Un combattant des prix prend le virage dans un crissement de pneus et nous tient en haleine. Si les discounters ne sauvent pas le monde, qui le fera ? Certainement pas Filet Pur, et encore moins un dimanche, car c’est le nouveau samedi.
Débat de seconde zone
« Où êtes-vous, Danone, Mondelez, Lotus Bakeries ? Qu’en est-il de ces bananes living wage, Carrefour ? » Philippe Weiler, directeur de Fairtrade, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère lors de la remise des prix Frontrunner mardi soir. Les multinationales cotées en bourse concernées ont brillé par leur absence, non seulement lors de cette sympathique soirée de réseautage (aucune plainte n’a été formulée au sujet de la restauration), mais aussi et surtout dans les chiffres.
Eh bien, tant que les gros bonnets, avec leurs grosses marges, ne considéreront pas le commerce équitable comme une priorité, le label Fairtrade restera un débat de seconde zone : l’offre augmente, mais les ventes sont sous pression. Encore heureux que les combattants des prix acharnés se soucient de leur image : Weiler a pu remettre des prix à son ancien employeur, Lidl, ainsi qu’à Aldi et Colruyt, les trois détaillants ayant le plus grand impact sur le commerce équitable en Belgique. Regardez : le segment bas du marché montre l’exemple.
Il faut bien que quelqu’un s’y colle
Et ce n’est pas tout : la semaine dernière, le groupe Lidl a été reconnu défenseur des droits de l’Homme, avant d’aller encore plus loin en concluant un partenariat avec le WWF, avec pour seule ambition de sauver notre planète bleue de l’apocalypse. Il faut bien que quelqu’un s’y colle : soit vous montez à bord du train vers l’avenir, soit vous le laissez passer. Et les corporates mentionnées ci-dessus l’ont manifestement laissé passer. Donc.
Quoi qu’il en soit, un coup de vent très frais souffle sur le siège international de Neckarsulm. Le grand patron, Kenneth McGrath, passe l’organisation au crible et remanie son équipe de direction. Il en est venu à la conclusion révolutionnaire que, tout bien considéré, le commerce de détail est avant tout une affaire de clients. L’entreprise sera par conséquent dotée d’une division clients, avec un ancien directeur de BMW au volant, qui prendra le virage dans un crissement de pneus. Attachez vos ceintures ! En espérant qu’il ne tournera pas en rond, parce que ça ne le mènera pas bien loin. Lidl n’est pas un club de drift.
Parallèlement, le distributeur se lance dans un véritable jeu de chaises musicales, avec le transfert de plusieurs directeurs pays vers son siège. Dont Matúš Gála, qui travaille à Merelbeke depuis deux ans. Qui lui succédera ? « On ne sait pas encore », nous annonce-t-on depuis Guldensporenpark. C’était vendredi matin, à neuf heures moins le quart. Peut-être aurons-nous bientôt des nouvelles. Quel suspense insoutenable !
Bande d’incapables
La livraison gratuite n’a-t-elle pas été définitivement écartée en tant que modèle commercial ? C’était sans compter sur Picnic : « Si vous effectuez le dernier kilomètre aussi efficacement que nous, vous pouvez le faire gratuitement », a déclaré Michiel Muller, sûr de lui, laissant ainsi entendre que ses concurrents ne sont qu’une bande d’incapables n’ayant pas la moindre idée de ce qu’ils font. On ne peut plus clair.
La livraison ne sera jamais au grand jamais gratuite chez Colruyt Group, qui renonce désormais au dogme du GNC : Collect&Go effectue désormais les livraisons avec des véhicules électriques, afin de contribuer à l’objectif zéro émission de tous les transports du fier leader du marché d’ici à 2035… Soit cinq ans plus tard que chez Albert Heijn, ne peut-on s’empêcher de préciser.
En revanche, chez Andy, le service de livraison de boissons, les économies priment sur l’environnement : pour que la relance après la faillite soit un succès, la start-up ne livrera plus à l’électricité, mais avec des véhicules diesel qui ont une plus grande autonomie et une plus grande capacité de charge. Le réalisme climatique en pratique.
Impasse
L’impact environnemental du potager sur le toit de Delhaize Boondael est un peu plus modeste, mais quand même : 2 200 kg de produits récoltés l’année dernière, issus de 54 sortes de légumes, de petits fruits et d’herbes aromatiques, dont le chou Daubenton (pour ceux qui, comme moi, l’ignoraient, il s’agit d’une sorte de chou frisé, qui a la particularité d’être perpétuel).
« Des chiffres spectaculaires », titrait le communiqué de presse. On ne va pas les contredire. Ils avaient d’ailleurs quelque chose à fêter, à Kobbegem : la semaine dernière, la centième filiale du distributeur a rouvert ses portes en tant que magasin franchisé. Tout se passe comme sur des roulettes, la lumière scintille au bout du tunnel. Ce supermarché de Haacht fera ce que font pratiquement toutes les autres succursales : un assortiment plus local, plus de commerce et d’esprit d’entreprise, une organisation de travail plus flexible sur le terrain et, comme déjà 70 % de ses prédécesseurs, peut-être aussi une ouverture le dimanche. Car c’est le nouveau samedi.
Par conséquent, les magasins qui n’ouvrent pas le dimanche deviennent progressivement une minorité en voie de disparition : pour Colruyt Meilleurs Prix, Aldi, Lidl et les hypermarchés Carrefour, l’ouverture le dimanche est à peine négociable et, en tout état de cause, généralement pas rentable en raison des coûts de main-d’œuvre beaucoup trop élevés. Un fameux désavantage concurrentiel. Mais c’est aussi une impasse : si tous les supermarchés venaient à ouvrir le dimanche, le secteur réaliserait simplement le même chiffre d’affaires avec des coûts plus élevés, comme le faisait remarquer Stefan Goethaert la semaine dernière. Les marges continueraient alors à fondre comme neige au soleil. Joli travail.
Ni moules, ni actualités croustillantes
Enfin, encore ceci. Lorsque les détaillants alimentaires envoient les uns après les autres un communiqué de presse annonçant le début de la saison des moules, les journalistes de la presse spécialisée savent qu’il est temps de faire leurs valises. Certes, elles sont une fois encore pleines, charnues et savoureuses cette année, et à peine plus chères que l’année dernière. Check ! Sauf chez CRU : ici, les clients ne trouvent que des moules belges exclusives issues de la culture suspendue, au prix le plus élevé possible… L’innovation a un prix, qu’est-ce que vous espériez ?
Mais le début de la saison des moules annonce aussi le début de la saison morte. Pendant les deux mois à venir, il n’y aura fort probablement rien d’autre à commenter. C’est pourquoi votre chère rubrique du vendredi se retire pendant deux mois pour revenir plus en forme que jamais après les grandes vacances. Profitez bien de l’été et rendez-vous en septembre !