Les multinationales souffrent d’une migraine tenace, les discounters sont d’une naïveté stupide, le Péril Jaune verse dans l’excès et l’intelligence artificielle menace de ruiner complètement l’esprit de Noël. Heureusement, il y a le bon sens du Filet Pur.
Eau tiède
La taille n’a pas d’importance, et de plus en plus de multinationales s’en rendent compte. Mais rapetisser est plus difficile qu’il n’y paraît. Prenons l’exemple d’Unilever, qui a décidé il y a quelque temps de mettre en vente sa division « crèmes glacées ». Les investisseurs n’ont pas mordu à l’hameçon : trop cher, trop complexe, et aucune envie de se coltiner les activistes de Ben & Jerry’s. Et comme ils ne parviennent décidément pas à se débarrasser de leurs Magnum, une introduction en Bourse séparée fait à présent figure de plan B. D’autant que l’élection Trump aurait dopé le moral des investisseurs. On a hâte de voir.
Nestlé, le premier groupe agroalimentaire mondial, souhaite également maigrir. Les marques d’eau sont en vente. Ou plutôt : scindées dans une société distincte. Ce qui revient au même, à savoir attendre une offre intéressante d’un fonds de capital-risque. Si tout va bien… L’eau est pourtant un marché sain en pleine croissance, mais Nestlé ne s’est pas facilité la tâche en trichant sur la qualité et ne respectant pas toujours les principes de base d’une production durable – à Vittel, le niveau de la nappe phréatique baisserait de 30 centimètres par an. Qu’un autre s’occupe de ces dossiers casse-tête, a dû penser le nouveau CEO Laurent Freixe. Dont le « plan de croissance » a reçu un accueil plutôt tiède en Bourse.
Clients honnêtes
Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, à ce qu’il paraît. J’ai vérifié pour vous : Lidl n’en est pas. Le fait qu’ils relancent les caisses automatiques après deux ans d’interruption est donc tout sauf une preuve de manque de discernement. Le constat est simple : quand ils font leurs courses, les consommateurs veulent avant tout de la vitesse et de l’efficacité (ou du moins en avoir l’impression) et les retailers éprouvent de plus en plus de difficultés à trouver des caissières. La conclusion est logique. Le déploiement de Scan & Go est d’ailleurs un projet européen.
Mais les caisses automatiques n’attirent-elles pas les voleurs ? C’est une bonne histoire pour les journalistes, mais elle ne correspondrait en rien à la réalité, selon la plupart des food-retailers. Et certainement pas selon des discounters toujours très attentifs aux coûts : après tout, même Colruyt Group a récemment confirmé sa foi en l’honnêteté du client moyen – pour les magasins Okay en tout cas. Naïf ? Le franchisé Delhaize qu’il m’arrive de fréquenter n’est pas de cet avis : depuis peu, les fruits et légumes y sont pesés à la caisse, en raison de soupçons de fraude. Bref…
Autosatisfaction
Déclaration de la semaine : « Si les choses se passaient aussi bien aux Pays-Bas qu’en Belgique, nous serions sortis du pétrin depuis longtemps. » Le boss de Jumbo Ton van Veen se félicite chaque jour un peu plus des performances ex-tra-or-di-naires des 36 – bientôt 37 – succursales flamandes du Péril Jaune. « Nous sommes déjà rentables et enregistrons une croissance plus rapide que le marché », s’est-il exclamé le week-end dernier, dans deux journaux à la fois. Il tentera bientôt de nous faire croire que ce sont les magasins belges qui maintiennent à flot une organisation néerlandaise en pleine déroute.
Si nous n’avons aucune raison de douter de ses affirmations sur le fond, elles sont sans doute légèrement excessives. L’EBITDA du franchisé de Lauwe – l’un de leurs supermarchés les plus prospères, rappelons-le – ne suffirait même pas à payer le salaire du CEO, constaté-je en jetant un coup d’œil rapide au bilan. Et qu’ils gagnent des parts de marché : bien sûr, il ne manquerait plus que ça vu leur situation. Mais un plan de sortie s’est bel et bien retrouvé sur la table, admet Ton. Ainsi, notre Grand Timonier, surnommé Pessimiste de l’année lors de RetailDetail Night d’hier soir, aurait quand même eu un peu raison – félicitations, patron!
Fritske
Et la lenteur désespérante de l’expansion n’est plus un problème : « À l’époque, nous aurions mieux fait de ne pas clamer aussi fort ce fameux objectif de 100 magasins. » Mais oui, c’était Frits. Qui est aujourd’hui le personnage principal d’un roman satirique intitulé « Fritske », je n’invente rien. Selon nos informations : le récit passionnant de la double-vie d’un dirigeant de société déchu. Une lecture savoureuse pour les Fêtes, assurément. Du moins si l’imprimeur veut bien accélérer la cadence : le premier tirage est déjà épuisé. Ses avocats font savoir que M. van Eerd se distancie de la publication. Ce qui ne fait qu’en accroître l’intérêt, bien entendu.
Les préparatifs de la RetailDetail Night nous ont empêchés d’assister à la conférence de presse et à l’inauguration, mais nous avons reçu de superbes photos de Breda, où le tout premier Foodmarket a été entièrement relooké. Avec en guise d’innovation alléchante un stand de grillades de légumes : les préparations originales sont censées inciter les clients à manger plus de légumes. Voilà qui pique la curiosité votre serviteur, grand spécialiste de la cuisine végétale. Comme les 45 mélanges d’épices, les huiles aromatiques, les beurres aromatiques et les misos développés spécifiquement pour aromatiser les légumes. Ce n’est pas si loin, je passerai quand même.
Malaise
Sans transition, encore ceci. Le budget que Coca-Cola a économisé en remplaçant les acteurs et les décors réels par de l’IA générative dans son nouveau spot de Noël lui permet de bénéficier d’une belle publicité gratuite : les médias américains se réjouissent ou dénoncent, c’est selon, les spots « sans âme » qui apparaissent à la télévision. Une reprise artificielle d’une campagne emblématique de 1995, mais involontairement inepte, au point d’être même un peu malaisante. Pas vraiment réaliste en tout cas. AÏe, AÏe, AÏe !
« Le futur de la pub » selon les uns, « paresseux et sans inspiration » selon les autres. Mais n’oublions surtout pas ce principe fondamental : toute publicité est bonne à prendre. Du win-win ! On est précurseur ou on ne l’est pas. Coca-Cola l’est. Et les autres suivront bientôt. Ou pas ? Un petit malin a utilisé cette même IA pour une version nettement plus fun. Bien qu’elle ne soit peut-être pas tout à fait conforme à l’esprit pacifique de Noël. Mais jugez-en par vous-même. À la semaine prochaine !