Les perspectives pour 2025 sont plus incertaines que jamais. Néanmoins, nous nous risquons à quelques prédictions audacieuses pour le secteur des biens de grande consommation, de l’inflation climatique à la manie TikTok en passant par la culture de la dupe.
1. L’« inflation climatique » semble inévitable
Malgré les âpres négociations en cours entre les supermarchés et les fournisseurs, personne ne doit se faire d’illusions : les prix continueront d’augmenter, même si ce n’est plus à deux chiffres.
Il suffit de faire l’addition : les conflits géopolitiques qui perturbent les chaînes d’approvisionnement, la menace de nouveaux droits de douane à l’importation, voire de guerres commerciales, le coût toujours plus élevé des salaires et de l’énergie, l’impact des réglementations européennes et les investissements nécessaires en matière de durabilité…
Sans parler des matières premières. Le café et le cacao, entre autres, deviennent presque inabordables et, même plus près de chez nous, nous ressentons les effets des mauvaises récoltes dues à des conditions météorologiques extrêmes : chaleur, sécheresse, inondations… L’« inflation climatique » est en train de devenir la nouvelle normalité.
2. Les consommateurs ont un comportement schizophrène
Les acheteurs restent attentifs aux coûts et aux promotions. Dans de nombreuses catégories, le prix promotionnel est désormais le nouveau prix régional et la réticence à acheter des marques de distributeur ou des marques de premier prix a disparu depuis longtemps.
Dans le même temps, ce même consommateur est également très sensible au battage médiatique, et le rôle des médias sociaux en général et de TikTok en particulier ne doit pas être sous-estimé. Lorsque les coopérations indiquent que 2024 a été la meilleure année pour les concombres, grâce à une simple recette de salade devenue virale… Pour les snacks super chauds (Takis) ou le chocolat Dubaï, le portefeuille s’ouvre en douceur. Un luxe abordable.
Voilà qui ouvre des perspectives aux fabricants créatifs : les acheteurs les plus radins peuvent en effet être séduits. Il faut donc innover. Objectivement, le pouvoir d’achat ne souffre guère, notamment en raison de l’indexation des salaires, et les gens finissent par s’habituer à ces prix élevés.
3. La technologie doit sauver les marges
Lorsque les marges sont sous pression, l’efficacité et la productivité doivent augmenter – mais en termes de charge de travail, tant dans les magasins que dans la logistique, les limites semblent vraiment plus qu’atteintes aujourd’hui. Il faut donc s’attendre à une augmentation du nombre de caisses automatiques dans les magasins et à la robotisation des centres de distribution. L’IA peut contribuer à la personnalisation, à l’optimisation des promotions et à la lutte contre les pertes alimentaires. Les applications modifient les règles du jeu en termes de fidélisation de la clientèle et offrent de nouvelles perspectives aux médias de vente au détail.
Et le commerce électronique ? Pour l’instant, le commerce en ligne ne contribue pas aux marges, mais il n’est pas possible de rester sur la touche. Les « pure players » comme Crisp et Picnic poursuivent leur croissance. Les détaillants développent des solutions pour une livraison et/ou une collecte plus rapide et plus efficace (pensez aux casiers réfrigérés dans les magasins) et un dernier kilomètre plus durable (vélos-cargos, crowdshipping).
4. L’expansion en veilleuse
Au sens propre comme au sens figuré, il y a de moins en moins de place pour ouvrir de nouveaux magasins. Pour la plupart des acteurs, il n’y a pratiquement plus d’espaces vierges en Belgique – sauf pour les nouveaux venus relatifs tels qu’Albert Heijn et Jumbo, ou dans les centres-villes en ce qui concerne Colruyt Group. Les procédures d’autorisation restent longues et incertaines, et les budgets d’investissement sont loin d’être infinis. Toutefois, les détaillants continuent d’investir dans l’amélioration et la modernisation des magasins existants.
Y a-t-il de la musique dans les acquisitions ? Un indépendant par-ci par-là : il peut y avoir des surprises dans le pipeline. Les questions concernant l’avenir de Delfood et Cora, les deux dernières parties du groupe Louis Delhaize, attendent des réponses. Il ne faut pas s’attendre dans l’immédiat à ce que d’autres filiales intégrées soient confiées à des opérateurs indépendants – pas à grande échelle en tout cas, peut-être chez Jumbo.
5. Commodité et santé, mais aussi plaisir
Comment l’assortiment évolue-t-il ? Après plusieurs années d’appauvrissement nécessaire, il deviendra peut-être un peu plus et un peu mieux, si l’on en juge par les nombreux nouveaux venus dans les rayons – en particulier chez les distributeurs comme Carrefour et Delhaize, qui préfèrent miser sur la différenciation plutôt que sur la concurrence par les prix. Quel sera le prochain engouement sur TikTok ?
Les produits sans alcool ont fait leur grande percée et continuent sur leur lancée, tout comme les aliments riches en protéines. Les aliments végétaux ont peut-être dépassé le stade de l’engouement, mais ils sont loin d’être en voie de disparition. La commodité est plus que jamais un impératif – voir, par exemple, le succès des box repas. Il en va de même pour la santé : attention, les champignons médicinaux font l’objet d’un engouement (bien que contesté). Le grand point d’interrogation à plus long terme est l’impact qu’une percée dans le domaine des médicaments contre le diabète et l’obésité pourrait avoir sur les ventes, en particulier pour les multinationales qui dépendent des aliments ultra-transformés et des snacks. Les confiseries – en particulier le chocolat – deviennent de toute façon beaucoup plus chères, ce qui pourrait les décourager.
Plusieurs observateurs s’attendent à un léger déclin des marques maison, qui ont connu une forte croissance ces dernières années. Mais c’est sans tenir compte de la « culture de la dupe » de la génération Z : pour les produits non alimentaires, les jeunes générations semblent ne voir aucun problème dans les versions moins chères – voire les imitations flagrantes – de produits de marque plus onéreux. Dans l’alimentaire aussi ?