Les marques voient leur stratégie « Win for Life » s’effriter progressivement, tandis que les supermarchés ne semblent être rien d’autre que des junkies, accros à la nicotine et aux prix élevés. Sans parler de leur problème d’alcool. Filet Pur prévient, la désintoxication sera douloureuse.
Imbuvables
Augmenter les prix, encaisser et réaugmenter les prix : jusqu’à récemment, c’était en quelque sorte le ticket Win for Life des multinationales de produits de marque. Rien ne semblait pouvoir enrailler la machine. Et pourtant… Quand même une icône de la trempe de Coca-Cola est contrainte d’admettre que les clients des supermarchés optent aujourd’hui plus facilement pour les marques de distributeurs, c’est qu’il y a vraiment un problème. Ces imitations de coca n’étaient-elles pas imbuvables ? Même son de cloche chez Heineken, qui tente toujours d’imputer ses mauvais chiffres aux conditions météorologiques défavorables. Mais les deux géants sont unanimes : les prix n’augmenteront plus pour l’instant. Trop, c’est trop.
C’est également l’avis de Hein Schumacher, le nouveau PDG d’Unilever : l’été dernier, le groupe a vendu 10 % de moins de ces crèmes glacées impayables. Des augmentations de prix substantielles n’ont pas permis de sauver les meubles. Sérieusement, qu’est-ce qu’ils espéraient ? Un changement de cap s’impose, donc. Les analystes parlent d’un « vent frais » dans l’entreprise. Ce sera un ouragan : le PDG a déjà remplacé la quasi-totalité de son équipe de direction et entend se concentrer pleinement sur les 30 marques les plus fortes du groupe. Dont font partie les crèmes glacées coûteuses, qui n’afficheront donc pas nécessairement un prix plus bas.
Optimistes dynamiques
On entend déjà les détaillants alimentaires penser : « Vous voyez ! » Mais eux non plus ne savent pas toujours ce qu’ils veulent. Alexandre Bompard a fait beaucoup de bruit ces derniers mois à propos de la cupideflation, de la réduflation et de l’inflation tout court, mais maintenant que les prix se stabilisent progressivement, cela ne lui va pas non plus : en effet, cela ralentit aussi la croissance chez Carrefour. Voyons les choses en face, si les prix élevés ne sont peut-être pas bons pour les consommateurs et les relations publiques, ils sont bons pour le bilan. Easy money : ils vont devoir apprendre à faire sans.
En Belgique, en revanche, l’heure est à la fête : chez nous, ils sont les meilleurs, oui oui. Félicitations, mais qu’ils ne se réjouissent pas trop vite : base de comparaison facile, vous connaissez la chanson. Ce n’est que l’année prochaine que l’on saura si la reprise est vraiment durable. En effet, à Bruxelles, où Carrefour a gagné d’importantes parts de marché grâce aux militants syndicaux de Delhaize, les Lions rouvrent un magasin après l’autre, sous la houlette d’optimistes dynamiques. Cela change les règles du jeu.
Même chez Delhaize Flagey, où les employés se sont mis en grève avec indignation contre leurs nouveaux propriétaires il y a à peine un mois, la situation semble s’être apaisée. Le communiqué de presse parle même d’une « équipe motivée ». Qui n’avait vraisemblablement pas envie d’une photo de groupe, et encore moins dans une success story. Mais c’est un début.
Pas d’abandon
Appartiendra bientôt à un vague passé : l’image ironique de la belle chanson Smokers Outside the Hospital Doors d’Editors. La pratique est interdite. Tout comme le rayon tabac dans les supermarchés : c’est fini. Terminé. Le ministre Vandenbroucke en a assez. Une surprise ? Cela devait arriver, mais Comeos a comme prévu réagi avec colère et Unizo veut également protester contre la discrimination à l’encontre des plus grands magasins… Ce qui est un peu étrange : ils devraient plutôt se réjouir que les plus petits magasins bénéficient d’un peu de répit pour l’instant. Personne ne doit compter sur un abandon.
Car, soyons réalistes : ne s’agit-il pas d’un combat d’arrière-garde futile ? Le tabac disparaîtra, des magasins mais aussi de la société. La Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ouvrent la voie avec leurs scénarios de génération sans tabac ; le reste du monde finira par leur emboîter le pas. Aux Pays-Bas, où l’interdiction de vente de tabac dans les supermarchés entrera en vigueur 1,5 an plus tôt, Lidl et Kruidvat ont déjà complètement renoncé à vendre des cigarettes, et Albert Heijn et Jumbo ont annoncé qu’ils n’attendraient pas l’interdiction. C’est dit.
Problème d’alcool
Ce n’est pas une décision évidente, je le conçois. Arrêter est extrêmement difficile, et les budgets des grands fabricants de tabac créent une dépendance au moins aussi forte que la nicotine qu’ils vendent. Mais il n’y a pas de retour en arrière. C’est justement une occasion pour les chaînes de supermarchés de se présenter comme des entreprises saines et responsables. De joindre le geste à la parole. Nous sommes donc très curieux de voir les communiqués déterminés que nous allons recevoir des porte-parole de Halle, Kobbegem, Zaventem, Erpe-Mere et Merelbeke. Pour l’instant, c’est calme. Tiens tiens. Le chagrin du junkie ?
Je m’en tiendrai bientôt à la seule drogue légale qui nous reste, du moins si je peux encore trouver une bouteille décente. Comme si cela ne suffisait pas, les supermarchés sont également confrontés à un problème d’alcool : le rayon des boissons alcoolisées est désespérément vide. Et la situation n’est guère bien meilleure dans les autres rayons. Le résultat des économies, des grèves et des conflits avec les fournisseurs, entre autres. Sommes-nous surpris ? À la semaine prochaine !