Sur le marché belge, les magasins de proximité ont enregistré la plus forte croissance au mois de mars, le premier mois du lockdown. Simultanément, les marques traditionnelles ont perdu des parts de marché au profit des marques de distributeur.
Inquiétude
La crise du coronavirus a bouleversé le marché des produits de grande consommation, a déclaré mardi Davy Van Raemdonck (GfK) lors d’un webinaire consacré aux effets de la pandémie sur le comportement des consommateurs. Avant le lockdown, le marché était stable : la croissance en volume était nulle et on ne notait qu’une légère augmentation en valeur en raison à l’inflation. Mais ces chiffres cachaient déjà plusieurs tendances et notamment la croissance enregistrée par les marques de distributeur et le hard discount ces dernières années. Le Covid-19 a en revanche provoqué une rupture.
Le virus a un impact émotionnel majeur sur les consommateurs : les membres du panel de consommateurs de GfK se disent très inquiets – en particulier les personnes âgées et issues des classes sociales inférieures. Cela explique en partie leur volonté de faire des réserves : en mars, le chiffre d’affaires des produits de grande consommation a augmenté de quelque 400 millions d’euros. Fait-il y voir un phénomène ponctuel ou une tendance lourde ? « Le marché va certainement enregistrer une croissance cette année, mais beaucoup dépendra de la réouverture de l’horeca et du moment où elle va intervenir. »
Moins les vendredis et samedis
« La valeur du panier total a commencé à augmenter au cours des semaines 9 et 10 pour culminer au cours de la semaine 15, la semaine de Pâques. Les dépenses moyennes par visite au magasin ont augmenté de 30 à 35 % par rapport à la normale. Mais la fréquence des visites est en baisse depuis la semaine 12 : les consommateurs font moins souvent leurs courses, mais achètent chaque fois tout ce dont ils ont besoin, ce qui donne lieu à des caddies plus remplis. »
Seules les personnes âgées ont réduit leurs achats, peut-être dans une volonté d’éviter les magasins alors qu’elles sont considérées comme un groupe à risque. Les ménages indiquent qu’ils font davantage de courses pour d’autres personnes : voisins, amis… Un mouvement de solidarité se met clairement en place. « Nous avons observé les mêmes tendances en Italie. » Comme ils sont plus nombreux à rester à chez eux pendant la semaine, les consommateurs font aussi leurs cours à des moments différents : le vendredi et le samedi perdent en importance, les achats s’étalent davantage sur toute la semaine.
« Investir dans le marketing »
Le choix des magasins a lui aussi évolué : les consommateurs limitant leurs déplacements, les magasins de proximité sont les grands gagnants du lockdown. La fermeture des frontières profite également aux supermarchés belges. Le chiffre d’affaires d’enseignes comme Action et Kruidvat, qui ont été contraintes de fermer alors qu’elles vendent aussi de nombreux produits de grande consommation, migre vers le hard discount. Comme en France, les hypermarchés sont en légère perte de vitesse. Les courses en ligne n’ont connu qu’une croissance réduite, car les services de livraison ont souffert à de gros problèmes logistiques.
Les marques A ont perdu 2 % de parts de marché au profit des marques de distributeur et du hard discount. « Toute récession est généralement favorable aux marques de distributeur », explique Davy Van Raemdonck. « Leurs ventes avaient déjà enregistré une hausse significative dans toute l’Europe après la crise du crédit de 2008 et étaient restées à ce niveau élevé depuis. Les crises précédentes nous apprennent également que toute difficulté est porteuse d’opportunités. Les grandes marques sont certes plus résistantes, mais ne sont pas immunisées pour autant contre le virus. Les marques B sont prises en sandwich entre les grandes marques et les marques de distributeur. Les marques qui accroissent leurs investissements marketing et R&D en temps de crise peuvent conquérir des parts de marché. Le moment est notamment favorable pour la publicité à la télévision : les téléspectateurs sont plus nombreux et la regardent plus longtemps. »
Évolution des ventes de produits de grande consommation par type de magasin en mars
Magasins de proximité | +35,2% |
Supermarchés | +18,5% |
Discounters | +16,0% |
Total | +12,5% |
Magasins spécialisés* |
+1,9% |
Hypermarchés | -1,1% |
*cette catégorie comprend également les drogueries et les magasins « low & retail » (Action, Kruidvat…) qui ont été contraints de fermer leurs portes.
Source : Panel de consommateurs GfK