Selon l’expert en marketing Johan Hellemans de WPP, le positionnement de la marque Delhaize est toujours bon. Mais le détaillant fait-il le bon choix en voulant économiser sur la main-d’œuvre au lieu de miser pleinement sur la technologie ?
Distinction
Le conflit social né de la volonté de Delhaize de se séparer de ses 128 succursales donne lieu à de nombreuses analyses critiques des forces et des faiblesses du détaillant alimentaire, qui reste le numéro deux du marché belge. Selon Johan Hellemans de WPP Belgique, le positionnement de la marque Delhaize ne pose pas de problème. Le caractère distinctif est bon. Il se base sur les données du Brand Asset Valuator (BAV), l’instrument de mesure de WPP qui évalue les marques sur quatre piliers : la différenciation, la pertinence, l’appréciation et la connaissance.
Colruyt, Aldi, Lidl, Carrefour, Delhaize et Albert Heijn sont les marques de supermarchés les plus fortes en Flandre. Elles se situent en haut à droite de la « grille de puissance » du secteur de la distribution alimentaire : elles obtiennent les meilleurs résultats dans la combinaison de la pertinence et de la différenciation, d’une part, et du statut de la marque et de la familiarité, d’autre part. Les autres concurrents les suivent de très loin. Toutefois, les marques Colruyt, Delhaize et Albert Heijn ont perdu un peu de leur élan pendant la crise Covid, tandis que Carrefour et surtout Lidl ont légèrement progressé.
Les plus chers mais aussi les meilleurs
Delhaize se distingue, selon Hellemans : « La chaîne est en effet perçue comme plus chère, mais aussi comme la meilleure en termes de qualité. De ce point de vue, elle s’en sort bien. Chez Makro, par exemple, le rapport qualité-prix était complètement faussé. C’est la même chose chez Spar, je retiens mon souffle. Mais Delhaize, lui, en est là. Du moins, c’était le cas à la fin de l’année 2021. Nous verrons ce que l’année de crise 2022 apportera : il est possible que Delhaize ait subi une pression plus forte à ce moment-là. Nous attendons ces résultats d’ici l’été. »
Colruyt, Aldi, Albert Heijn et Lidl obtiennent de meilleurs résultats sur le critère du « rapport qualité-prix ». C’est en partie pour cette raison que Delhaize souhaite améliorer son positionnement en matière de prix. De cette manière, le détaillant alimentaire veut aussi mieux se différencier de Carrefour. Mais Delhaize doit-il vraiment jouer la carte des prix ? C’est un exercice difficile : à long terme, cela pourrait nuire à l’image de la marque.
« La numérisation du magasin n’a pas encore commencé »
La question clé, selon M. Hellemans, est de savoir si le détaillant fait les bons choix en franchisant ses magasins. « À court terme, Delhaize veut profiter de la flexibilité et de l’économie de 24 heures. Je comprends cela : si votre concurrent est ouvert le dimanche et que vous ne l’êtes pas, vous avez un problème. Mais à plus long terme, il se peut que vous ne construisiez pas votre position stratégique et votre avantage concurrentiel principalement sur la main-d’œuvre, mais sur la technologie. Dans ce domaine, il y a encore beaucoup à faire dans les magasins, en amont… »
M. Hellemans fait la comparaison avec l’industrie automobile : une voiture d’aujourd’hui, avec ses écrans tactiles, sa conduite assistée, sa connectivité… offre une expérience complètement différente de celle d’une voiture d’il y a 15 ans. « Mais lorsque j’entre dans un magasin Delhaize aujourd’hui, l’expérience n’est pas radicalement différente de celle d’il y a 15 ans. Tout au plus, il semble un peu plus moderne. La véritable numérisation du magasin n’a pas encore commencé. Je me pose alors la question suivante : si je veux numériser mon réseau de magasins, ne serait-il pas préférable de le faire lorsque je possède tous ces magasins, au lieu de négocier séparément avec chaque franchisé ? Après tout, toutes ces innovations technologiques visant à améliorer l’expérience d’achat nécessitent de gros investissements. »
« Les gens oublient facilement »
En tant qu’expert en publicité, comment WPP perçoit-il la crise actuelle chez Delhaize, avec les grèves prolongées et le débat public qui s’annonce ? Quelle est l’importance du risque d’atteinte permanente à l’image de marque du détaillant ? « Si l’entreprise peut revenir à plein régime après la crise et offrir la même qualité et le même service, je pense qu’elle digérera rapidement la crise. Les gens oublient vite. Nous parlons ici d’une marque de premier plan. Dans le passé, les grandes crises qui ont touché des marques connues comme Renault ou Coca-Cola se sont également rapidement dissipées. »
Selon lui, le fait que les réactions au plan Delhaize soient si prononcées s’explique en grande partie par le fait que les gens se sentent fortement liés au secteur des supermarchés. Après tout, nous faisons nos courses toutes les semaines, voire tous les jours. « Mais les marques qui traversent un tel conflit social ont préparé leur plan et se sont dotées d’un trésor de guerre. Elles connaîtront une période de ralentissement, mais elles reviendront rapidement à la normale. »
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