Nécessité d’un centre de distribution belge
Lorsqu’en 2011 Albert Heijn a ouvert ses premiers magasins en Belgique, Ahold n’a jamais caché son intention d’approvisionner les magasins depuis les centres logistiques existants aux Pays-Bas, leur capacité étant largement suffisante pour envoyer des camions au-delà de la frontière.
Or aujourd’hui Ahold cache son jeu lorsqu’il s’agit de l’extension de son réseau online vers la Belgique en 2015. Le retailer ne veut rien dévoiler sur la manière dont il livrera les commandes online en Belgique, car comme l’indique le responsable de la communication Tim van der Zanden : « Le marché en ligne est un marché très concurrentiel. »
On pourrait croire qu’Albert Heijn pour son implantation online en Belgique suivra une stratégie similaire à celle adoptée lors du développement de son réseau de magasins physiques et que dès lors l’e-fulfilment vers la Belgique se fera depuis les trois ‘home shop centers’ existants aux Pays-Bas. Mais dans la pratique l’opération pourrait prendre une tout autre tournure.
Etant donné qu’à partir de l’année prochaine Albert Heijn Belgique se profilera en tant que retailer omnichannel, le besoin d’une structure logistique locale finira par s’imposer comme une nécessité. Si Albert Heijn réalise l’objectif qu’il s’était fixé – atteindre le cap des 50 magasins d’ici 2016 – et si AH souhaite mettre en place un service de livraison à domicile, ainsi qu’un réseau de points de retrait, un centre de distribution intégré en Belgique – avec un système de préparation de commandes automatisé tant pour les commandes des magasins que les commandes online – sera un facteur de réussite incontournable.
Davantage de concurrence online pour AH en Belgique
En parlant de « marché très concurrentiel » Van der Zanden fait référence avant tout au marché belge des commandes en ligne de denrées alimentaires : en effet dans ce domaine la concurrence pour Albert Heijn sera plus assidue en Belgique qu’aux Pays-Bas, où Ahold depuis des décennies est pionnier en la matière et où une réelle concurrence online ne s’est installée que depuis 2013.
En Belgique par contre la situation est différente. Dès 2000 Colruyt a lancé la formule Collect & Go, qui compte actuellement 155 points de retrait, un réseau que Colruyt compte d’ailleurs élargir à l’avenir. Les deux autres grands acteurs online en Belgique sont Delhaize (avec 119 points de retrait Delhaize Direct) et Carrefour (avec 60 points de retrait adossés à un supermarché et un point de retrait ‘solo’).
Alors que Delhaize a opté pour un centre de distribution réservé spécifiquement aux commandes online, Carrefour continue de préparer les commandes depuis ses magasins. Le seul ‘Drive Solo’ de Carrefour possède son propre entrepôt d’une capacité de 7500 articles.
Albert Heijn prélève 405 articles par heure
Aux Pays-Bas Albert Heijn a plusieurs longueurs d’avance sur la concurrence : des investissements permanents ont permis de développer une chaîne d’approvisionnement opérant depuis trois ‘home shop centers’, qui au niveau du service, à savoir la disponibilité des articles et les délais de livraison, obtient des scores de satisfaction allant de 98 à 99%.
Ce lundi, lors du Aholds Online Strategy Event à Utrecht, Adriaan Thierry, responsable du ‘omnichannel marketing & format’ chez Albert Heijn, évoquait devant un public d’analystes et d’investisseurs quelques chiffres concrets pour illustrer l’efficacité du système néerlandais : le nombre d’articles prélevés par heure aurait augmenté de 326 en 2012 à 405 aujourd’hui, alors que l’assortiment online durant cette même période est passé de 9.000 articles en 2012 à 25.000 aujourd’hui !
Investir dans la croissance
L’opération online d’Albert Heijn en Belgique est déjà programmée. D’ici peu les retailers belges auront donc affaire à un nouveau concurrent online bénéficiant d’une riche expérience en matière ‘d’online operational excellence’. « Grâce à notre longue expérience, l’online est devenu rentable », explique Van der Zanden, « mais étant donné que nous voulons croître annuellement de 20 à 25% jusqu’en 2017, nous devons investir dans la croissance. C’est pourquoi pour l’instant l’online reste déficitaire. »
Durant la période 2015-2017 Ahold compte investir 60 millions d’euros dans ses activités d’e-commerce, ce qui bien entendu impactera le rendement online. Selon Dick Boer, CEO de Ahold, les 2 à 3% de bénéfice opérationnel (ebitda) réalisés cette année par Ahold via ses livraisons à domicile par Albert Heijn aux Pays-Bas et par Peapod aux USA, ont été anéantis et transformés en une perte d’environ 2% lors de la prise en compte des investissements dans les chiffres.
En Belgique la livraison à domicile est chère
Les retailers belges ont toujours découragé les livraisons à domicile et ne jurent que par le modèle des points d’enlèvement pour le retrait des commandes online de produits alimentaires. De plus pour toute commande inférieure à 150 euros le client lors de l’enlèvement paie une contribution de 5,50 euros chez Colruyt et de 4,50 euros chez Delhaize et Carrefour. A titre comparatif : chez Albert Heijn les frais de service varient de 1 euro aux moments creux à 3,50 euros lors des moments de pointe . Pour une commande de 70 euros le client bénéficie même d’une réduction d’un euro.
Et pour les livraisons à domicile les tarifs belges sont énormes : en ce moment Carrefour a lancé un projet pilote avec bpost où le client pour une livraison à domicile doit débourser 9,90 euros de frais. Chez Delhaize le tarif est dégressif d’après le montant de la commande : 9 euros pour une livraison à domicile d’une commande d’un montant inférieur à 100 euros, 7 euros pour des commandes entre 100 et 150 euros et 5 euros pour les commandes de 151 à 299 euros. Pour toute commande dépassant les 300 euros, la livraison est gratuite. Colruyt pour sa part ne propose pas ce service.
AH.be veut se distinguer par la livraison à domicile
AH.nl applique également des frais de service échelonnés, allant de 4,95 euros à 12,95 euros. Pour une commande supérieure à 100 euros le client bénéficie d’une réduction d’un euro. La grande différence avec ses concurrents est qu’Albert Heijn s’est construit une solide expérience en matière de livraison à domicile, domaine dans lequel Albert Heijn pourrait donc se distinguer en Belgique. Un filon que le retailer néerlandais pourrait exploiter de manière rentable grâce à un e-fulfilment efficace.
« Etant donné que nous opérons sur des marchés urbains très peuplés, la livraison à domicile est rentable », explique Hanneke Faber, chief commercial officer, tout en ajoutant que Ahold est bien conscient du fait que les clients sont de plus en plus réticents à payer des frais de livraison, surtout pour des produits non-food .
Pour le segment food par contre les clients acceptent plus facilement les frais de service, mais là encore Albert Heijn pourra mettre la concurrence sous pression – tant pour l’enlèvement de commandes que pour la livraison à domicile – lorsque les volumes online augmenteront et que les avantages de coûts qui en découleront pourront se traduire par une réduction des frais de service.
D’ici 2020 Ahold s’attend à ce que les ventes online du segment food, tant aux Pays-Bas qu’en Belgique, représentent 4 à 5% du chiffre d’affaires. Et AH.be pourrait bien s’accaparer une grande part de ce gâteau online.