Stefaan Le Clair, managing director chez Berenike Global Fashion Management, a assisté au World Retail Congress Asia 2013 et a été stupéfait par tout ce qu’il y a vu et entendu. Lors de l’avant-programme de GfK “E-commerce: Why switch” qui aura lieu le jeudi 25 avril 2013 dans le cadre du Congrès RetailDetail, il nous expliquera entre autres pourquoi l’omnichannel est incontournable et comment les consommateurs changent à la ‘vitesse grand V’.
Omnichannel : nous devons dépasser le multichannel
Le monde est un village. C’est une boutade répétée à outrance depuis des décennies, mais qui est bel et bien devenue une réalité aujourd’hui. Grâce à la digitalisation, le consommateur d’aujourd’hui peut acheter sans problèmes des livres aux Etats-Unis, du maquillage en Chine et de l’électronique à Singapour. Une semaine plus tard, tout ceci lui est soigneusement livré à domicile.
Et, selon Stefaan Le Clair, cette tendance ne cessera de s’intensifier, car elle s’inscrit dans l’évolution du multichannel vers l’omnichannel. Le consommateur ne se soucie ni de la provenance des produits, ni du canal d’achat. Ce qui compte pour lui, c’est que l’on réponde à sa demande de façon efficace et aimable.
Contrairement à l’approche multichannel ou crosschannel, où le retailer privilégie le produit et de ce fait, met plusieurs canaux à disposition du client, dans l’omnichannel, par contre tout tourne autour du client.
« Les deux facteurs qui restent inchangés et qui le resteront toujours, ce sont le client et la satisfaction des besoins. Ce qui est en train de changer, c’est la manière dont les stimulants atteignent le client, la façon de canaliser ces stimulants », estime Le Clair.
Comment arriver à contrôler le monstre ?
Il est évident qu’une telle approche crée un certain nombre de défis, dont le premier est celui de la logistique. La grande complexité de l’omnichannel, est de pouvoir superviser en temps réel ce que l’on a à offrir au client, que ce soit dans le catalogue, sur sa place de marché virtuelle ou dans son magasin physique. Si le client souhaite un produit, comment s’organiser pour subvenir à ce besoin, voilà la question essentielle qu’il faut se poser.
De plus en plus de retailers progressistes, principalement en Orient selon Stefaan Le Clair, se tournent vers une stratégie centralisée. Le Nouveau Monde préfère regrouper le plus possible sous un même toit, plutôt que d’ouvrir des centres de distribution décentralisés de-ci de-là. Ainsi, Rakuten, un retailer en ligne japonais très ambitieux au niveau mondial, qui a ouvert un webshop allemand il y a quelques mois, livre les marchandises pour la Belgique et les Pays-Bas au départ du Japon.
De même pour la chaîne française de cosmétiques Sephora, qui a choisi de centraliser à Shanghai la distribution mondiale de son business online. Peu importe d’où provient la commande, le colis partira de Chine.
Peut-être cette stratégie ‘tout sous le même toit’ est-elle effectivement la bonne solution pour bien gérer l’omnichannel, estime Stefaan Le Clair : « En Europe, nos idées quasi féodales sont dépassées : plus besoin d’avoir des forteresses (concrètement un centre de distribution ou ‘hub’) un peu partout pour couvrir le territoire. Nous devons abandonner cette idée.”
Au contraire, selon lui, l’information ‘en temps réel’ est l’élément-clé de l’omnichannel : savoir ce qu’on a à offrir au client et ce que le client souhaite aujourd’hui. Plus on se disperse à différents endroits, plus le flux de données sera complexe. La grande question à l’heure actuelle est de savoir comment contrôler ce monstre gigantesque qu’est le retail mondial avec ses innombrables canaux. « Comment arriver à contrôler la totalité du flux d’information pour pouvoir répondre aux demandes du client, mais également pour apprendre à connaître le client à travers les différents médias et canaux ? »
Le retail devient une science
Malheureusement, nous n’avons pas encore à l’heure actuelle de réponses concluantes à cette question, admet Stefaan Le Clair. « L’omnichannel est un livre qui est en train de s’écrire par un grand nombre de personnes dans le monde entier. Tous les jours, les pages se remplissent. Il n’existe pas encore de directives, pas de ‘best practice’. Personne ne contrôle encore parfaitement le processus, mais chacun apporte sa contribution pour compléter le puzzle. »
Par contre, certaines entreprises ont déjà une longueur – voire même plusieurs longueurs – d’avance. Prenez par exemple la chaîne américaine de supermarchés Macy’s. Jeannet Grove, ancienne présidente de Macy’s, a confié à Stefaan Le Clair que cela faisait déjà plus de huit ans que Macy’s avait franchi le pas vers l’omnichannel, bien que ce terme n’existait pas encore à l’époque.
Aujourd’hui, ils ont pris une telle avance qu’ils disposent d’ un réel ‘track&trace’ de leurs clients : ils parviennent déjà relativement bien à visualiser la façon dont le client parcourt les différents canaux. Mais ce n’est pas encore parfait.
Il est important de réaliser qu’aujourd’hui – et ce malgré les nombreuses questions et les innombrables défis – un point de non-retour a été franchi. Il s’agit d’une ‘nouvelle normalité’, comme le confirmera également Peter Hinssen lors du Congrès RetailDetail. L’omnichannel est en passe de devenir la norme. Et les incrédules s’en rendront compte bien assez tôt.
Ainsi, le retail deviendra une science. L’émotion et l’intuition continueront bien entendu à jouer un rôle, car le client est un être émotionnel, mais tout devra être fondé sur des données et des faits. Plus que jamais, le retailer devra être certain d’offrir le message et le produit appropriés pour chaque client.
Fini les structures cloisonnées
De plus, l’omnichannel n’est pas uniquement une question de technique et de logistique. L’aspect humaine joue également un rôle important. Stefaan Le Clair est persuadé que les organisations et les structures devront s’adapter pour répondre de façon adéquate à cette nouvelle demande : la structure cloisonnée traditionnelle d’une organisation (avec notamment des départements marketing, vente et financier bien distincts) devra radicalement changer.
« Nous nous dirigeons vers un modèle d’intégration interne : il faudra créer des plateformes regroupant les spécialités au lieu de les séparer. La manière de gérer les entreprises changera complètement. Les livres de management devront être réécrits », affirme le conseiller en retail.
Même les petits peuvent participer
Le Clair dément également le mythe selon lequel l’avenir appartient uniquement aux grands acteurs. Selon lui, les petits acteurs peuvent eux aussi participer au mouvement. « Ils ne doivent pas nécessairement créer tout un environnement omnichannel, mais ils devront par contre se lancer dans le multichannel. Ils devront communiquer différemment avec leurs clients : il ne suffira plus d’ accueillir les clients avec le sourire dans le magasin, mais il faudra également s’adresser à eux via d’autres médias. »
Comment procéder concrètement ? En recréant sur d’autres médias cette même atmosphère qui règne dans le magasin, par exemple sur le site internet. « Même avec des outils très simples, il y a d’énormes possibilités, Il n’est même pas nécessaire d’y faire de la vente. L’objectif est d’inspirer, d’attirer le client et de se différencier des concurrents. »
‘E-commerce: why switch?’ est un avant-programme du Congrès Retaildetail qui aura lieu le jeudi 25 avril au San Marco Village à Schelle. Découvrez ici la totalité du programme et inscrivez-vous via www.retaildetailcongres.be.
Traduction : Laure Jacobs