Le RetailDetail Food Congress, qui s’est tenu le 29 juin, n’a pas manqué de contenu attrayant, voire surprenant. Des chiffres inquiétants sur les initiatives durables à des tableaux presque hallucinants de l’avenir de l’industrie alimentaire : un petit retour en arrière.
« Fake meat, fake news »
La pandémie et la crise des coûts bouleversé le futur de l’industrie agroalimentaire ? On peut le craindre, à en croire Stefan van Rompaey, rédacteur en chef de RetailDetail. La crise énergétique a miné la rentabilité du vertical farming, la fake meat est surtout une fake news, le consommateur n’aime pas les insectes, l’e-commerce s’essouffle, les magasins sans caisse ne percent pas, les sociétés de livraison éclair ont sonné la retraite, et au lieu des aliments durables et sains, ce sont produits blancs vendus à prix plancher qui voient leurs ventes exploser.
Mais : la viande de culture pourrait être à la veille de sa grande percée, la fermentation de précision est la technologie du futur, Colruyt montre la voie avec ses magasins autonomes, de nouveaux modèles d’e-commerce semblent prometteurs, les livreurs de repas vont aussi livrer les courses et nous ne réalisons pas encore le potentiel de l’IA dans le food-retail.
« Un tiers ne survivra pas »
Le food-retail se contracte, à en croire les chiffres du Cassandre Eric Van den Broele (Graydon CreditSafe). Pour chaque ouverture de supermarché, on recense 1,3 fermeture. La marge bénéficiaire moyenne tombe à 1,68%. Et les entreprises ont épuisé leurs réserves après la pandémie et la crise énergétique : « En réalité, 30% des supermarchés ne survivront pas à un autre choc ! » Il s’attend par conséquent à deux évolutions : une nouvelle augmentation du nombre de fermetures et de faillites et une énorme vague d’acquisitions, les grands acteurs évinçant les autres.
« 41% de sucre en moins dans le Lipton Ice Tea »
« Chaque jour, 3,4 milliards de consommateurs entrent en contact avec nos produits. Quand on parle d’impact », a expliqué Tom Smidts d’Unilever. Ce n’est pas sans raison si la multinationale pointe au premier rang du Dow Jones Sustainability Index. Elle promeut une alimentation végétale, lutte contre les pertes et le gaspillage alimentaires, réduit le nombre de calories et les teneurs en sucre, sel et graisses de ces produits, et s’engage en faveur d’une agriculture régénératrice.
Des exemples ? La quantité de sucre dans Lipton Ice Tea, passée de 6,4 à 3,8 g par 100 ml au cours des dernières années, soit une baisse de 41%. Hellmanns aussi montre qu’il est possible de lutter contre le gaspillage alimentaire avec de la mayonnaise sous la devise « Make taste not waste ». En Belgique, Unilever a déjà réduit les pertes alimentaires de 90% en deux ans, notamment grâce à de meilleures prévisions « Et d’ici à 2025, tous nos emballages seront recyclés, recyclables ou réutilisables. »
« Seuls des consommateurs informés peuvent faire des choix responsables. »
« J’étais un chef oldschool avec un gros ego », a reconnu Damien Taylor (ChefChain). « Mais le chef moderne est flexible et attentionné. » D’autant que tout le monde semble désormais avoir souffrir d’allergies ou suivre un régime spécifique (végétalien, sans gluten…). « Les gens veulent savoir ce qu’ils mangent. Et seuls des consommateurs informés peuvent faire des choix responsables. »
Mais le système alimentaire manque de transparence. La solution ? La technologie blockchain rassemble les données dispersées dans des silos, ce qui renforce la confiance des consommateurs. La preuve : nous avons dégusté un délicieux crumble aux poires 100% traçable avec code QR.
« Pizza et pilule du lendemain »
« Aujourd’hui, nos clients commandent deux à trois fois par mois en moyenne. Cela pourrait devenir deux à trois fois par semaine à mesure que nous élargissons notre assortiment », affirme Siska De Lombaerde, jadis la toute première salariée de Pizza.be et aujourd’hui directrice nationale de Takeway.com. Les livreurs ont moins de travail en dehors des heures de repas : pourquoi ne pourraient-ils pas livrer des aliments pour chats, des chargeurs de smartphones ou des fleurs ?
