Quand la pression s’intensifie sur le marché, les probabilités de consolidation augmentent également. Et en effet : les sirènes d’alarme ont retenti cette semaine dans le sud du pays, même si tout le monde ne les a manifestement pas entendues. Elles ont en tout cas réveillé Filet Pur. Et vous ?
L’échappée belle
À la lumière de cette sale guerre, tout est relatif, mais quand même : c’était une sacrée semaine de consolidation. Car si nous n’avons pas l’habitude d’afficher rapidement un bandeau « Breaking News ! » chez RetailDetail – après tout, il se passe quelque chose tous les jours –, l’annonce que les Mousquetaires allaient mettre la main sur les 87 magasins Mestdagh nous a quand même fait légèrement sourciller. Car elle signifie qu’Intermarché devient enfin un acteur avec lequel il faut compter. Du moins dans le sud du pays. Car bien que le communiqué de presse précise gentiment que le groupe est désormais bien représenté « dans tout le pays », il est clair que les deux pauvres supermarchés flamands n’ont aucun avenir dans la nouvelle constellation. Les Hollandais peuvent décrocher le téléphone.
Il faut dire qu’ITM a pris son temps : à leur arrivée dans les années 90, ils avaient immédiatement annoncé 150 supermarchés et la conquête imminente de la Flandre avec leur modèle unique. Rien que ça. L’arrogance française… Mais ces dernières années, ils ont à peu près été aussi performants que l’équipe cycliste qu’ils sponsorisent. Et ils sont désormais en mesure de lâcher la concurrence avec un démarrage foudroyante. Je l’ai déjà écrit : en fait, Intermarché est l’Albert Heijn wallon. Et cette acquisition est un rappel à l’ordre.
Fusion d’égaux
Mais chez Carrefour, on n’est manifestement pas bien réveillés. Pas de problème, ces magasins wallons ne rapportent rien de toute façon. Et ils sont désormais habitués aux baisses des chiffres d’affaires et aux pertes de parts de marché. La logistique tourne carré ? Bah, ça va. Qu’Alexandre Bompard fasse ce qu’il peut pour sortir le groupe de l’ornière à Massy, tout est calme sur le front d’Evere. On pourrait presque les soupçonner de le faire exprès, un peu comme les soldats russes qui sabotent leurs propres chars pour éviter de se battre.
Il y a aussi eu ces mouvements de consolidation dans le bio, où la pression est tout aussi intense. Le communiqué de presse a vaguement tenté de présenter l’acquisition de Färm par Ekoplaza comme une « fusion entre égaux », mais personne n’est dupe. Surtout quand des Néerlandais sont impliqués. Avec ce rachat, la chaîne néerlandaise de produits bio est en bonne voie d’atteindre son objectif de 50 succursales en Belgique. Les deux chaînes continueront toutefois à fonctionner sous leur propre bannière… pour le moment.
Luxe pour expats
Les Bruxellois n’avaient sans doute pas le choix : il y a quelques semaines encore, le COO Jean-David Couderc évoquait une baisse sans précédent du chiffre d’affaires de 15 à 30 %. Que voulez-vous ? Les bonnes résolutions de la pandémie sont oubliées depuis longtemps, les factures d’énergie explosent et cette guerre absurde va doubler le prix du pain. Le bio est notre dernière préoccupation : c’est juste un luxe pour les expats gâtés de la périphérie bruxelloise – et même eux commencent à surveiller leurs arrières en ces temps de crise.
Tout cela est bon pour les discounters. Le prix est de retour à sa place favorite : tout en haut de l’agenda des consommateurs. Les plus avisés savent où aller, et les fournisseurs vraiment malins prennent le chemin d’Erpe-Mere, comme vous pouvez le lire dans une double interview de deux des nombreuses femmes fortes aux manettes chez Aldi. Des dames qui ne se laissent pas marcher sur les pieds : les fabricants ne doivent pas se faire d’illusions sur les augmentations de prix qu’ils espèrent obtenir. Mais avec le discounter, ils ont au moins la certitude de se retrouver coincés avec un contrat qui les étrangle jusqu’à son terme. Rassurant, non ? Au fait, d’autres leading ladies ont fait leur apparition cette semaine : le nouveau captain d’Iglo n’a pas de barbe.
Pas à moitié
Chez RetailDetail, nous ne faisons jamais les choses à moitié. Nous l’avons donc parcouru en profondeur, ce rapport annuel : 290 pages, s’il vous plaît. Mais parmi ces innombrables chapitres bourrés d’histoires édifiantes et de chiffres fascinants sur Ahold Delhaize, un seul paragraphe pouvait intéresser les journalistes de la grande presse. Une ligne même, à peine. Ou mieux encore : un seul chiffre. Qu’espéraient-ils ? Oui : le salaire du CEO Frans Muller.
Classique. Cela reste le meilleur moyen de générer du clic. L’envie comme modèle économique. Cet homme gagne énormément d’argent, c’est vrai. Mais quand même 5 % de moins de l’année précédente. Et quelqu’un l’a-t-il entendu se plaindre ? Exact. Le vrai leader sait supporter son sort avec dignité. Un exemple pour nous tous. Et si le plan de Delhaize se déroule sans accroc, le bonus sera appréciable cette année. Les Lions étendent leurs activités dans l’e-commerce, même s’ils affirment être déjà le leader du marché de la livraison à domicile. Nous n’avons pas encore entendu la concurrence le contester. Auraient-ils compris à Halle que la livraison est le seul moyen de dominer le marché en ligne ? Ou de dominer le marché tout court ?
Actes héroïques
Et ce n’est pas tout. Selon des rumeurs non encore confirmées, mais persistantes, Volodymyr Zelensky aurait écrit aux food-retailers belges pour les remercier expressément de leur attitude héroïque pendant la guerre en Ukraine. Il n’a pas échappé au président que ces entreprises sont prêtes à sacrifier un chiffre d’affaires conséquent pour donner un sérieux coup à l’économie russe. « Le peuple ukrainien n’oubliera pas ces actes héroïques », aurait-il écrit. Ou du moins quelque chose d’approchant ; je n’ai pas pu l’entendre clairement, car mon informateur pleurait d’émotion.
Car en effet : Colruyt, Delhaize & co n’hésitent pas à suspendre temporairement les commandes des quelques produits russes qu’ils auraient en rayons. Voilà, Poutine est échec et mat. Il faut dire que nos chaînes de supermarchés ont une certaine expérience des boycotts, ce qui est toujours utile. Et les consommateurs participent avec enthousiasme, à en juger par les vidéos diffusées sur les médias sociaux montrant des citoyens déterminés vidant des bouteilles de vodka dans l’évier au lieu de leur Red Bull. Que l’alcool provienne généralement de Finlande, de Suède ou d’Italie n’est qu’un détail. C’est le geste qui compte. Une nouvelle preuve que rien ne se propage plus vite qu’une mauvaise idée. À la semaine prochaine !
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