Se focaliser sur le marché intérieur …
Tout ce remue-ménage a été provoqué par les analystes boursiers français d’ING, qui ont décidé de passer d’une recommandation ‘vendre’ à ‘conserver’ sur le titre Carrefour. Raison de cette recommandation : attendre de connaître la stratégie qu’adoptera Georges Plassat, qui en juillet, lors de l’assemblée générale du distributeur, occupera officiellement sa fonction de nouveau PDG.
Les analystes d’ING estiment que pour sauver Carrefour, le n° 2 mondial de la distribution devra réduire l’échelle de ses activités. A noter qu’il s’agit là d’un conseil d’ING, car Carrefour n’a rien communiqué en ce sens. Dans certains pays – toujours selon ING – la chaîne devra faire table rase, afin de se concentrer sur ce qui importe ‘vraiment’ pour le distributeur.
Car l’essentiel demeure le marché intérieur. La France avec un chiffre d’affaires d’environ 39,5 milliards d’euros (sur un total de 91,5 milliards d’euros) en 2011, représente encore 43,2% du chiffre d’affaires global du groupe et 39,6% du résultat d’exploitation. Alors où faut-il dégraisser ? Tant les analystes ING que le professeur Gino Van Ossel soulignent qu’il serait absurde de se retirer des marchés émergents tels la Chine et le Brésil. . Ils citent en première ligne l’Argentine, l’Italie, la Malaisie, la Pologne, la Roumanie, Taïwan et la Turquie.
… et se défaire du superflu
Vive émotion lorsqu’il s’avère que la Belgique figure parmi les pays à rayer. Notre pays est cité en deuxième ligne – donc moins menacé selon les analystes – avec la Grèce. Toutefois, selon le spécialiste de la distribution Chris Opdebeeck de MarketingMap, les choses n’en arriveront pas là. « Plassat va très certainement commencer par analyser la situation en profondeur, avant de prendre de telles décisions. »
D’autre part , lors de la communication des résultats semestriels au mois d’août, qui selon toute attente confirmeront la tendance à la baisse que Carrefour affiche depuis deux ans déjà, le nouveau PDG aura certainement une annonce à faire, et de préférence une annonce spectaculaire pour calmer les esprits des actionnaires mécontents. Carrefour devra sans conteste à nouveau changer de stratégie. Georges Plassat doit s’attendre à une tâche extrêmement lourde. Reste à savoir si la Belgique en payera les frais.
La Belgique remonte la pente
« La Belgique a déjà subi sa réorganisation. Il y a deux ans le distributeur a fermé les hypermarchés déficitaires et a mené de sérieuses restructurations. A présent Carrefour Belgique se porte bien mieux, » estime Gino Van Ossel, professeur à la Vlerick. « Après une série de 7 trimestres à croissance négative du chiffre d’affaires à périmètre constant, Carrefour a connu 4 trimestres à croissance positive. L’année 2011 dans son ensemble affichait une croissance positive des chiffres à périmètre comparable. Bien entendu la base de comparaison est faible après l’année catastrophe 2010, mais ce qui frappe c’est que l’on constate l’inverse chez son rival Delhaize, » explique Chris Opdebeeck.
En effet en 2011, Delhaize a vu pour la première depuis des années son chiffre d’affaires (à base comparable) évoluer en sens négatif, avec pour les deux premiers trimestres un statu quo et au troisième et quatrième trimestres respectivement -0,4% et -1,5%. « Le Français, Gérard Lavinay s’en sort assez bien à la barre de Carrefour Belgique, compte tenu des circonstances difficiles », conclut Jorg Snoeck de RetailDetail.
« Carrefour petit à petit remonte la pente dans notre pays. Ce qui en soi peut être positif si le siège central français décide de céder ses activités belges, mais toutefois c’est peu probable », selon Jorg Snoeck. Pour attirer des investisseurs, les possibilités de croissance sont insuffisantes. La possibilité qu’Ahold rachète Carrefour Belgique est elle aussi minime, s’accordent à dire OpdeBeeck et Van Ossel. Chris Opdebeeck évoque la barrière de la langue, alors que Van Ossel considère surtout les hypermarchés de l’enseigne comme un obstacle : « Ahold ne veut pas de grands magasins. »
La Belgique n’est pas la victime la plus plausible
Les experts en retail interrogés ont donc leurs doutes quant à la thèse émise par les analystes d’ING. « Cela ne signifie pas pour autant que leur rapport ne contient pas des éléments de vérité. Ces analystes observent le marché et connaissent les enjeux, » souligne Jorg Snoeck, fondateur de RetailDetail. Il n’est pas impossible que Carrefour fasse table rase dans certaines régions.
Ce ne serait pas la première fois que Carrefour se retire d’un pays. Pour ne citer que quelques exemples : en 2005 Carrefour s’implante en Algérie, pour en repartir quatre ans plus tard et pour se lancer ensuite au Maroc. En 2009 Carrefour fait un trait sur la Russie et l’Italie du Sud, tout en préparant durant la même période son retrait du Portugal – l’une des premières filiales étrangères du groupe.
Il ne serait donc nullement surprenant que Carrefour revoie ses activités internationales. Mais la Belgique ne semble pas la victime la plus plausible.
Traduit par Marie-Noëlle Masure