Bio-Planet, Ekoplaza, Ecover et Alpro seront plus pertinents que jamais à l’ère post-Covid : les retailers et marques qui embrassent la durabilité contribuent à la résilience de leurs clients. Ou comment le virus a modifié radicalement nos comportements d’achat.
Malaise
La crise sanitaire a un impact considérable sur la société et donc sur les comportements des consommateurs. « Nous pouvons parler d’un nouveau paradigme, d’une évolution spectaculaire des préférences. La durabilité a un impact énorme. La donne a changé », affirment Sonja van den Berg (Nielsen Benelux) et Wim Buedts (Burat), qui ont dirigé l’enquête. Ils ont étudié la manière dont les consommateurs belges et néerlandais avaient réagi à la crise sanitaire et son impact pour les retailers et les marques FMCG.
Cette enquête menée en juillet 2020 auprès de 800 consommateurs belges et 1200 consommateurs néerlandais montre avant tout un grand malaise. « On note ainsi beaucoup d’incertitude, de peur, de pessimisme et d’anxiété chez les jeunes – surtout entre 26 et 35 ans. Nous aurions pu penser qu’ils seraient plus résilients, mais ce n’est manifestement pas le cas. La crise fera sentir plus longtemps son impact dans cette tranche d’âge que chez les personnes âgées. Et ce n’était qu’après la première vague… On peut observer un énorme besoin de clarté et de réalisme quant à la manière d’aborder la crise, et ce besoin demeure. Les jeunes recherchent la protection du groupe, c’est pour eux une manière d’affronter le Covid. Les personnes âgées sont plus préoccupées par la qualité de vie et leur environnement immédiat. »
Moteurs de changement
Cela a-t-il des répercussions sur les comportements d’achat ? Les chercheurs ont créé un indice à cet effet, qu’ils ont baptisé Market Dynamic Index (MDI). Cet indice exprime le nombre de personnes qui sont en train de modifier leur comportement d’achat ou ont l’intention de le faire à la suite des initiatives qui ont été développées par les retailers et les marques – les « moteurs du changement ». « Nous avons développé une formule magique pour le calculer : nous additionnons ce que font les gens depuis peu et ce qu’ils ont plus que jamais l’intention de faire, et nous en soustrayons ce qu’ils ont arrêté de faire depuis peu. Il en résulte le pourcentage net de la population de consommateurs qui change de marque ou de retailer. Pour certains de ces moteurs du changement, nous constatons des changements de comportements ou de préférences chez un peu moins de 40% de la population.
Production locale, échelle réduite, bio/éco et responsabilité sociale sont les principaux moteurs de changement de marque. Pour les retailers, les facteurs les plus importants sont la présence de produits locaux, la responsabilité sociale et le souci de l’environnement. « Nous en concluons que les grands moteurs du changement sont les thèmes durables, tant pour les marques que pour les détaillants. Ils ont un impact beaucoup plus important que les variables marketing classiques comme le prix, la qualité ou l’innovation. C’est le cas dans les deux pays, mais davantage aux Pays-Bas. La durabilité va changer la donne à l’ère post-Covid. »
Les marques locales plébiscitées
Dans quelle mesure les retailers et les marques parviennent-ils à conserver leur pertinence dans ce contexte de changement ? « Pour le déterminer, nous avons développé le Resilience Index for Brands (RIB). Cet indice de résilience des marques indique dans quelle mesure les moteurs du changement sont présents chez la marque ou le retailer considéré aux yeux du consommateur. Plus l’indice est élevé, plus la contribution à la résilience est forte et plus l’impact sur le choix de la marque sera important. Nous avons ensuite mesuré cet indice pour un certain nombre de grandes marques et de retailers en Belgique et aux Pays-Bas. Et nous avons obtenu des différences assez sensibles. »
Aux Pays-Bas, des marques comme Ecover et Alpro obtiennent des scores très élevés, tandis que les usual suspects comme les marques d’Unilever, de P&G, de PepsiCo ou de Coca-Cola sont à la traîne. Et ces conclusions sont aussi valables en Belgique. Où une marque de bière occupe première place : Vedett est suivie par Spa, Ecover et Joyvalle. « Vous remarquez que les marques locales se portent plutôt bien. Les consommateurs optent pour des marques qui ont fait le choix de la durabilité. La seule multinationale à faire de la résistance est Danone. »
Traduire la durabilité en actions concrètes
Burat et Nielsen ont répété l’exercice pour les retailers, avec à nouveau des résultats surprenants. « En Belgique, ce sont Bio-Planet et Colruyt qui obtiennent les meilleurs scores, mais le petit magasin de proximité démontre également sa pertinence. Et si AD Delhaize n’a pas à rougir de ses performances, les supermarchés Delhaize sont plus en difficultés. Les écarts sont substantiels. On constatera également que Bio-Planet n’est pas handicapée par son image moins favorable en matière de prix. » Il n’en va pas autrement aux Pays-Bas : Ekoplaza arrive en tête, Picnic se débrouille remarquablement bien – ce retailer met nettement l’accent sur la durabilité dans sa communication. « Plus est également très bien classée : cette chaîne réussit à traduire la durabilité en actions concrètes claires, alors qu’Albert Heijn ne parvient pas à se démarquer malgré ses ambitions affichées en matière de durabilité. »
Cette enquête dépasse le Covid, soulignent les chercheurs. « Est-il possible de prédire le comportement des consommateurs et attribuer les évolutions dans ce domaine à certains facteurs ? Nous y sommes parvenus. Nous répéterons cet exercice au début de 2021 pour déterminer si nos résultats et perspectives se maintiennent. Car en juillet, personne n’aurait pu prévoir que cette crise durerait si longtemps. À l’époque, nous pensions encore que nous serions débarrassés du virus d’ici Noël… Nous voulons également ne pencher plus concrètement sur certaines questions, car plusieurs constats nous ont surpris. Par exemple, les boutiques en ligne semblent n’avoir guère d’effet sur l’attirance des consommateurs, alors que les retailers ont consenti d’énormes investissements dans ce domaine. »