Un nouvel écosystème alimentaire est en train de se mettre en place : la livraison à domicile explose, les achats en vrac se numérisent et les supermarchés deviennent de petits dépôts, estime Jonathan Hertog, manager en e-commerce chez Delhaize. Il partagera sa vision lors du RetailDetail Food Congress.
Gain de temps
Quel sera à l’avenir le rôle du supermarché physique ?
J.H. : « Je suis convaincu que le magasin physique continuera d’exister, mais son rôle évoluera et il sera davantage axé sur l’expérience client et les expériences uniques. La nourriture est une chose très personnelle avec laquelle on entretient un lien émotionnel. Voir réellement ce que vous achetez, trouver l’inspiration, poser des questions, c’est là que le magasin physique reste pertinent. Il est également plus difficile de découvrir de nouvelles choses ligne. On remarque en effet que les gens reviennent plus souvent aux produits et marques standards, et ce parce qu’ils vont directement vers ce qu’ils cherchent. »
« Les supermarchés d’aujourd’hui sont en fait de petits dépôts, certains un peu plus que d’autres. Nous évoluons cependant vers des magasins où l’accent est mis sur les produits frais et le service : de grands espaces sont dédiés aux comptoirs de produits frais où les choses sont préparées sur place et où le boucher, le poissonnier et ainsi de suite sont plus présents ».
Quel est alors le rôle du canal de la vente en ligne ?
« Aujourd’hui, on l’utilise avant tout pour gagner du temps. Ceux qui savent exactement ce qu’ils veulent font leurs achats en ligne et les récupèrent ensuite ou les font livrer à domicile pour gagner du temps. Ce canal constitue aussi une solution pour les achats lourds, les personnes à mobilité réduite et les personnes âgées : la livraison à domicile connait une très forte demande ».
C’est la raison pour laquelle nous testons maintenant aussi les livraisons à domicile très tôt le matin et tard le soir : à Bruxelles, il est possible de se faire livrer entre 7 h et 8 h du matin, et jusqu’à 21 h le soir. Je pense que la livraison à domicile en l’absence des clients, peut, dans un premier temps, se mettre en place pour les achats non alimentaires, mais le jour viendra, sans aucun doute, où le coursier rangera vos courses directement dans le réfrigérateur. »
Allons-nous, dans l’avenir, encore utiliser un caddie pour faire nos courses hebdomadaires ?
« La nourriture représente environ 1,5 % des achats en ligne. La tendance au niveau non alimentaire est déjà incontestablement installée, que ce soit via nous, bol.com ou Amazon. Néanmoins, je pense que tout le monde va continuer à se rendre au supermarché pour des achats non planifiés et pour l’expérience. »
« Notre manière de vivre est de moins en moins planifiée. C’est particulièrement chez les adultes de 20 à 30 ans et chez les plus de 50 ans, dont les enfants quittent la maison, que nous observons une diminution au niveau de la fréquentation des magasins. Les solutions comme les boîtes repas ont aussi beaucoup de succès auprès d’eux. Je m’attends à ce qu’un certain nombre d’achats en vrac soient numérisés. Ce n’est pas pour rien qu’Amazon mise sur les “achats récurrents” grâce à son programme Prime. Mais comment estimer les coûts ? Il sera toujours important de rassembler. »
« Sur les marchés vraiment avancés, on constate qu’à long terme, on peut se contenter de moins d’espace de vente, mais ce n’est pas encore le cas au Benelux. Il y aura en revanche plus de place pour l’expérience. »
Résoudre le problème du choix
Comment intégrez-vous aussi la numérisation dans le supermarché même ?
