L’émergence de nouvelles plates-formes et de nouveaux canaux de distribution numériques menace la domination des groupes de supermarchés traditionnels. Pour rester pertinents, ils devront eux-mêmes se transformer en plates-formes. Les supermarchés seront ainsi contraints de se réinventer radicalement. Comment ?
Utilisation optimale des mètres carrés
Après plus de cinquante ans de quasi-immobilisme, le supermarché de demain sera complètement différent. Tout d’abord, les food-retailers devront optimiser l’occupation de leurs précieux mètres carrés : moins d’espace pour exposer les produits destinés aux achats récurrents de routine – car ces achats se feront en grande partie en ligne, voire seront automatisés – et une plus grande surface allouée à des solutions, de l’inspiration, du divertissement et de la logistique.
Ce qui nécessitera un nouvel aménagement des magasins, où les retailers ne présenteront plus les produits « par type », mais en fonction de leur utilisation. La classification ne sera plus basée sur les exigences logistiques, mais sur les attentes du consommateur et/ou le moment d’achat. Car pourquoi les pâtes fraîches ne sont-elles pas disposées à proximité des pâtes sèches ? Pourquoi les légumes surgelés sont-ils si loin des légumes frais ?
De plus, l’aménagement du magasin ne sera plus fixe, mais évolutif. Et cela aura un impact sur la construction des supermarchés : pour son client Albert Heijn, le spécialiste Stamhuis a mis au point une méthode permettant de meubler ou de rénover entièrement un supermarché dans un délai record d’une semaine, grâce à une numérisation poussée de l’ensemble de la préparation.
Fusion des activités en ligne et hors ligne
On assistera également à l’apparition de technologies qui répondent aux nouveaux besoins des clients. Bien sûr, le smartphone donnera accès à toutes les informations possibles sur le produit : ingrédients, valeurs nutritionnelles, allergènes, matières premières, transformation, transport… jusqu’aux idées de recettes. Le supermarché de demain sera indissociable d’applications de données avancées : promotions personnalisées, tarification dynamique, ventes flash temporaires et ventes croisées intelligentes deviendront la nouvelle norme.
Au lieu de prendre les produits dans les rayons et de les mettre eux-mêmes dans leur caddie, les clients pourront utiliser leur smartphone pour scanner et payer tous les articles qu’ils souhaitent : leurs courses seront prêtes à la sortie peu après – ou livrées à domicile.
Les clients auront ainsi l’embarras du choix : ils pourront passer commande depuis leur sofa et se faire livrer à domicile, ou commander une partie de leurs courses à l’avance, le reste dans le magasin et se faire livrer le tout. Peut-être souhaitez-vous ainsi commander et vous faire livrer les aliments secs, mais vous rendre au magasin pour les produits frais, en en profitant pour faire le plein d’idées de recettes ? Ou passer en vitesse au magasin pour les articles que vous aviez oublié de commander et en profiter pour enlever toutes vos courses ? Tout est possible. Les achats en ligne et hors ligne fusionneront complètement.
Un « dark store » en pleine lumière
Pour ce faire, une partie de la surface du magasin sera transformée en « dark store », comme on appelle la plate-forme logistique à partir de laquelle les commandes en ligne sont préparées en un temps record, tant pour les clients qui viennent retirer leurs achats sur place (click & collect) que pour ceux qui se feront livrer à domicile dans la région.
Mais il sera judicieux d’éclairer correctement ce « dark store », voire de le doter d’une paroi vitrée, afin que les clients en train de faire leurs courses puissent voir comment leurs produits sont préparés. Une question de transparence…
Le comeback inattendu du marché 4.0
Le retailer pourra ensuite remplir l’espace commercial restant en fonction de ses ambitions et de son positionnement. Un restaurant instore où l’on préparera et servira « en direct » des plats réalisés à partir d’ingrédients provenant du rayon des produits frais mettra en valeur les produits frais et l’expertise du magasin. Un authentique marché du frais avec des fournisseurs locaux renforcera également les liens avec la communauté. Cours de cuisine, dégustations et ateliers sont des aimants à clients qui renforcent leur fidélité.
Des installations modulaires permettent de varier continuellement l’assortiment, de mettre sur pied des actions thématiques et de surprendre constamment les clients. Pour résumer : le marché revient au supermarché. Mais sous une forme numérique : le retail de demain est une plate-forme.
Durabilité
Il va sans dire que ce supermarché du futur établira également de nouvelles normes en termes de durabilité. Méthodes de construction passive et circulaire et neutralité énergétique, matériaux écologiques pour l’aménagement des magasins, refroidissement écologique, récupération des eaux de pluie, surveillance intelligente de tous les paramètres… relèvent désormais de l’évidence. Côté assortiment, une grande attention sera accordée au commerce équitable, au bio et aux filières courtes, avec une grande transparence concernant les fournisseurs.
Le supermarché du futur évitera donc les emballages superflus et luttera contre le gaspillage alimentaire en traitant intelligemment les invendus, en fixant intelligemment le prix des produits en fonction des dates de péremption, en établissant des partenariats ouverts avec des organisations caritatives et en faisant appel à des applications anti-gaspillage. Ce n’est qu’à cette condition que le food-retail sera prêt pour demain.
Un prototype de ce supermarché du futur ouvrira en France en 2022. Dans cette vidéo, Accenture et Le Projet Hope en donnent une première impression.
Cet article est basé sur un extrait du livre « The Future of Food » de Jorg Snoeck, fondateur de RetailDetail, et Stefan Van Rompaey, rédacteur en chef, qui sera publié par Lannoo Campus et Van Duuren Management fin septembre.