Un Français et une poignée de Néerlandais, sont-ils capables de faire ce que l’équipe directionnelle belge n’a pas réussi ces dernières années ? Le nouveau patron de Delhaize Belgique doit relever une quantité de défis. Nous en comptons au moins 7.
1. Gagner la confiance interne
Piesvaux est le premier candidat étranger et externe à prendre les commandes de l’organisation belge. Pas une mauvaise idée : il n’e sera pas gêné par des positions du passé et pourra se mettre au travail sans tabous. Même si on a l’impression qu’il devra surtout exécuter les ordres venant de Zaandam, avec Wouter Kolk aux commandes qui souhaite exporter en Belgique la recette à succès d’Albert Heijn. Ce qui est frappant : dans le communiqué de presse belge, on parle de Piesvaux en tant que CEO, et dans le communiqué du groupe Ahold Delhaize, il est question de ‘Brand President’.
Le Français a-t-il l’intention d’apprendre la langue néerlandaise ? Ce serait une première. De toute façon, il devra s’atteler à rehausser le moral des troupes. Plusieurs managers ont déjà quitté l’entreprise et la situation dans les magasins n’est pas au beau fixe. Les syndicats lancent quelques mises en garde dans la presse. Ils exigent que la concertation sociale soit respectée. Plusieurs journaux parlent de ‘différences culturelles’ mais cela ne devrait pas être un problème : les multinationales et les expatriés constituent la norme dans le domaine des FMCG.
2. Huiler la machine logistique
Tout le monde constate que l’approvisionnement des magasins laisse souvent à désirer. Le problème n’est pas nouveau. Il y a un manque de capacité en période de pointe, et ce malgré d’importants investissements faits dans les centres de distribution automatisés ces dernières années. Le nouveau centre de distribution à Ninove, qui sera opérationnel en début d’année prochaine, apportera probablement une partie de la solution. Pour une meilleure organisation de la chaîne d’approvisionnement, Piesvaux peut s’appuyer sur son expérience chez Walmart et sur l’expertise d’Albert Heijn, un précurseur européen dans ce domaine. Vu sous cet angle, ce défi sera peut-être le plus facile à relever.
3. Remettre les filiales sur la bonne voie
Les rayons vides dans beaucoup de supermarchés Delhaize sont dus à une logistique chancelante, mais également à la nouvelle organisation de travail dans les magasins intégrés – une sous-division du plan de transformation qui a beaucoup de difficultés à s’implanter. La mise en place dans les magasins est peu performante, mais les collaborateurs se plaignent de la pression de travail qui est en augmentation. D’autre part, les coûts salariaux pèsent sur la rentabilité. Le modèle Albert Heijn avec des étudiants jobistes très jeunes et peu onéreux n’est pas si facile à transposer. Les règlementations du travail et les syndicats mettent des bâtons dans les roues. Il n’existe pas de recettes miracles, peut-on craindre. Un problème difficile à résoudre.
4. Conserver une relation amicale avec les franchisés
Les magasins indépendants engendrent plus de la moitié du chiffre d’affaires chez Delhaize. Leurs résultats sont clairement meilleurs que ceux des filiales et ils investissent massivement dans leur avenir. Si l’organisation logistique devait à nouveau tourner à plein régime, les magasins affiliés seraient certainement moins critiques. Aujourd’hui, ils sont très insatisfaits des livraisons. Mais il y a davantage. Les franchisés espèrent une meilleure dynamique commerciale avec des actions marketing attrayantes, une communication promotionnelle et un assortiment qui surprend.
D’autre part, ils souhaitent également conserver un certain espace de jeu – c’est un facteur de succès de beaucoup d’entrepreneurs. Dick Boer a déjà annoncé que Delhaize sera obligé de renoncer à une part de liberté. Est-ce également le cas pour les magasins franchisés ? Chez Albert Heijn aux Pays-Bas, la discipline au sein de la formule est nettement plus sévère et les conflits sont souvent portés en justice. Un simple copy/paste à ce niveau-là, est-ce une bonne idée ?
5. Développer l’e-commerce
Dans un pays qui est déjà en retard au niveau du e-commerce, Delhaize ne se présente pas comme étant un précurseur. Le savoir-faire est pourtant présent au sein du groupe, chez Albert Heijn, Bol.com et Peapod. Il existe donc de nombreuses possibilités. Seulement : se lancer en ligne nécessite d’importants investissements qui ne sont rentables qu’à très long terme. Aujourd’hui, l’online du secteur alimentaire ne représente pas grand-chose, mais tout le monde est d’accord pour dire qu’un revirement arrivera un jour, et vous avez intérêt à être prêt. Il paraît qu’Ahold Delhaize a envoyé le Néerlandais Patrick Daniëls à Molenbeek pour y développer les activités online, à l’instar de ce qu’il avait réalisé chez ah.nl précédemment. Nous sommes curieux.
6. Persuader les fournisseurs
A cause d’un tel focus puissant sur les marques de distributeur et ses efforts frénétiques pour devenir plus compétitif au niveau des prix, Delhaize n’a pas augmenté sa popularité auprès des fabricants de marques. La fusion avec Ahold n’a pas amélioré la situation. Souvenez-vous des fameuses discussions à Breda où le groupe de fusion voulait arracher de meilleures conditions d’achat. A en juger la réputation d’Albert Heijn, un dégel n’est pas à l’ordre du jour.
Pourtant, Delhaize aura fortement besoin des fabricants de marques pour donner une nouvelle impulsion aux ventes. N’appliquer que des réductions de prix ne fera pas avancer la situation. Dans ce contexte, la question qui se pose est la suivante : comment les Néerlandais vont-ils aborder ce fameux facteur qui caractérise l’environnement concurrentiel spécifique au marché belge, notamment Colruyt. Pourrait provoquer des étincelles.
7. Convaincre le consommateur
Faire en sorte que Delhaize redevienne le magasin préféré des Belges, c’est ainsi qu’Ahold Delhaize l’a formulé dans un récent communiqué de presse. Telle est l’ambition. Ces quinze dernières années, le lion a perdu un peu de sa splendeur et aujourd’hui, les magasins préférés des Belges portent les noms de Colruyt, Aldi et Lidl.
Mais il faut bien préciser qu’à ce niveau-là, Denis Knoops qui quitte l’entreprise, a quand même ouvert la voie. L’opération de renouvellement des supermarchés est plutôt une réussite (même si on doit avouer que ce ne sont pas des standards révolutionnaires qui été mis en place), les choses bougent au niveau de l’assortiment (même si Delhaize n’est plus le précurseur qu’il était autrefois) et la dynamique commerciale s’est améliorée (même si les actions 1+1 coûtent des fortunes). Mais toutes ces initiatives bien intentionnées ne se reflètent pas encore dans une amélioration des chiffres ni dans une croissance de part de marché. Inverser un problème de perception exige du temps, beaucoup de temps. Du temps qui n’est pas vraiment disponible …