Endéans les cinq ans Amazon pourrait s’accaparer une part de marché d’au moins 5% sur le marché du retail alimentaire au Benelux, estime Nils van Dam de Duval Union Consulting. Il y aura des victimes, mais il est encore temps de réagir.
Le champ de bataille idéal
Pour l’instant la présence du géant du e-commerce au Benelux est avant tout opportuniste. L’entreprise y livre via Amazon.fr et Amazon.de, mais il est fort probable qu’Amazon envisage une entrée de grande envergure en Belgique et aux Pays-Bas, en se focalisant sur l’alimentation et les boissons, le plus grand marché mondial. Avec sa considérable fréquence de consommation et de transaction ce secteur est le champ de bataille idéal pour un acteur axé sur les données comme Amazon. Alibaba, autre mastondonte du retail, lorgne lui aussi le marché européen. Les Chinois sont quasi imbattables en termes d’implémentation et de vitesse de déploiement.
C’est une perspective dont il faut tenir compte, souligne Nils van Dam, ancien country manager d’Unilever Belgique et aujourd’hui actif en tant que ‘global head food, beverage and food retail’ chez Duval Union Consulting. Van Dam a publié un e-book sur l’avenir du marché alimentaire et considère la possible arrivée d’Amazon comme l’un des moteurs. « Les exercices de simulation sont la meilleure manière d’évaluer et de visualiser les images du futur. Les entreprises ne peuvent définir une stratégie avant d’avoir une vision claire sur l’avenir. » Lors de la RetailDetail Night Nils van Dam fera l’exercice.
Mauvaise nouvelle pour les retailers
En quoi consisterait une telle offre complète d’Amazon? Pour répondre à cette question il suffit de regarder ce que l’entreprise propose déjà sur d’autres marchés, comme les Etas-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou l’Inde. La livraison gratuite d’aliments secs (Amazon Pantry) et frais (Amazon Fresh) dès le lendemain fera certainement partie du package. De grands magasins privilégiant l’expérience client et dotés de gadgets technologiques et d’un restaurant font également partie des possibilités : 40 à 60 magasins suffiraient pour toucher 85% de la population du Benelux.
Pour une couverture complète il suffirait d’y ajouter un solide réseau de magasins de proximité sans caisse d’Amazon Go, complété par l’abonnement Amazon Prime (avec une offre ‘médias et divertissement’ innovante et des livraisons express endéans les 2 heures) et bien sûr l’enceinte connectée Amazon Echo (Alexa) à commande vocale comme ‘butler digital’ à domicile …
Pourquoi serait-ce une mauvaise nouvelle pour les retailers ? En principe Amazon proposera un niveau de prix inférieur à la moyenne du marché, voire même une garantie du meilleur prix, ce qui pourrait provoquer une guerre des prix avec des acteurs tels que Colruyt, Jumbo ou Dirk. Sachez également qu’Amazon n’a pas besoin de faire du bénéfice avec ses activités retail, puisqu’il en génère déjà via ses services cloud et la vente d’annonces publicitaires. Aux Etats-Unis Amazon vient tout juste de détrôner Google en tant que principal moteur de recherche de produits. Songez à l’impact que pourrait avoir l’arrivée d’Amazon sur les entreprises médiatiques locales.
Magasins déficitaires
Les retailers locaux détenant une part de marché de 20% ou plus sont-ils réellement menacés par un nouveau venu qui pourrait acquérir une part de marché de 5%? Certainement : les marges nettes dans le secteur se situent aux alentours de 2 à 3%, seuls Colruyt et Ahold Delhaize font mieux. Selon une estimation optimiste, un supermarché sur dix en Belgique serait déficitaire, tandis qu’aux Pays-Bas la proportion est de 1 sur 15.
Vu les coûts fixes élevés auxquels sont confrontés les retailers (60 à 70% de leur chiffre d’affaires), une perte de 5% en termes de part de marché résulterait en une baisse de 3% en termes de rentabilité. Plus de la moitié du parc de magasins se retrouverait ainsi déficitaire : peu de retailers disposent de suffisamment d’argent sur leur compte en banque pour résister longtemps face à une telle situation. Et les franchisés indépendants encore moins …
Pour riposter les retailers seraient obligés de consentir de lourds investissements dans l’embellissement de leurs magasins, l’expérience client, la proximité, les promotions, les prix …. Des coûts qu’ils répercuteront sur d’autres acteurs de la chaîne de valeurs. La pression sur les agriculteurs, les marques et les fabricants de labels privés n’en sera donc que plus grande. Il y aura des victimes partout. Et reste à voir si cette part de marché se limitera à 5% …
S’adapter rapidement
Les retailers locaux peuvent-ils contre-attaquer ? Il n’est pas encore trop tard, estime Van Dam, mais la rapidité est de mise. Aujourd’hui Amazon se distingue par des livraisons efficaces et gratuites et des prix bas. Picnic et Ocado sont la preuve que ce modèle d’entreprise peut être durable et rentable. Comme souvent le ‘first mover’ bénéficie d’une avance considérable sur la concurrence, mais sur des marchés subissant de rapides changements il n’est pas nécessaire d’être le premier, il suffit d’être rapidement le meilleur et de le rester. Il importe surtout de priver votre concurrent de toute forme de différenciation. Si vous ne vous distinguez pas, vous perdez votre pertinence. « Comme Darwin nous l’a appris ce n’est pas le plus fort ou le plus malin qui survit, mais celui qui s’adapte le mieux au changement. »
Envie d’en savoir plus sur le scénario Amazon ? Nils van Dam vous exposera sa vision lors de l’avant-programme Game Changers à l’occasion de la RetailDetail Night, jeudi 29 novembre au San Marco Village à Schelle. Cliquez ici pour de plus amples information sur l’ensemble du programme et pour réserver vos tickets. N’hésitez pas, car la RetailDetail Night est l’événement de clôture incontournable de l’année retail 2018 : inspiration et réseautage de haut niveau garantis !