Certains détaillants alimentaires sont des cafardeurs, d’autres sont des menteurs, mais quoi qu’il en soit, les supermarchés jettent leur réputation dans les poubelles de la démarque, en dépit du bon sens. Résultat ? Filet Pur rajoute un peu de piquant.
Il ne manquait plus que ça
Encore une semaine difficile pour Delhaize. Lundi dernier, l’organisation francophone d’indépendants Aplsia a organisé une soirée d’information sur ces maudits nouveaux contrats de franchise chez le détaillant alimentaire. La conclusion était claire : dans ces conditions, impossible de garder tout le personnel. Il ne manquait plus que ça.
Avec de tels affiliés, plus besoin de syndicats, mais eux non plus ne sont pas restés les bras croisés. Parce que tout est une question de timing, ils ont décidé, à l’approche d’un week-end sans supermarchés (enfin, sans supermarchés intégrés), de bloquer une fois encore le dépôt de Zellik. Ça faisait trop longtemps, ont-ils pensé. Ils ont certainement passé un bon moment, même si cela n’a duré que quelques heures. Le temps passe vite quand on s’amuse.
Sérieux
Mais la principale nouvelle de cette semaine est peut-être celle qui n’est tout simplement pas arrivée : comme au début de ces derniers mois, nous attendions l’annonce d’une nouvelle liste d’acquéreurs pour une vingtaine de succursales. Et pourtant, silence radio. Allo, Kobbegem ? Y a-t-il finalement un grain de sable dans l’engrenage ?
Une telle annonce aurait pourtant pu faire oublier que ce plan de franchise coûte cher à la société mère Ahold Delhaize : déjà 0,2 % de son chiffre d’affaires comparable en Europe au dernier trimestre et 61 millions d’euros de frais de restructuration. Quand c’est Belga qui l’écrit, tout le monde le prend pour argent comptant.
Emballé, c’est pesé.
Les nouveaux indépendants qui se sont lancés cette semaine à Auderghem, Ixelles et Ronse devront donc s’atteler à récupérer cet argent. Aucun problème, 2024 sera de toute façon une année record. Frans Muller reste optimiste : en Europe, le détaillant est sur la voie de la reprise, mais il annonce également un petit virage stratégique, dont nous ne saurons rien avant l’année prochaine. Soit dit en passant, les marges réduites restent plus élevées que celles de la plupart de ses concurrents.
Mais quand même. Les Mousquetaires n’ont quant à eux eu besoin que de 6 mois pour franchiser 51 succursales.. L’opération est achevée. Emballé, c’est pesé. Les syndicats se plaignent encore un peu de la détérioration des conditions de travail mais, dans l’ensemble, tout s’est déroulé presque sans accroc. Et pas un adhérent ne s’est plaint des contrats. Intermarché n’a plus qu’à appuyer à fond sur l’accélérateur, et il y a fort à parier qu’il le fera. Vroum ! Les concurrents sont prévenus.
La quadrature du cercle
Et entretemps, sur quoi se concentre la direction de Delhaize ? Sur des larves… Oui, des larves. Ces pauvres bêtes sont nourries avec les invendus et les surplus de la chaîne de supermarchés, pour être ensuite données en pâture à d’autres animaux, qui finiront peut-être dans nos assiettes sous une forme ou une autre, bien assaisonnés. Un véritable triomphe de la circularité, a déclaré le détaillant. D’accord.
Pas encore tout à fait circulaires, mais ils le seront d’ici une bonne année : les plateaux de viande de Colruyt. Même les carnivores les plus observateurs n’avaient pas remarqué que la barquette en mousse sur laquelle repose leur filet de viande meilleur prix était devenue un peu plus claire : elle est désormais gris foncé et non plus noire. Un changement discret qui fait pourtant toute la différence, puisque ces barquettes sont recyclables. Ainsi, ce sont 67 millions de barquettes par an qui échappent à l’incinérateur, soit 880 tonnes de polystyrène. L’argument est irréfutable.
Arrogance
Mais une réflexion s’impose. Comme la semaine dernière au sujet du bien-être animal, le leader du marché appelle ses concurrents à suivre son exemple. Mais, entre nous, l’arrogance de Colruyt ne semble pas du tout au goût des autres distributeurs. Ils ont été les premiers à souligner discrètement que les engagements du Better Chicken Commitment belge n’arrivent pas à la cheville du label néerlandais Beter Leven, qui est de toute façon présent dans certains magasins belges. Mince !
Et, dans un passé pas si lointain, Halle n’avait pas témoigné d’intérêt pour un rapprochement avec ses confrères sur le bien-être animal, apprend-on encore. Officieusement, cependant, parce que ces collègues ne veulent pas aller trop loin. Nous ne citerons donc pas de noms, mais les initiés peuvent plus ou moins deviner de qui et de quoi il s’agit, n’est-ce pas ? Je suis curieux de voir si ces barquettes grises susciteront bientôt des réactions acerbes. Bonne ambiance !
Nourriture réconfortante
Au moins, chez Carrefour, ils savent où sont les priorités : nous et notre faible pouvoir d’achat, bien sûr. La cinquième vague de baisses de prix se concentre sur les plats d’automne tels que la raclette et le gratin dauphinois. Ce ne sont pas vraiment des produits essentiels, mais nous avons besoin d’un peu de réconfort en ces temps sombres et humides. Une campagne de timbres numériques doit, quant à elle, détourner l’attention des prix sans doute subrepticement augmentés. On les connait, nos détaillants alimentaires.
Ils devraient toutefois faire attention : cette focalisation constante sur les prix et les promotions nuit considérablement à l’image de marque des chaînes de supermarchés. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le nouveau Brand Asset Valuator de WPP. Un rapport incisif : les acheteurs ne voient tout simplement plus la différence entre une promotion 1+1 chez l’un et une promotion 3+3 chez l’autre. Les seuls à en bénéficier sont les challengers Albert Heijn et Jumbo, dont les prix bas sont subventionnés par le siège néerlandais. Bien que Lidl s’en sorte plutôt bien. Mais voilà, la valeur de marque n’est pas encore un revenu, et encore moins une marge.
Menteur
Enfin, j’ai eu l’occasion de découvrir une autre dimension du funshopping cette semaine. Un tout nouveau supermarché asiatique se trouvant à seulement deux escaliers roulants des bureaux de RetailDetail : Amazing Oriental porte bien son nom. Certes, les 50 variétés de tofu n’enthousiasment pas tout le monde, mais il y a aussi 300 sortes de nouilles instantanées, ou encore des bizarreries comme du bubble tea et des mochis. Très amusant !
Monsieur Chan est d’ailleurs un homme très sympathique. Mais c’est un menteur : « Nous ne sommes pas un concurrent des supermarchés », affirme-t-il avec un sourire affable. Quelle absurdité ! Si nous achetons notre déjeuner dans son magasin, nous ne l’achetons pas au Délifrance d’à côté ni au Delhaize un escalier roulant plus bas. Je vais prendre une bouchée de babi pangang, je pense. À la semaine prochaine !