La collaboration avec Carrefour se poursuivra. L’entreprise a également conclu un partenariat avec MediaMarkt en Allemagne et avec Blokker aux Pays-Bas. En Espagne, Takeaway.com livre déjà des produits pharmaceutiques sans ordonnance. Meilleures ventes : pilule du lendemain, tests de grossesse et lait pour bébé. Le service de livraison compte désormais 1,8 million de clients actifs en Belgique. Le taux de pénétration de 19% laisse cependant un potentiel de croissance élevé.
« Végétal à la moitié du prix »
L’alimentation attire les clients dans le magasin, leur procure un moment de calme pendant qu’ils font leurs achats et ajoute à l’expérience, explique Roel Michiels, Food and Beverage Manager chez Ikea. La boutique food permet aussi aux visiteurs de repartir avec un petit bout de Suède dans leur caddie. En Belgique, Ikea vend 2,2 millions de hot-dogs et autant de repas à base de boulettes de viande chaque année. Nouvel objectif : 50% de repas et 80% de produits emballés végétariens. « Nous en sommes actuellement à 48,5% en Belgique », explique Roel.
Les options végétariennes sont moins chères dans la chaîne de décoration. Les clients sont ouverts : le restaurant n’a reçu aucune plainte lors du lancement du « vol-au-veggie », la version végétale du vol-au-vent. Pour promouvoir ses boulettes végétales, l’entreprise en a ajouté un exemplaire (reconnaissable à son drapeau) à chaque kötbullar habituel. « La semaine prochaine, nous lancerons un nouveau produit emblématique en version végétale, à la moitié du prix. » Vous saurez tout sur retaildetail.be.
« Okay doit devenir “f*cking easy” »
Le retail est simple, mais pas si simple, affirme Christophe Dehandschutter (supermarchés de proximité Okay). « Colruyt Group est très performant en matière de logistique, mais moins dans le domaine de la création de marques. Okay était une marque appréciée, fun. Avec un milliard de chiffre d’affaires et 150 magasins performants, on ne peut pas dire que les choses allaient mal. » Mais la chaîne a manqué de courage et de réactivité, d’ambition aussi. La promesse de marque doit passer de « easy » – faciliter la vie des gens – à « f*cking easy ». Au Okay Direct de Gand, les étudiants entrent et sortent en 25 secondes.
Okay veut ainsi transformer les contraintes en opportunités. Les magasins sont petits : c’est un avantage si l’assortiment est adapté alors que les Aldi et autres Lidl sont de plus en plus grands. Les magasins sont situés dans les centres des villages, à proximité des clients. Aucune place de parking n’est pas à plus de 25 pas de l’entrée. Tous les magasins de la ville seront équipés de caisses automatiques. « En fin de compte, nous sommes moins chers que Colruyt, car il n’y a aucun détour à faire pour aller chez nous. »
« Le yaourt pour lutter contre la dépression »
« Nous ne pouvons pas prédire l’avenir, mais nous pouvons le construire ensemble », a enfin déclaré Koen Kas, futuriste de la santé, qui est venu dire sa foi dans la nutrition personnalisée. « Il y a 2 500 ans, on payait le médecin pour qu’il nous maintienne en bonne santé, pas pour qu’il nous guérisse. Nos petits-enfants n’ont plus à tomber malades. » Le tout avec une avalanche d’exemples.
Imaginez que vous puissiez partager votre ADN avec les retailers et les fabricants : vous pourriez alors bénéficier d’une alimentation personnalisée et ne plus devoir lire de caractères microscopiques pour vérifier si tel produit contient ou non du gluten ou du lactose. Les bactéries présentes dans le microbiome jouent un rôle dans la dépression. Danone pourrait donc ajouter certaines souches à son yaourt pour améliorer le bien-être mental.
À Liverpool, on teste un chariot de supermarché dont la poignée mesure la qualité du cœur. L’IA peut vous faire des recommandations sur la base d’une photo du contenu de votre réfrigérateur. La chaîne de supermarchés américaine Albertsons récompense financièrement les clients qui font des choix sains. « C’est l’une des opportunités les plus intéressantes pour les retailers », conclut-il.
Cliquez ici pour plus d’informations sur les événements RetailDetail de l’automne prochain