Qui est le véritable responsable de la hausse des prix des produits alimentaires ? Filet Pur, champion du journalisme d’indignation, révèle en exclusivité pourquoi la guerre de communication entre les supermarchés et les marques n’en est pas vraiment une.
Recyclage
« Je rêve 10 minutes par jour, le reste de mon temps est consacré aux opérations. » Une citation d’un Geoffroy Gersdorff – CEO de Carrefour et realpolitiker pur sang – de bonne humeur, qui a gentiment pris le temps de discuter avec RetailDetail pendant le salon d’automne. Ce n’est pas qu’il s’ennuie : l’exécution est LA priorité du retailer. Pas étonnant que l’innovation ait été un peu en retrait lors de ce salon alors que les marques de distributeur et les promotions sur les prix monopolisaient toute l’attention du retailer. Carrefour va jusqu’à recycler ses campagnes de fin d’année : sous le slogan « Des fêtes Extra est des prix ordinaires », la prochaine ressemble comme deux gouttes de cava soldé à celle de l’année dernière.
Tout est dans les détails, comme on dit. Un signe des temps. Après tout, qui est mieux placé pour prendre le pouls du consommateur ? En aucun cas les grandes marques, qui jouent un jeu dangereux en maintenant des prix artificiellement élevés y compris en période de la baisse des coûts, prévient le CEO. Bientôt, il ne restera plus que les marques de distributeur, et après ? En d’autres termes, M. Gersdorff est sur la même longueur d’onde que son grand patron Alexandre Bompard, qui a passé ces dernières semaines à clouer ses loyaux fournisseurs au pilori : si le caddie reste impayable, c’est uniquement la faute des marques nationales. À moins que…
Jackpot
Car le discours était totalement différent parmi les fabricants présents à ce même salon : ces satanés foodretailers passent deux fois à la caisse, d’abord grâce à l’inflation, puis grâce au système pervers des conditions en vigueur en Belgique. En effet : quand les marques augmentent leurs tarifs pour absorber les hausses de coûts et anticiper les exigences chaque année un peu plus strictes des acheteurs, le distributeur applique une augmentation proportionnelle qui fait plus que compenser l’augmentation réelle, et impose de surcroît des « marges arrière ». Bingo !
En parallèle, ces mêmes supermarchés n’hésitent pas à accuser ouvertement les « impitoyables » multinationales d’être à l’origine de la crise du pouvoir d’achat. Et s’en tirent ainsi tout en douceur : les médias adorent ce genre de discours. Le journalisme d’indignation, il n’y a que ça de vrai… D’un autre côté : on pourrait s’attendre à ce qu’avec leurs marges confortables, les marques soient en mesure de payer les meilleures agences de relations publiques pour communiquer leurs arguments – certes un peu plus complexes – au public. Mais non : elles restent étonnamment silencieuses. Par peur de froisser leurs gros clients ? Ou plus simplement parce qu’elles n’ont aucune raison de se plaindre au vu de leurs bilans ? Pauvres petites marques riches…
Préparez-vous
La triste vérité est que les prix ne vont pas vraiment baisser, tout au plus se stabiliser un peu. L’inflation, c’est comme le dentifrice : une fois qu’il est sorti du tube, il est impossible de le remettre dedans. Énergie et salaires restent élevés, fabricants et retailers doivent investir dans la numérisation et la durabilité, et le réchauffement climatique n’arrange rien : les mauvaises récoltes de cette année dans le sud de l’Europe ne sont qu’un avant-goût de ce qui nous attend. Préparez-vous, car ce qui s’annonce n’a rien d’engageant.
La technologie peut-elle nous sauver ? Une entreprise de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a pris les devants en déposant une demande auprès de la redoutable Autorité alimentaire européenne (EFSA). Pas une demande banale : c’est la toute première demande d’autorisation de commercialiser de la viande de culture. Plus précisément des saucisses – ils restent Allemands – totalement exemptes de souffrance animale et de gaz à effet de serre. Alors que la viande issue du bioréacteur est déjà librement disponible dans le commerce aux États-Unis et à Singapour, nous sommes partis pour une procédure qui pourrait durer plusieurs années en Europe. On est le Vieux-Continent ou on ne l’est pas.
Douce-amère
Mais ce n’est pas parce qu’on a une image un peu grise qu’il n’est pas possible de la rajeunir. Il suffit de regarder Lunch Garden, dont la directrice Ann Biebuyck veut séduire 50.000 nouveaux jeunes ménages, rien que ça. Une ambition audacieuse, mais qu’elle pourrait concrétiser avec des aliments sains et variés à des prix abordables. La saison des moules est déjà un succès, et elle nous réserve quelques surprises pour cet automne. Des surprises qu’elle dévoilera en exclusivité lors du Retail Marketing Day de RetailDetail, le 21 septembre. Vous avez déjà votre ticket, de toute façon…
Enfin, encore ceci. Les supermarchés ne s’attendaient pas vraiment à une multiplication des barbecues à la mi-septembre, mais le week-end ensoleillé qui s’annonce offre de nombreuses opportunités de prendre l’apéritif. Avec un petit Spritz, par exemple : le breuvage doux-amer a toujours autant de succès. Grâce à un CEO qui a appris aux gens de Campari à vendre de l’alcool comme des produits de lessive. Et qui, vu le succès de sa boisson, peut déjà prendre une retraite anticipée.
Tout le contraire de votre serviteur qui, en plus d’être rédacteur en chef, est aujourd’hui assistant événementiel et concierge à temps partiel. Car comme les prix, la charge de travail ne cesse d’augmenter et ne diminue jamais. Mais cela ne m’empêchera pas de me resservir un petit Orval bien frais ce soir. À la semaine prochaine !