Et si les Russes annonçaient une offensive ? Et si les Néerlandais commençaient à apprendre le français ? Et si les foodretailers souhaitaient réinventer les magasins d’occasion ? Et si le leader du marché succombait au gratuit ? Ben cela ne changerait pas grand-chose, en fait, mais suffisamment pour servir un nouveau Filet Pur.
Occasion
Pas de nouvelles, c’est aussi une nouvelle : depuis cette annonce un peu optimiste d’il y a quelques semaines, myPrice, ce projet russe douteux qui allait bouleverser le marché belge du foodretail, n’a plus fait parler de lui. C’était bien de la désinformation. Ce magasin à Deurne n’est toujours pas aménagé et à Bertrix, c’est le bourgmestre en personne qui mène la contre-offensive et prive ainsi les habitants de la région du plaisir des oreilles de porc fumées. « Ils se foutent du quart et du tiers », s’est-il emporté dans la gazette. Il est toujours bon que quelqu’un dise les termes. Tout Russes qu’ils soient !
Le retailer le plus hip du moment ? C’est sans doute Carrefour. Voyez par exemple l’aménagement bohème-chic totalement décontracté du pop-up Reeborn à Ixelles. Graffitis artistiques sur la façade, vélo de course fixé au mur, mobylette Camino vintage contre le bar, moquette décolorée sur le sol, caisses en bois originaires du magasin d’occasion du coin — mais non, attendez, Reeborn est un magasin d’occasion, bien sûr. Le retailer profite de la tendance pour attirer les clients dans sa énième application, se débarrasser de ses invendus et refourguer en passant quelques produits alimentaires dans son magasin automatique Buybye. Pas d’occasion, du moins on peut l’espérer.
Cours de français
Peu de gens le savent, mais les rédacteurs de RetailDetail se contentent majoritairement de faire du shopping toute la journée. Pour des raisons purement professionnelles, il est vrai. Et bien sûr, ils achètent aussi en ligne, histoire de surveiller de près les initiatives rusées des pure players. Un de nos collègues a été donc quelque peu déstabilisé la semaine dernière lorsqu’il a découvert que sa livraison de friandises de chez Crisp provenait de Breda et non de Bornem. L’inquiétude a encore grandi quand nous avons constaté que le centre de distribution de Bornem avait été mis en location par JLL. Hein ? Ils seraient déjà partis ? C’est un peu vite, non ?
Nous avons donc décidé de décrocher le téléphone. Pour entendre un discours de relations publiques classique — lisez : lisse et vague —, mais assez rassurant : ils déménagent dans un autre site. Ah oui, et où donc ? Nous n’étions pas encore autorisés à le savoir : « un peu plus au sud ». Et : « Il y aura d’autres informations intéressantes sur nos projets d’expansion dans un avenir proche. » Ah bon ? Mais nous n’en saurons pas plus. Bon, nous savons quand même compter : un et un font deux. Cela ne peut signifier qu’une chose : ces Néerlandais sont en train de prendre des cours de français. Et s’apprêtent à franchir la frontière linguistique. Un nouvel échec est presque inévitable, mais leur persévérance fait quand même plaisir : nous avons bien besoin de temps en temps d’un peu variation par rapport au calme plat des supermarchés.
Petite centrale nucléaire
« Ici, nous n’avons qu’un Delhaize hors de prix un peu plus loin sur la route », a déclaré au journal un habitant d’Oud-Heverlee attristé par l’agitation récente suscitée par l’arrivée possible d’un Okay. Possible, car le permis est bloqué par un seul et unique couple qui craint que sa maison perde de sa valeur si un magasin s’installait dans la rue. Étrange raisonnement. Ben oui, si ce n’est pas un concurrent qui vous met des bâtons dans les roues, c’est un sympathique riverain qui s’en chargera. Aujourd’hui, il est presque aussi difficile d’obtenir un permis pour un supermarché que pour une petite centrale nucléaire.
Mais c’est surtout la complainte de ce pauvre résident qui m’a fait tiquer. Notez la nuance : il n’a pas dit « cher » — après tout, tous les supermarchés sont chers depuis un an ou deux —, mais « hors de prix ». Comme s’il parlait du Louis Vuitton des supermarchés, du Gucci de l’alimentation. Et cela ne leur a sans doute pas échappé, à Kobbegem. Car croyez-moi : ils en ont assez de cette réputation. Le nombre de fois où les mots « cher » et « Delhaize » apparaissent dans une même phrase ? Un jour, j’ai posé la question à ChatGPT. Le système a crashé : puissance de calcul insuffisante.
Moins cher, c’est illégal
De calculs, ils peuvent en faire au service des achats. Résultat : les prix baissent. Pour onze produits de petit-déjeuner. Onze, vous avez bien lu. Ils ne veulent pas déclencher une guerre des prix, mais ils s’alignent sur Colruyt. Ou leurs compères d’Albert Heijn. Pas de demi-mesure cette fois. Mais moins cher, c’est illégal, tout le monde le sait. Reste à savoir si cela suffira à remédier à leur problème de perception. En revanche, il ne fait aucun doute que les supermarchés continuent à se faire la guerre. Et dans le rôle du chassé, on a évidemment notre fier leader du marché.
Car oui, qu’a fait Colruyt récemment ? Ils ont mis au travail leur propre service d’étude. Des grosses têtes comme on n’en trouve qu’à Halle. Après des recherches approfondies, ils sont arrivés à la même conclusion que tous les autres chercheurs ces 50 dernières années : des promotions qui contiennent le mot « gratuit » sont plus efficaces que des offres du type « 33,34 % de réduction à l’achat de trois pièces ». Bon boulot, les gars !
God damn the pusher
Ainsi, à partir de maintenant, le champion des meilleurs prix affichera lui aussi des Top promos de type 2+1 et 1+1. Je me demande combien de temps il faudra avant qu’ils passent à 2+3. Ou 1+5. Pari : pas très longtemps. Après tout, les consommateurs sont des accros aux promotions qui ont besoin de doses de plus en plus fortes pour continuer à planer. Et les foodretailers sont leurs dealers obligés et sans scrupules. Le bien-être de leurs victimes ne leur importe pas. The pusher don’t care if you live or if you die: que tu vives ou que tu meures, le dealer s’en f… Bien entendu, ces dealers sont eux-mêmes tributaires de ce qu’ils parviennent à extorquer à leurs fournisseurs.
L’histoire est familière : pour les supermarchés, se différencier est pour ainsi dire mission impossible. Ils se contentent donc de tirer avec les seules munitions dont ils disposent : les promotions. Peut-on leur donner tort ? Même si l’un d’entre eux tentera à nouveau de jouer la carta de la surprise ce week-end. Je vais donc goûter ce fameux Wonderfood Adventure Festival. Curieux de voir. Car oui, que vont-ils encore inventer ? Des glaces parfum légumes ?… Ça ne peut en tout cas pas être pire que cette sauce Barbiecue végane rose pour laquelle Heinz et Mattel se sont associés…, si ? Croisons les doigts ! À la semaine prochaine !