Les négociations actuelles sur les prix minent la coopération stratégique entre les food-retailers et leurs fournisseurs, révèle une enquête exclusive de LD&Co et RetailDetail. Les deux parties reconnaissent pourtant qu’il est indispensable de renforcer la coopération.
Sonder les attentes mutuelles
En cette veille du début des négociations, qualifier de tendues les relations entre les chaînes de supermarchés et les marques relève de l’euphémisme. Les discussions sur les augmentations de coûts et les hausses de prix ont été particulièrement délicates tout au long de l’année. Mais dans quelle mesure cette situation pèse-t-elle sur les relations à long terme entre les deux parties ? À l’occasion du Trade & Shopper Marketing Congress de la semaine dernière, RetailDetail a mené une grande enquête auprès des retailers et de leurs fournisseurs en collaboration avec Luc Desmedt (LD&Co) et Dirk Vanderveken (Shopperware).
Le postulat : au-delà de ces négociations sur les prix et autres conditions, les fournisseurs et les détaillants ont besoin les uns des autres pour optimiser le sell-out par catégorie. Chacun possède des connaissances et des informations que l’autre n’a pas. Si vous les réunissez, 1+1=3. C’est l’essence du category management. À l’heure où le comportement d’achat des consommateurs évolue à une vitesse sans précédent, les choix opérés en matière d’assortiment, de stratégie de prix et de promotion et de communication avec les consommateurs n’ont jamais été aussi importants. Nous avons donc sondé l’adoption du CatMan chez les deux parties aujourd’hui, leurs attentes mutuelles et leur niveau de satisfaction général.
D’abord un accord sur l’aspect commercial, le reste suivra
L’enquête a eu lieu en septembre. Tant des marques nationales que des marques de distributeur y ont participé, de même que six food-retailers : Albert Heijn, Carrefour, Colruyt, Delhaize, Retail Partners Colruyt Group et Spar Lambrechts. Première conclusion : bien qu’il ait plus de 30 ans, CatMan est plus que jamais d’actualité. Tous les retailers attribuent un « top 2 box score » (tout à fait d’accord/d’accord) à l’affirmation« Nous considérons le category management comme un élément clé de notre stratégie commerciale ». C’est aussi le cas de 82 % des fournisseurs. Une grande majorité des participants des deux parties reconnaissent qu’une étroite collaboration est indispensable pour exploiter au mieux le potentiel du CatMan, mais deux détaillants sur trois soulignent qu’un accord commercial est indispensable avant de pouvoir aborder le category management. Chez les fournisseurs, cette opinion est (logiquement) beaucoup moins partagée : 46 %.
Il reste cependant du pain sur la planche : seuls 50 % des fournisseurs et des retailers reconnaissent posséder une expertise et des ressources suffisantes. Quand ils évaluent leurs capacités mutuelles en matière CatMan, les retailers se révèlent beaucoup plus cléments que les fournisseurs : 50 % des retailers déclarent que les fournisseurs disposent généralement d’une expertise interne suffisante, alors que l’inverse n’est que de 18 % des fournisseurs.
La catégorie, pas le produit
Quand on les interroge ouvertement sur ce qui fait la qualité du category management chez les fournisseurs, les retailers disent attendre en premier lieux une compréhension approfondie de la philosophie commerciale et de la dynamique des retailers, qu’ils doivent ensuite traduire dans leurs propositions. Ils souhaitent ainsi une attitude objective et transparente qui part de la catégorie globale, plutôt que de leurs produits. Cinq retailers sur six affirment que les fournisseurs se concentrent excessivement sur leurs produits et ne raisonnent pas assez à l’échelle de la catégorie.
Quels sont les éléments les plus importants du category management pour les retailers ? Trois activités se distinguent. Tout d’abord, il est nécessaire de partager la vision de la catégorie. Viennent ensuite le joint business planning, et en troisième lieu le partage d’informations sur le consommateur. Et c’est à ce niveau que le bât blesse : seule une minorité de fournisseurs déclare offrir fréquemment ou constamment ces activités, alors que seule une minorité de retailers attribuent une note élevée à la qualité globale de ces activités. Les fournisseurs ont leurs raisons d’être prudents en matière de partage d’informations sur les consommateurs : ils réclament davantage d’échanges de données et ne veulent plus devoir les payer (souvent au prix fort). Cela permettrait aux fournisseurs d’élaborer des propositions sur mesure encore mieux étayées.
Nécessité d’un « revenue management »
Les conclusions de l’enquête concernant les prix et les promotions sont également très intéressantes : les deux parties ont des choses à dire à ce sujet. Le sujet brûlant est l’équilibre indispensable entre l’obligation de répercuter l’augmentation des coûts sur le prix de vente et la nécessité de maintenir des prix à la fois abordables pour le consommateur et compétitifs (face aux marques de distributeurs ou aux autres détaillants).
Au sein des deux groupes, une majorité des parties interrogées indiquent que les discussions actuelles nuisent à une collaboration constructive. Quoi qu’il en soit, il semble également nécessaire d’améliorer le revenue management : seuls 21 % des fournisseurs considèrent le partage d’informations et de conseils sur la fixation des prix comme une activité courante, alors qu’aucun retailer n’attribue une note élevée à la qualité de cette activité. La situation semble être légèrement meilleure pour les conseils en matière de promotions : 34 % des fournisseurs disent en donner régulièrement. Mais seul un retailer sur six s’avère en être satisfait.
Le commentaire suivant d’un fournisseur est significatif dans le contexte des promotions : « L’approche actuelle des promos n’est pas viable et nous coûte de l’argent. Il n’est plus possible de demander aux fournisseurs de financer la totalité des promotions. Nous devrions nous orienter vers un modèle de cofinancement afin que les promotions restent intéressantes pour les deux parties. »
Jumbo et Colruyt
Pour terminer, nous avons demandé aux fournisseurs d’évaluer l’ouverture des food-retailers en matière de category management et d’expertise. Jumbo est particulièrement demandeur de soutien en matière de category management. C’est plutôt logique : le nouveau venu ne connait pas encore suffisamment le marché belge et toute information est bonne à prendre. Kruidvat et Carrefour complètent le podium.
En termes d’expertise, le leader du marché Colruyt arrive en tête, suivi de Delhaize et Albert Heijn. Trois des six retailers ont également cité leurs fournisseurs favoris, mais en raison de la petite taille de l’échantillon, nous préférons ne pas publier cette information.