Pourquoi les supermarchés belges cachent-ils leurs rayons de produits ethniques, alors qu’Albert Heijn y voit un pilier de sa croissance ? Rachid Lamrabat, spécialiste du marketing, tient un vibrant plaidoyer contre les stéréotypes et pour la capacité de l’alimentation à créer des liens.
Étroitesse d’esprit
Les consommateurs issus de l’immigration ne trouvent que trop rarement ce qu’ils recherchent au supermarché : ils ont constitué longtemps un groupe cible invisible pour de nombreux retailers et marques de produits alimentaires qui ont ainsi manqué d’énormes opportunités. « Le retail belge pèche par son étroitesse d’esprit », affirme Rachid Lamrabat de l’agence stratégique d’ethnomarketing et de communication Tiqah. « Les supermarchés cachent leurs produits du monde. C’est un problème : l’alimentation permet au contraire de créer des liens entre différents groupes cibles. »
Il a écrit un livre à ce sujet : Common food, The Connective Power of Food Retail (Alimentation commune, la capacité de la grande distribution à créer des liens) Vous pouvez le qualifier de manifeste. « C’est ma vision du monde alimentaire de demain. Nous devons apprendre à vivre ensemble et donc à acheter des choses ensemble, à mettre des produits communs sur le marché et dans les rayons. Nous devons apprendre à nous intéresser aux valeurs que nous partageons. » Il voit cependant bouger les choses bouger : « De nombreuses entreprises disposent désormais d’une stratégie de diversité et d’inclusion. L’étape suivante consistera à créer de la confiance. »
Houmous authentique
À l’étranger, Rachid Lamrabat trouve des enseignes désireuses d’assumer leur rôle. « En France, Carrefour et Auchan emploient des responsables des achats spécifiques pour les produits typiques. Ils doivent besoin de briser ces silos. Dans un Rewe en Allemagne aussi, je vois une volonté de créer des liens. Prenez un houmous : pourquoi en proposer trois versions différentes ? Il faut une recette authentique, pour tous les groupes cibles. Personne n’aurait l’idée de proposer une version flamande et une version wallonne du vol-au-vent. »
Le dernier flux migratoire a cependant accéléré la prise de conscience, selon Rachid Lamrabat : « Les food-retailers ont le sentiment d’avoir raté le coche lors de la première vague de migration : ces gens font désormais leurs courses dans leurs propres magasins. Aujourd’hui, ils veulent enfin faire les choses correctement et sont prêts à acquérir des connaissances ou à recevoir le feed-back nécessaires. »
Albert Heijn se distingue
Et pourquoi ce retard en Belgique ? « Si je laissais parler mes émotions, je dirais que nous vivons depuis trop longtemps à côté les uns des autres en Belgique : nous nous connaissons trop peu et il arrive même que nous ayons peur les uns des autres. Ma raison y voit plutôt la conséquence d’un manque de connaissance. Mon assortiment est fixé par Jeroen, responsable des achats et quinquagénaire de Brasschaat. Ce n’est pas possible. Malgré toutes les données disponibles, vous n’allez jamais confier le rayon des tampons et des protège-slips à un homme. Une femme fera plus facilement les bons choix. »
Selon Rachid Lamrabat, il ne fait cependant aucun doute que le potentiel existe. « Savez-vous ce qui est fort ? Les rayons ethniques des Albert Heijn flamands vendent presque trois fois plus que ceux des magasins néerlandais. Pourquoi ? C(est très simple : ils sont seuls dans cette niche et ils font bien les choses. Ils n’ont pas non plus tendance à escamoter ces rayons : c’est un véritable pilier de leur croissance, au même titre que l’alimentation végétarienne par exemple. »
Livre gratuit
Vous êtes également fasciné par les possibilités de l’ethnomarketing ? Rachid Lamrabat présentera des cas plus concrets lors de l’avant-programme « The Future of Food » à la RetailDetail Night, le 25 novembre à Anvers. Le coauteur Jorg Snoeck y présentera son nouveau le livre homonyme dont tous participants recevront un exemplaire ! Deliveroo, Hopr (le premier supermarché en ligne belge) et Casper, pionnier de la « ghost kitchen », seront également présents. Cliquez ici pour plus d’informations et pour réserver vos billets. Ne tardez pas : ceux qui s’inscrivent avant le 29 octobre bénéficieront d’une réduction.