Quoi de plus logique qu’Ahold Delhaize décide de couvrir le marché belge à l’aide de deux enseignes complémentaires. Ses projets ambitieux permettent également au groupe fusionné de relancer la bataille pour le leadership du marché.
Perfect match
Quoi qu’il en soit, les années de spéculation s’achèvent. Après la fusion, de nombreux observateurs pensaient qu’Albert Heijn n’aurait pas été capable de survivre à long terme aux côtés de Delhaize. Soutenir deux marques de magasins était une opération trop complexe et trop chère. De plus, les deux chaînes étaient sensées se nuire mutuellement – ce que Delhaize nie fermement. AH attire surtout une clientèle venant d’autres concurrents, pas tant les clients du numéro deux en Belgique. C’est la principale explication qui se cache derrière cette décision.
AH propose une gamme, une expérience et un ton très différents des autres grandes chaînes de supermarchés. Sans parler des promotions : la marque apporte réellement sa pierre à l’édifice sur le marché belge. Lors d’une interview récente, Frans Muller a une nouvelle fois confirmé la complémentarité des deux formules. Delhaize a une clientèle très fidèle qui privilégie l’expérience et la qualité, Albert Heijn est plus susceptible d’attirer les acheteurs soucieux des prix, les jeunes et les nouveaux Belges. ‘A perfect match’, pourrait-on dire. Et une stratégie multi-formats bien exécutée représente une force.
Pas de cadeaux
Nous ne sommes donc pas surpris. Il y a quelque temps déjà, on pouvait lire sur RetailDetail que la marque Albert Heijn ne disparaîtrait pas rapidement du marché belge. Et dans ses prédictions pour 2019, notre propre Jorg Snoeck a récemment formulé ceci : « Ahold Delhaize mise sur un ‘une-deux’ : AH continue dans notre pays en tant que discounter, tandis que Delhaize met en avant d’autres valeurs telles que l’écologie, le local, etc. » Le lion peut se maintenir au sommet du marché sans inquiétude, tandis qu’Appie aiguise les prix. C’est une position qui est plus confortable.
Cette nouvelle ne réjouit pas la concurrence – et certainement pas le leader du marché. Colruyt devra dès à présent faire face à un numéro deux qui agit en tant qu’un seul bloc puissant. Ahold Delhaize peut compter sur d’importantes économies d’échelle et prendra sans aucun doute encore d’autres mesures dans le domaine des achats. De plus, la stratégie d’expansion annoncée – exécutée par une équipe sous la direction de Delhaize – est intelligente. Le retailer peut définir la formule idéale pour chaque filiale, et ce en fonction du marché local. Grâce à Albert Heijn, le groupe dispose d’un discounter à la mode capable de s’attaquer à la garantie autrefois intouchable du prix le plus bas de Colruyt. Et les 350 nouveaux magasins qui se trouvent dans le pipeline (des espaces surtout plus restreints pour Delhaize, mais quand même) ne vont certainement pas faire diminuer la pression sur le marché belge. En termes de part de marché, le numéro deux talonne le premier. La bataille pour le leadership du marché bat à nouveau son plein.
Optimiser le parc des magasins
Pour l’instant, les deux formules conserveront chacune leur propre siège social ainsi que leur propre gestion commerciale, mais il est logique que la coopération s’intensifiera. Le fait que Delhaize sera en charge de la politique d’expansion est une nouvelle qui rassurera certainement les commerçants affiliés. Ils veulent rester à l’écart du fort développement d’AH. La question de savoir s’ils auront la possibilité d’exploiter eux-mêmes des magasins Albert Heijn n’est pas à l’ordre du jour actuellement, avons-nous appris.
Nous sommes curieux de savoir si l’équipe d’expansion transformera également les magasins Delhaize existants et moins performants en magasins Albert Heijn, du moins si la situation locale l’exige. Cette option a été récemment suggérée par une analyse de marché faite par LZ Retailytics et qui ne semble pas si stupide en soi. Cela permet au retailer d’optimiser davantage l’ensemble de son parc de magasins.
Pour terminer : la coopération renforcée entre Albert Heijn et Delhaize n’est pas une bonne nouvelle pour les autres concurrents, et certainement pas pour Jumbo. La marge de manœuvre sur le marché se réduit. Il existe déjà un fournisseur de prix hollandais en Belgique, et Delhaize s’oriente vers le marché alimentaire avec son dernier concept de supermarché. On peut dès lors se demander quel vide reste-t-il à combler sur le marché …