Pour les billets, c’est par ici.
D’autres ont également prouvé qu’il était possible de faire autrement cette semaine : CRU, l’inégalable marché de produits frais du groupe Colruyt, a ouvert jeudi un quatrième établissement à un superbe endroit, un petit bout de patrimoine industriel belge restauré avec goût. Ne regardez pas à la dépense, a manifestement dit un Jef d’humeur généreuse. Et il ne parlait pas seulement du stucage restauré, de la plomberie rutilante et de l’éclairage LED flambant neuf, mais aussi des produits soigneusement sélectionnés auprès des dizaines de fiers artisans. De véritables partenaires, justement rémunérés pour leur travail, pour autant que les gourmands séduits soient prêts à payer le prix. Nous n’avons relevé aucune fausse note.
Surprofit ?
Car oui, presser les producteurs pour imposer le prix le plus bas ? Mettre le couteau sur la gorge des Key Account Managers afin d’optimiser les marges ? Pousser les PME à la faillite pour damer le pion aux concurrents ? Pas question de se livrer à de telles pratiques à Halle. Crise du pouvoir d’achat ou pas, il y a des limites éthiques. Et ces accusations de vols de terres par une poignée d’agriculteurs en colère ? Offrir quatre fois le prix demandé, c’est désormais du vol ? C’est aussi ce que nous pensions.
Finalement, la situation est déjà assez grasse avec les prix de l’énergie qui s’envolent et les surprofits qui en découlent pour les producteurs d’énergie verte propriétaires de parcs éoliens offshore. À moins que… Ho, attendez une minute… Filet Pur ne va quand même pas laisser entendre que… Non, bien sûr que non ! Enfin, à la semaine prochaine !