C’en est fini des coupons pour Diageo : trop coûteux, trop sensibles à la fraude, trop peu de valeur ajoutée. Le leader du marché des spiritueux préfère consacrer davantage de moyens aux points de vente.
Attention pour la productivité
« Stop and think » : parfois, il vaut la peine de s’arrêter et de prendre le temps de la réflexion. C’est en tout cas ce qu’a fait Diageo, le producteur de Johnnie Walker, Smirnoff, Tanqueray, Captain Morgan et Baileys entre autres. Face à l’évolution rapide du paysage retail et du comportement des consommateurs, l’entreprise entend assumer son rôle de leader du marché et poser un regard critique sur la manière dont ses produits sont commercialisés.
« Notre stratégie met l’accent sur le ‘selling out’. Nous voulons créer de la demande de la part des consommateurs plutôt qu’imposer nos produits au marché », explique An Martel, directrice commerciale Benelux. « Nous nous sommes fixé pour objectif de développer l’ensemble de la catégorie chez nos clients, pas seulement nos propres marques. Et cette attitude est visiblement appréciée des retailers à en croire les enquêtes annuelles d’Advantage Group. Nous recrutons de nouveaux consommateurs pour la catégorie et misons sur la premiumisation. Nous accordons aussi de l’attention à la productivité : nous nous demandons comment augmenter le chiffre d’affaires et diminuer les coûts, tant pour nous que pour nos clients retail. Nous visons la simplicité et réinvestissons le gain dans nos marques. » Cette approche porte ses fruits. En effet, même si la catégorie des spiritueux a durement subi le contrecoup de la hausse des accises dans notre pays ces deux dernières années, le tableau est loin d’être tout noir. « On observe des glissements entre les canaux d’achat, mais la consommation se maintient, la pénétration augmente fortement et les derniers chiffres de Nielsen ne sont plus que légèrement négatifs. Le pire est derrière nous, nous avons le regard tourné vers l’avenir. »
‘Stopping power’ insuffisant
Il ressort des études qu’il existe encore un beau potentiel de croissance pour les spiritueux. Seuls 24 % des shoppers visitent le rayon alcools et 81 % le quittent sans achat. À titre de comparaison, au rayon vins, ce taux n’est que de 48 %. Il semble donc que les shoppers aient du mal à prendre une décision d’achat au rayon alcools. Les coupons ne paraissent pas être la solution pour inciter les gens à acheter davantage de spiritueux. Le ‘stopping power’ est insuffisant.
La Belgique est pourtant un pays riche en fervents adeptes des coupons. Les bons de réduction ne sont nulle part plus convoités en Europe, révèle le rapport annuel de HighCo. Le gros avantage des coupons est qu’ils donnent plus de visibilité aux promotions, mais ils comportent aussi pas mal d’inconvénients, nuance An Martel.
Ce média implique beaucoup d’efforts et de coûts, tant pour les fabricants que pour les retailers : création de nouvelles SKU, collecte des bons, décompte, envoi, attente du remboursement… Il existe en outre un sérieux risque de fraude. De plus, l’accent est mis sur le sell-in plutôt que sur le sell-out. Sans parler de l’empreinte écologique. « Nous l’avons fait calculer : ces dix dernières années, elle s’élève quand même à 190 tonnes de papier. »
Actions attrayantes
Diageo a donc décidé de changer de cap et de revoir radicalement sa stratégie promotionnelle : l’entreprise ne recourra désormais plus du tout aux coupons. « C’est une grande décision, admet An Martel, mais nous sommes convaincus qu’elle se révélera bénéfique pour nous, pour le retailer et pour le consommateur. Nous continuons plus que jamais de proposer de fortes promotions, mais nous voulons épargner les inconvénients des coupons à nos clients. Les économies ainsi réalisées vont être réinvesties dans des actions attrayantes et dans l’amélioration de la visibilité sur le lieu de vente, conformément aux attentes de chaque retailer. »
Rôle de pionnier
« J’avoue qu’au début, j’ai eu un peu peur des risques potentiels inhérents à cette décision. Mais plus nous y réfléchissions, plus elle nous paraissait aller de soi. » Cette décision a notamment découlé des échanges avec des collègues internationaux au sein du groupe Diageo.
« Depuis le mois de décembre, le Benelux fait partie de Diageo Europe du Nord, ce qui nous donne une meilleure vue sur les leviers promotionnels qui fonctionnent bien dans les pays septentrionaux. La Belgique est le seul pays d’Europe à utiliser autant les coupons. Mais les coupons créent une culture biaisée. Nous sommes les premiers à sauter le pas. Nous jouons un rôle de pionnier. Nous pensons que nous menons aujourd’hui les bonnes discussions avec nos partenaires. Les réactions initiales des retailers sont en tout cas très positives. Il va sans dire que nous suivrons aussi de très près les effets de cette approche promotionnelle optimisée. Qui sait, peut-être que d’autres confrères du FMCG nous emboîteront le pas ? »