Il est inimaginable de constater comment des règles trop strictes et le harcèlement peuvent entraver les retailers et les fabricants dans leur liberté commerciale. Les accords fiscaux ne sont qu’un petit bout de papier inutile, les accords clairs avec des concurrents s’avèrent soudainement illégaux. Filet Pur ne se prive pas de jeter de l’huile sur le feu.
De la tricherie transparente
Faites confiance à vos fournisseurs ! En tant que foodretailer, vous faites de votre mieux pour rechercher des synergies, pour réaliser des économies d’échelle et ainsi créer un véritable effet levier qui élargit le gâteau pour tous. Vous déployez des initiatives de croissance conjointes qui offrent une valeur ajoutée sans précédent au consommateur. Vous adoptez une attitude constructive pour parvenir à une situation win-win durable. Et que font ces fabricants de marques ingrats ? Derrière votre dos, ils s’adressent au gendarme de la concurrence en lui remettant des documents pourtant confidentiels, pour vous piéger et vous accuser d’arnaque et de manigances. Sérieusement, c’est cela qu’on entend par partenariat ?
En un rien de temps, les contrôleurs et les agents de police envahissent vos bureaux pour y mettre le chaos. Et ne croyez surtout pas qu’ils rangent le désordre qu’ils laissent derrière eux. Vous voilà bien avec votre cartel. Il faut dire que les victimes, pour l’instant encore innocentes, Carrefour et Provera ont su garder leur dignité, ont confirmé que les perquisitions ont bien eu lieu, ont affirmé avoir toujours respecté la loi et ont souligné vouloir coopérer pleinement avec les enquêteurs. Mais on les voyait se demander en silence : de nos jours, qu’y a-t-il de répréhensible à une alliance d’achat équitable, transparente et correctement officialisée sur papier ?
Pas de tapis rouge
Tous les groupements d’achat qui collaborent ensembles devraient-ils craindre pour leur pérennité ? C’est bien possible, si on voit ce qui s’est passé à Paris et aux alentours. Casino et Intermarché ont reçu la visite d’une horde d’inspecteurs. Les deux groupes se sont pourtant séparés il y a déjà un certain temps, et ce pour se lancer dans les affaires avec d’autres collègues. C’est comme ça en France : tout le monde connaît les secrets de tout le monde. On peut noter qu’à cet égard, la Commission européenne s’est mise en marche un peu tardivement. En tant que retailer, j’y réfléchirai à deux fois avant de retirer une nouvelle gamme de produits de marque de mes rayons, ou lorsque j’exigerai de meilleures conditions auprès d’un fournisseur. Ces fabricants n’ont peur de rien. Où va-t-on ?
Oui, collaborer, c’est terminé. Contrecarrer, telle est la nouvelle façon de travailler ensemble. Koen Slippens, directeur général du grossiste horeca néerlandais Sligro, en sait quelque chose. Dans la presse financière belge, il a dénoncé les pratiques des concurrents obstructeurs sur le marché belge. Comme pour Albert Heijn il y a quelques années, il s’attendait apparemment à ce que ses adversaires lui déroulent le tapis rouge, alors qu’on lui intente procès sur procès. Pour l’instant, l’expansion transfrontalière de l’entreprise n’a été bénéfique que pour les avocats.
Un accord lucratif
AB InBev, le plus grand brasseur au monde, est aussi un fidèle sponsor de la profession juridique. L’entreprise est poursuivie en justice par la même inspection fiscale avec laquelle elle avait conclu un accord fiscal lucratif et secret. Une promesse, c’est une promesse, mais pas pour l’ISI. Carlos Brito s’est tu dans toutes langues, mais on le voyait cogiter : les choses tournent-elles encore rond dans ce pays anarchique ? Si les multinationales sont désormais obligées de payer leur juste part d’impôts, le prochain gouvernement n’arrivera certainement pas à mener à bien cette reprise économique, c’est une évidence.
De plus, Gigabev fait face à une concurrence de plus en plus vive. Dans notre pays, le nombre de brasseries a doublé ces cinq dernières années. Oui, que voulez-vous, ces entrepreneurs ont également constaté que la vente de jus d’orge peut devenir une source de richesse incommensurable. Ou est-ce que cela signifie que nous buvons tous deux fois plus ? Non, la situation n’est pas si dramatique dans notre pays. Même si les ventes d’antidépresseurs continuent d’augmenter, les ventes d’alcool reculent. Certains politiciens en sont fiers, sans aucun doute. Lidl a déjà tiré ses propres conclusions. Suite à un court exercice mathématique, l’enseigne a décidé de mettre fin à la vente de vin en ligne. Il est impossible de rentabiliser la livraison chez le consommateur d’une bouteille de vin à 3,99 euros. Les chiffres déficitaires sont pourtant encore en pleine progression parce que le stock est en train d’être vendu à des prix au rabais, mais ce sera définitivement fini dès lundi.
Un léger désagrément olfactif
C’est avec une tristesse particulière que nous vous informons de la suppression imminente du prix fixe dans les rayons. Il disparaîtra bientôt puisqu’il est désespérément dépassé après une carrière tout à fait honorable. À l’heure où les méga-promotions sont totalement inefficaces parce que trop présentes, Albert Heijn développe une nouvelle stratégie : les prix de vente vont fluctuer. Ils seront très variables, pour ne pas dire complètement imprévisibles. Désormais, un algorithme intelligent calculera la remise idéale sur base de la durée de conservation du produit, de l’emplacement, des offres bonus, des conditions météorologiques, des données de vente historiques et du stock en magasin.
Bref, celui qui souhaite faire une bonne affaire au rayon poissonnerie, devra compter sur un léger désagrément olfactif. Sous le prétexte de durabilité pour le moment, mais la prochaine étape prévoira certainement un ajustement des prix à la tête du client. Si vous avez téléchargé l’application Appie sur votre iPhone qui a coûté pas mal d’argent, le prix augmentera immédiatement de 35%. Vous prenez un produit dans les rayons et vous le remettez ensuite à sa place, le prix grimpera aussitôt. De même que pour les chambres d’hôtel que vous sélectionnez sur booking.com. Vous n’avez qu’à vous y habituez, car la tendance est inéluctable. Dites-leur que c’est le Filet Pur qui l’écrit. A la semaine prochaine !
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