L’offre des private labels ne cesse de s’élargir. Nous avons demandé à Walter Gelens, CEO de la BABM – l’Association Belgo-Luxembourgeoise de Fabricants de produits de Marque – son sentiment sur cette évolution.
Déterminer l’assortiment
A quoi faut-il attribuer le succès des private labels?
Il résulte d’un ensemble de facteurs et on notera d’emblée qu’il existe d’importantes disparités selon les catégories de produits. Le succès des private labels tient au fait qu’ils investissent de plus en plus de catégories, avec à un positionnement toujours plus large. Au début, ils ne s’intéressaient qu’aux catégories dans lesquelles les marques A ne possédaient pas d’avance technologique insurmontable mais aujourd’hui, ils se posent en alternative dans pratiquement toutes les catégories avec, la plupart du temps, un pricing différencié.
Quelles parts de marché les private labels peuvent-ils atteindre?
Pour les marques, la double casquette des retailers est difficile à vivre: en tant que distributeurs, les retailers décident des marques qu’ils souhaitent reprendre dans leur assortiment mais en tant que fabricant, ils constituent eux-mêmes une partie parfois non négligeable dudit assortiment. Ils sont en position de force pour avantager ou, au contraire, désavantager les marques A dans certaines catégories au bénéfice de leurs propres MDD et cela alors que seules les marques A sont capables d’innover et d’assurer ainsi la croissance du marché. Un consommateur qui ne trouve pas ‘sa’ marque, choisit parfois une alternative.
Indispensables au trafic
Les private labels bénéficient-ils de l’augmentation des prix de l’alimentation?
Il ne s’agit pas d’une problématique spécifiquement belge étant donné que la plupart des prix sont ‘internationaux’. Ici encore, on observe des différences selon les catégories, par exemple sur les plans des ingrédients, des compositions, des recettes, etc. Ceci étant, l’écart entre private labels et marques A est plus important en Belgique qu’ailleurs. Le retailer, qui fixe le prix au détail, peut décider d’augmenter sa marge sur une marque A et la réduire sur la MDD correspondante, incitant ainsi le consommateur à changer.
Ce price gap ne risque-t-il pas devenir, à terme, insoutenable?
Il est bien plus faible aux Pays-Bas! Les coûts salariaux plus élevés en Belgique jouent évidemment un rôle mais, résultat des choix du retail, le ‘compromis’ sur le prix bénéficie la plupart du temps aux private labels. Face à cette situation, les marques A sont impuissantes mais souhaitent évidemment pouvoir évoluer dans un environnement plus équitable. Le fait qu’Aldi et Lidl incorporent des marques dans leurs assortiments démontre qu’ils en ont besoin pour générer du trafic. Il est clair que jouer la carte des marques A et de l’innovation permet de faire progresser le marché.
Un positionnement unique
Quel est l’impact des marques A chez Aldi et Lidl?
Les marques A ne sont pas étrangères aux bons résultats que Lidl a aligné ces dernières années. On ne s’étonnera donc pas qu’Aldi ait lui aussi décider d’inclure des marques A dans son assortiment, d’autant plus que le consommateur le souhaite. Bien sûr, le nombre de marques A est limité. Il n’y a rien de comparable avec les supermarchés classiques mais cela pourrait changer car, en distribuant des marques A, les discounters ont perdu (un peu) de ce qui faisait leur spécificité sur le marché de la distribution.
Faut-il s’alarmer de ce que Colruyt investisse tant sur sa marque Boni?
Chaque retailer doit définir ses stratégies et Colruyt reste fidèle aux siennes. Néanmoins, son folder “Le Festival des marques” montre clairement qu’il continue de miser sur les marques A. A moins qu’il ne s’agisse de montrer qu’il ne s’engage sur la voie risquée du ‘tout MDD’. Je pense que Colruyt se rendra rapidement compte du danger à ne commercialiser qu’une seule MDD dans toutes les catégories. Il lui appartient de trouver le juste équilibre pour préserver son positionnement unique, entre discounters et chaînes classiques.
La puissance d’innovation des marques
“Les MDD innovent dans les catégories où les marques A sont peu présentes” explique Walter Gelens. “En outre, certains fabricants travaillent pour des MDD et proposent donc certaines de leurs innovations par ce biais-là. Nonobstant, il est clair que l’innovation reste l’apanage des marques A. Malheureusement, le coût pour arriver jusqu’au rayon est terriblement élevé. De plus, il n’est pas évident – si pas impossible – de lancer une innovation sur tout le marché belge en même temps. La BABM exhorte les retailers à donner leurs chances aux innovations, seules capables de générer dynamisme et croissance en cette période difficile. Le prix n’est pas l’unique critère. La diversification permet aussi d’attirer des consommateurs intéressés par des innovations qu’ils ne trouveront pas ailleurs. Un bon équilibre entre marques A et private labels est possible si chacun reçoit une juste part à un juste prix.”