Les marques mondiales subissent de plus en plus la concurrence de petits acteurs locaux. Selon certains observateurs, l’âge d’or des marques est révolu. Une conclusion un peu prématurée peut-être, mais quelques tendances s’ébauchent néanmoins.
Ralentissement de la croissance depuis cinq ans déjà
C’était plus qu’une simple annotation dans le rapport ‘Brand Footprint’ que vient de publier le bureau d’étude Kantar Worldpanel : malgré d’indéniables avantages d’échelle les grandes marques mondiales du secteur FMCG continuent de perdre légèrement du terrain au profit des marques locales. Les analystes confirment ainsi une tendance qu’ils avaient déjà signalée en 2016 : les marques locales progressent plus rapidement que les marques multinationales.
Même constat dans le journal FD, qui titre sans équivoque « L’âge d’or des grandes marques est révolu ». Selon le journal, les grandes marques depuis cinq ans déjà parviennent difficilement à croître par leurs propres moyens. Des multinationales comme Unilever, Nestlé et Procter & Gamble voient filer des dizaines de milliards de chiffre d’affaires vers de plus petites marques. Quel est l’attrait de ces marques locales aux yeux des consommateurs ? Quels sont les facteurs qui mettent les grandes marques sous pression ?
1. La montée imparable des marques maison
Dans les marchés saturés en particulier, la forte croissance des marques maison a un impact direct sur le chiffre d’affaires des marques A. La montée des hard discounters y est pour beaucoup. Non seulement les MDD d’Aldi et Lidl chipent des parts de marché à leurs pendants de renom, mais en même temps elles maintiennent les prix au plus bas, d’où la difficulté pour les multinationales de compenser leur perte de volume par des hausses de prix.
2. On ne peut satisfaire tout le monde
La force des marques se traduit par leur capacité à attirer davantage de shoppers, tout en demandant un prix plus élevé. Mais à force de vouloir séduire toujours plus d’acheteurs, les marques en sont devenues ‘mainstream’. En voulant satisfaire le plus possible de consommateurs, elles ont fini par perdre leur caractère distinctif qui était à la base de leur succès initial. C’est ce que Kantar Worldpanel appelle « le paradoxe de la croissance ».
3. Plus rapide c’est mieux
Autre raison qui se situe dans le prolongement de la précédente : les petites marques locales sont par définition plus rapides et plus flexibles que les multinationales anti-risques. Elles sont plus proches de leurs consommateurs et sont donc en mesure de répondre plus rapidement à leurs besoins et comportements changeants. Leur ‘route to market’ est nettement plus courte. Dans un univers en pleine mutation, il n’importe plus tant d’être le plus grand, il faut être le plus rapide.
4. Le phénomène ‘hipster’
Pour un nombre grandissant de consommateurs la globalisation a une connotation péjorative. Aujourd’hui ils préfèrent être vus avec une Bionade ou un Fritz-kola plutôt qu’un Coke Light. Ils se rendent au bar à café local plutôt que chez Starbucks, qui de plus est dans le collimateur de l’Europe pour évasion fiscale. Tony’s Chocolonely mise sur la bienveillance du consommateur responsable en lui présentant une histoire durable, un emballage séduisant et une communication humoristique (qui chez bon nombre de multinationales ne passerait pas le ‘legal departement’)
5. Les retailers cherchent à se distinguer
Outre les consommateurs, les retailers eux aussi cherchent à éviter l’uniformité. Avec Coca-Cola et Colgate dans leurs rayons, ils ne peuvent se distinguer de leurs concurrents. Pire encore : ces grandes marques provoquent involontairement une guerre des prix qui ne profite à personne. C’est pourquoi les retailers se mettent en quête d’exclusivités, de produits du terroir authentiques ou de novateurs à petite échelle, qui contribueront à une image sympathique et généreront de meilleures marges.
6. La digitalisation réduit les obstacles
Par ailleurs ces novateurs n’ont pas besoin d’une lourde structure et de tonnes de capital pour positionner leur marque sur le marché. La production peut être externalisée, la communication via les réseaux sociaux ne coûte pas des fortunes, la distribution peut se faire via d’autres canaux que dans le grand méchant supermarché : il y a les plateformes d’e-commerce et les services d’abonnement, les commerces spécialisés, le ‘marché gris’ multicolore … . Aujourd’hui on peut facilement depuis son garage atteindre le monde entier.
La contre-attaque des marques
Affirmer que pour les marques multinationales la fin est en vue, serait évidemment fortement exagéré. Elles répondent de mieux en mieux aux tendances sur lesquelles surfent les petites marques. Ainsi les grandes marques prennent des participations dans des start-ups. Peu de consommateurs savent que le petit et sympathique Innocent Drinks appartient aujourd’hui à Coca-Cola. Unilever n’a pas lésiné sur les moyens pour acquérir Dollar Shave Club. De grands noms comme Nestlé, Unilever ou encore Reckitt Benckiser investissent dans la technologie blockchain, non seulement pour optimaliser leur logistique, mais également pour vendre en direct au consommateur. Le combat est loin d’être terminé.