« C’est souhaitable si le client la recherche, mais en Europe, aucun retailer n’a encore réussi à apporter quelque chose de vraiment pertinent. Sortir votre téléphone au magasin reste encore un grand pas. Il faut vraiment apporter une valeur ajoutée à la virée shopping. Nous sommes par exemple en train de développer un certain nombre de concepts permettant d’intégrer des écrans dans les rayons pour résoudre le problème du choix et ainsi guider les consommateurs dans leur recherche. »
« Le paiement mobile peut aussi constituer une intégration très pertinente : les gens n’aiment pas faire la file. Dans nos Delhaize Fresh Ateliers, nous testons une application de paiement “Yes, we scan”, et chez Albert Heijn ils travaillent depuis quelque temps déjà avec Tap to GO. Le taux d’adoption est encore faible en Belgique, mais on sent que cela va arriver depuis les pays voisins. »
En ligne, vous pouvez élargir la gamme avec des produits qui ne sont pas disponibles dans le magasin physique. Mais existe-t-il une demande effective des consommateurs à cet égard ?
« Vous pouvez rendre le “long tail” disponible numériquement dans la boutique, mais les gens ne s’y intéressent pas pour le moment. Mais en ligne, cela constitue bien sûr un atout. Il suffit de penser à toutes les sortes de nourriture pour animaux ou les nombreuses variantes de lait pour bébé que vous ne pouvez pas placer dans le magasin. Une vaste offre en ligne de “nourriture du monde” peut aussi être très pertinente. »
« La question qui se pose alors est celle de la gestion : allez-vous garder ces produits en stock vous-même ou collaborerez-vous avec vos fournisseurs et partenaires ? La force de bol.com réside principalement dans sa collaboration avec ses partenaires. Pour l’instant, nous n’avons rien prévu dans cette direction, mais plus vous grandissez, plus cela devient possible. »
Plusieurs food retailers travaillent déjà avec des assistants vocaux comme Google Assistant. Quelle est la position de Delhaize au niveau de la reconnaissance vocale ?
« Elle fait partie intégrante du futur. Je vois vraiment l’assistant vocal comme un assistant personnel à qui vous pouvez demander d’ajouter quelque chose à votre liste et de le commander ou de vous assister pendant que vous réalisez une recette — ou encore comme un assistant qui connait pour vous les heures d’ouverture du magasin et qui vous dise où aller. »
« L’avantage d’appartenir à un groupe c’est que vous pouvez apprendre du reste de celui-ci. La reconnaissance vocale est en train d’être testée chez Albert Heijn et aux États-Unis il y a aussi le Peapod Labs, le centre d’innovation du supermarché en ligne Peapod, qui réalise déjà plus d’un milliard de dollars de ventes en ligne. »
Collaboration avec bol.com
La collaboration avec Bol.com est déjà plus avancée aux Pays-Bas avec AH qu’en Belgique avec Delhaize. Comment pensez-vous que cela va évoluer ?
« Nous continuerons à y travailler au cours des prochains mois. Nous avons commencé avec l’installation de points de retraits dans nos magasins et nous avons organisé conjointement une campagne sur le thème du “retour à l’école” à la fin de l’été, mais il y a encore beaucoup à venir. Pour nous, faire des tests avec bol.com est une première étape logique afin de mettre en ligne des produits de grande consommation non alimentaires et étendre l’écosystème omnicanal. Vous devriez pouvoir travailler avec n’importe qui, mais cela doit rester pertinent et se développer organiquement. »
« En tant que retailer belge pour l’ensemble des citoyens, il est également positif pour nous que bol.com se développe bientôt en Wallonie. C’est évidemment nécessaire si nous voulons réellement construite une étroite collaboration. Le marché francophone présente, de toute façon, un potentiel certain pour bol.com, car c’est une région qui continue d’être principalement attirée par Amazon. »
Lors du RetailDetail Food Congress, le 24 octobre à Malines, Jonathan Hertog parlera des ambitions en ligne de Delhaize. Mais seront aussi, entre autres, présents sur scène : le chef étoilé Seppe Nobels du restaurant Graanmarkt 13, Chris Van Hoof d’Imec, Priscilla Cornet de Coca-Cola European Partners, et Arnaud Lesne de Carrefour. En cliquant sur ce lien, vous trouverez plus d’informations sur le programme et vous pouvez commander des tickets.