Un nouveau venu part en guerre contre l’uniformité, le cacao est le nouveau bitcoin et Filet Pur découvre comment le plan d’avenir des Lions met un terme à des coutumes archaïques. Oui, voici votre portion hebdomadaire de désinformation.
Prix uniques
Une offre alimentaire distinctive, c’est ainsi que Monoprix entend faire la différence dans son premier et certainement pas dernier magasin belge. L’inauguration a eu lieu exactement 24 heures après le début d’une nouvelle ère pour la société mère Casino, avec une toute nouvelle direction et un endettement un peu moins faramineux. En termes de symbole, ça peut compter. Ou peut-être pas du tout. Avec l’ambition d’ouvrir un magasin par an durant les 5 à 10 prochaines années, le néophyte ne risque pas de bouleverser le marché du food-retail, mais le concept est élégant : les amateurs de fun-shopping savent où se rendre.
Monoprix ne va pas non plus casser les prix, malgré un nom qui remonte à l’époque des magasins à prix uniques d’il y a un siècle, les précurseurs des Tout-à-5-euros actuels : comme Prisunic et Priba à l’époque, et toujours Hema à ce jour, qui, pour ceux qui ne le savaient pas, est l’abréviation de « Hollandsche Eenheidsprijzen Maatschappij Amsterdam ». Oui, pour un morceau d’histoire du retail, il n’y a qu’une adresse. Mais nous nous éloignons du sujet.
Salade et lingerie
La différenciation comme priorité, donc. Ce n’est pas une mauvaise idée, car il faut bien admettre que les chaînes de supermarchés se ressemblent beaucoup de nos jours et que cela conduit à une uniformité assez fade dans de nombreux rayons. Ce nouvel arrivant français va-t-il changer la donne ? Avec 6 000 références, le rayon alimentation de Waterloo est moins fourni que celui d’un supermarché moyen, mais il faut reconnaître que les marques maison en jettent.
Comme l’attention portée aux détails : avocats mûrs garantis (lisez à ce sujet le Filet Pur de la semaine dernière), légumes bio conditionnés dans des emballages durables et soignés (pas de plastique), cave à vin exquise, baguettes d’un boulanger primé, magnifique comptoir de fromages et de charcuterie… Bon, il y a aussi l’étrange présence des salades à côté du rayon lingerie, mais on s’en accommodera.
Salami et chocolat
Toute autre chose : allons-nous bientôt perdre un nouveau producteur de charcuterie belge ? Chez What’s Cooking, on s’est rendu compte qu’on gagnait plus sur 400 grammes de lasagnes que sur 400 kilos de salami. Résultat : on envisage sérieusement de vendre les usines de charcuterie. Quand on pense qu’il y a deux ans à peine, ils voulaient encore racheter leur plus grand concurrent. C’est peut-être une bonne chose que le chien de garde de la concurrence se soit mis à aboyer à l’époque. On peut également se demander ce qu’il restera bientôt de cette niche qui faisait autrefois la fierté de notre industrie alimentaire. Un marché de marques de distributeur avec des marges microscopiques et une différenciation quasi-inexistante ?
C’est d’ailleurs l’ensemble du secteur alimentaire qui vacille : les coûts salariaux explosent, les prix des matières premières jouent aux montagnes russes, les agriculteurs réclament plus d’argent et les retailers refusent toute concession. Compliqué. Et les choses ne vont pas aller en s’arrangeant : des spéculateurs sans scrupule font exploser le cours du cacao. Déjà plus cher que le cuivre, selon le journal. Non, je ne vois pas non plus le rapport. Remarquable communiqué de presse de Delhaize jeudi dernier, d’ailleurs : selon le retailer, Pâques a un « impact positif » sur les ventes d’œufs en chocolat. Sans blague ?
Dans l’ignorance
Au sein de la société mère Ahold Delhaize, Frans Muller approche lentement mais sûrement de l’âge de la retraite. Personne ne sait exactement combien de temps il continuera — il ne va quand même pas suivre l’exemple de Jef, si ? —, mais nous savons désormais qui ne lui succédera pas : Wouter Kolk, le directeur pour l’Europe, a remis sa démission. A-t-il senti le vent tourner ? Lui a-t-on fait une offre qui ne se refuse pas ailleurs ? Nous le saurons peut-être très rapidement. Mais peut-être devrions-nous pas éviter de surinterpréter.
Après tout, notre cerveau est une machine conçue pour tirer des conclusions hâtives. Et avec le recul, tout semble avoir un sens. Ce n’est pas moi qui le dis, mais Daniel Kahneman, le psychologue décédé cette semaine qui, au grand dam de nombreux économistes, avait reçu le prix Nobel d’économie en 2002. Et oui : « Les économistes réfléchissent à ce que les gens devraient faire. Les psychologues s’intéressent à ce qu’ils font réellement », avait-il commenté.
J’aimerais profiter de l’occasion pour vous recommander à nouveau son best-seller Thinking, Fast and Slow (traduit en : Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée), même s’il s’agit d’une lecture conflictuelle qui démontre à quel point nous, maîtres autoproclamés de la création, sommes souvent paresseux dans notre façon de penser : « Notre conviction rassurante que le monde est structuré logiquement repose sur une base solide : notre capacité presque illimitée à ignorer notre ignorance. » Permettez-moi de plaider coupable.
Dépassé
Enfin, encore ceci. « Cathy, caisse quatre ! » J’ai eu un peu peur l’autre jour dans mon Delhaize local. En effet, jusqu’à récemment, les sympathiques vendeurs du magasin utilisaient des formules de politesse assez archaïques à l’interphone, comme si nous étions encore en 1867 : « Jeune homme Vermeulen pour le point de collecte » ou « Mademoiselle Vandenbroucke est attendue à la caisse quatre ». Intrigant, et un peu étrange pour des collègues qui travaillent ensemble jour après jour, pourrait-on penser. La formule était-elle imposée dans le règlement de travail ? Au fait : dans le magasin, ils se tutoyaient normalement.
La semaine dernière, de nouveaux franchisés ont pris le relais et, ô surprise, ils se sont immédiatement débarrassés de ces manières désuètes. Bienvenue au XXIe siècle, les Lions ! C’est donc pour cela qu’ils parlent de plan d’avenir. Pour le reste, rien n’a changé — les entrepreneurs veulent s’accorder 100 jours symboliques, dit-on — mais allez, c’est un début. Curieux de connaître la suite.
Et une annonce de service ici aussi, mais pas par l’interphone : c’est Pâques, donc pas de Filet Pur cette semaine ni la semaine prochaine. Rendez-vous dans trois semaines !