Le monde est en pleine transformation, Aldi aussi. Le retailer lance une campagne publicitaire, engage un directeur de communication ainsi qu’un porte-parole. Le harddiscount n’est plus ce qu’il était.
Un virage remarquable
Durant des décennies, l’ouverture ne faisait pas vraiment partie des caractéristiques d’Aldi. Le harddiscounter préférait la discrétion, n’avait pas de département relations publiques, ne donnait pas d’interviews et les communications ne concernaient que des sujets importants (comme notamment les produits et les rappels). Une gestion logique pour une organisation qui souhaitait surtout être lean & mean et qui concentrait tous ses moyens sur son core business : vendre de la qualité aux meilleurs prix.
Mais les temps changent. Vendredi dernier, le harddiscounter a envoyé son tout premier communiqué de presse par mail. Aldi Belgique semble avoir engagé un directeur marketing et communication ainsi qu’un porte-parole. La chaîne lance une campagne publicitaire nationale et met la qualité de ses propres marques à l’honneur grâce à des tests de goût comparatifs.
Un virage remarquable, même si ce n’est peut-être qu’une tempête dans un verre d’eau. Cela fait déjà quelque temps que le retailer montre des signes de changement. Pensez à l’expansion de l’assortiment de produits frais, le rafraîchissement du concept de magasin, l’introduction d’une gamme limitée de marques A, … Des évolutions que nous percevons également dans les magasins Aldi Nord dans d’autres pays – à ce propos, Aldi Belgique n’est pas des plus rapides mais ne pouvait pas non plus rester à la traîne. Il y a plusieurs raisons à cela.
Quatre raisons
Un : le harddiscount n’existe plus. Le modèle des années septante, avec un aménagement spartiate du magasin, un assortiment étroit et un niveau de service peu élevé, est plus que révolu. Les discounters sont devenus des supermarchés de quartier avantageux avec une gamme complète de produits. Les consommateurs n’acceptent plus les compromis, ils veulent profiter des meilleures affaires partout et à tout moment, ce qui est possible puisqu’il y a suffisamment de concurrence.
Deux : Lidl a fortement augmenté la pression. Le rival de toujours a quelques années d’avance grâce à son processus de transformation. Il parvient à jouer habilement avec les médias et dispose d’un budget publicitaire qui dépasse celui des ‘trois plus grands’. En tant que concurrent, Aldi ne peut continuer à ignorer ces faits. Il doit se battre pour attirer l’attention.
Trois : la croissance n’est plus une certitude. L’expansion n’est plus un moteur pour Aldi, le marché est largement couvert. Le progrès peut encore se faire par le biais de renouvellements de magasins (agrandissements de magasins), d’un assortiment optimalisé, (produits frais, marques A) et surtout par le fait d’attirer de nouveaux clients. Ce dernier point semble être l’objectif principal de la nouvelle campagne. Les clients fidèles d’Aldi connaissent la qualité des marques de distributeur, les nouveaux clients doivent encore se laisser convaincre.
Quatre : le consommateur s’attend à – non, exige – la transparence. Par ces temps numériques, une entreprise qui ne communique pas, se positionne involontairement comme non fiable et peu crédible. A ce niveau-là, Aldi Nord a également déjà fait de grandes avancées, notamment lors de la publication d’un rapport sur la gestion durable. Une politique de communication est une étape normale dans ce contexte-là. Même si, selon moi, il est peu probable qu’on aperçoive la direction d’Aldi toute souriante sur les couvertures de magazines et de journaux. L’ADN de marque ne va pas changer rapidement. Très convenable, correct et un peu ennuyeux : cela ne fait de mal à personne, finalement.
Cartes sur table
Par ailleurs, cela vaut la peine de consulter les résultats détaillés de l’étude qui se trouvent sur le site internet d’Aldi. L’étude concerne douze produits : certes pas vraiment un nombre très important. Ces produits semblent avoir été choisis avec soin : dans la plupart des cas, il s’agit de véritables porte-drapeaux d’Aldi que l’on compare avec des marques A qui, par hasard, ne se trouvent pas dans les rayons du discounter.
De plus, il n’existe pas ou que très peu de différences statistiquement significatives entre la marque d’Aldi et la marque A, semble-t-il. C’est d’ailleurs très compliqué, avec seulement 120 tests de goût par produit effectués à deux endroits différents : au plus l’échantillon est petit, au plus la marge d’erreur est importante, c’est aussi simple que cela (il y a longtemps, mais des cours de statistiques étaient inclus dans mes études).
Peu importe la relative importance de ce type d’enquête, Aldi joue bien réellement cartes sur table : l’entreprise mentionne explicitement le bureau d’étude de marchés, affiche les résultats détaillés, … Rien dans les poches, rien dans les mains. C’est tout à son honneur. Curieux de connaître la suite.