Le coronavirus a-t-il un impact sur l’approvisionnement des rayons d’alimentation dans les supermarchés ? De nombreux rapports contradictoires circulent à ce sujet. La réalité est manifestement plus complexe…
Fruits et légumes
Plusieurs médias ont publié des articles alarmants sur l’approvisionnement en denrées alimentaires ces dernières semaines. Les mesures prises pour lutter contre la propagation du coronavirus pèseraient ainsi sur la chaîne logistique de nombreux produits : des entreprises cessent temporairement leurs activités, l’absentéisme provoque des pénuries de personnel, le trafic aérien est pour ainsi dire à l’arrêt, les frontières sont fermées…
De manière générale, il n’y a aucune pénurie à craindre pour les produits à longue durée de vie : les stocks sont suffisants. Mais l’épidémie de coronavirus pourrait avoir un impact sur l’approvisionnement en produits frais dont la durée de conservation est plus réduite et pour lesquels, logiquement, il est pour ainsi dire impossible de constituer des stocks. Pensons au secteur de la pêche : la fermeture de l’horeca a provoqué un effondrement de la demande et donc des prix, et pour de nombreux pêcheurs, il n’est plus intéressant de prendre la mer dans les conditions actuelles. Le secteur de la viande – principalement une production nationale – est lui aussi confronté à un excédent d’animaux destinés à l’abattage en raison de l’affaiblissement de la demande, mais on n’y observe (encore) aucun problème d’approvisionnement.
Les mesures strictes et la pénurie de saisonniers dans le sud de l’Europe – en particulier en Espagne – pourrait mettre en péril une partie de la récolte et de l’approvisionnement en agrumes et en tomates ainsi que, bientôt, en nectarines et en pêches. L’approvisionnement est également compliqué pour les produits provenant de pays plus lointains. Certains petits fruits et légumes (litchis, figues, pois…) sont généralement transportés dans les soutes des avions de ligne, dont les vols sont largement suspendus.
Les kiwis arrivent
Pour l’instant, il n’y a guère lieu de s’inquiéter pour les produits qui arrivent en Europe par bateau : selon Sea-Invest, l’une des plus grandes sociétés de transbordement de fruits, les ports d’Anvers, d’Hambourg, de Rotterdam et de Zeebruges fonctionnent toujours normalement. « L’offre diminue parce que le lockdown rend la cueillette et le transport moins efficaces dans certains pays producteurs, mais nous travaillons à puissance, capacité et vitesse normales », explique le directeur Johan Claes à De Tijd. Le groupe ne voit aucun recul dans le traitement des pommes, des poires, des agrumes, des bananes, des ananas et des fruits à noyau. Le premier arrivage de kiwis de la saison en provenance de Nouvelle-Zélande est attendu lundi à Zeebruges, conformément au calendrier.
On n’observe aucune pénurie notable dans les supermarchés pour l’instant. Même si les fédérations professionnelles avaient tiré la sonnette d’alarme – affirmant le manque de travailleurs saisonniers d’Europe de l’Est entraverait la récolte d’asperges et de fraises, entre autres –, l’approvisionnement en produits locaux semble également se dérouler normalement pour l’instant. Les gouvernements belge, allemand et français, notamment, sont déjà intervenus en donnant aux chômeurs temporaires la possibilité de faire l’appoint. On ne s’attend pas non plus à une hausse des prix dans l’immédiat : en raison de la chute de la demande dans l’horeca, l’offre est largement suffisante. Dans de nombreux pays européens, les consommateurs sont donc appelés à acheter un maximum de fruits et légumes locaux.
Café et cacao
En revanche, les exportations vers des pays non européens s’avèrent problématiques. Les frontières sont fermées et la perturbation de la chaîne logistique provoque une pénurie de conteneurs frigorifiques. Le lockdown décrété en Inde empêche toute exportation de pommes et de poires vers ce pays. Les exportations de produits de pommes de terre surgelés sont également en net recul. Les entrepôts sont pleins, la production est à l’arrêt et les producteurs évaluent leur manque à gagner potentiel à 200 millions d’euros.
Le coronavirus pourrait également peser sur l’approvisionnement en certaines matières premières comme le café et le cacao. Les lockdown compliquent les livraisons et les prix augmentent, notamment parce que certains importateurs ont commencé à constituer des stocks par mesure de précaution. La nouvelle récolte de café en Amérique du Sud commencera à la fin du mois d’avril. Fairtrade Belgium a averti la semaine dernière que la chaîne d’approvisionnement du café était particulièrement vulnérable. Si la pandémie frappait sévèrement certaines régions d’Afrique subsaharienne et d’Amérique latine, les conséquences pourraient être majeures. La récolte est généralement assurée par de petites entreprises familiales, l’infrastructure et les soins de santé font défaut, et la maladie, les mesures de confinement, les difficultés de transport et la pénurie de conteneurs pourraient perturber l’approvisionnement. « Si nous ne faisons pas attention, nous risquons de devoir revenir à la chicorée à brève échéance », a déclaré Charles Snoeck (Fairtrade Belgium).