Les pharmacies se tournent de plus en plus vers la vente au détail, mais elles luttent pour leur rentabilité. Le nombre de succursales ne diminue que lentement et la consolidation se fait attendre : quelques grandes chaînes sont au point mort. Attendent-elles une nouvelle législation ?
Une législation stricte
Avec 43 pharmacies pour 100 000 habitants, bien au-dessus de la moyenne européenne de 31 pharmacies pour 100 000 habitants, la Belgique se classe en neuvième position en Europe. En septembre 2020, Karolien Sottiaux, du spécialiste du géomarketing Sirius Insight, a compté 5 044 pharmacies en Belgique, sur lesquelles environ 4 800 sont ouvertes au public. En trois ans, seules 69 pharmacies ont mis la clé sous la porte (-1,3 %). En outre, le nombre de pharmacies temporairement fermées est en forte augmentation : on en comptait 170 en 2017, contre 247 en 2020 (+45 %).
Cela s’explique par la législation stricte régissant l’ouverture d’une pharmacie. « On ne peut plus ouvrir de nouvelles pharmacies en Belgique : il faut reprendre les numéros INAMI de pharmaciens en activité et délocaliser ou fusionner les pharmacies. En plus de cela, il faut satisfaire de nombreux critères », explique Karolien Sottiaux. Ce sont des processus compliqués : les échéances peuvent varier de six mois à plusieurs années. « Il faut pouvoir démontrer qu’une telle délocalisation conduit à une meilleure répartition démographique ou géographique, par exemple. »
« Temporairement fermées »
C’est pourquoi le résultat du comptage révèle un grand nombre de pharmacies « temporairement fermées » : « Ce sont par exemple des pharmaciens âgés qui arrêtent de travailler et qui veulent vendre leur numéro, ce qui peut leur rapporter beaucoup d’argent. D’autre part, on constate que des groupes ou des chaînes ferment provisoirement leurs pharmacies moins rentables en attendant de les délocaliser ou de les fusionner. Une fusion permet de se protéger sur dix ans : aucun concurrent ne peut venir s’installer à proximité. »
À terme, le législateur souhaite sensiblement réduire le nombre de pharmacies en encourageant les fusions, afin d’étendre la portée de toutes les pharmacies. Un amendement de la loi originale, datant de 1973, est envisagé depuis un certain temps déjà, mais le dossier piétine. « Le nombre de fusions spontanées est pour l’instant limité. Nous pensons que les pharmaciens et les chaînes attendent l’entrée en vigueur de cette nouvelle législation avant de faire évoluer ce panorama. Il ne sera alors plus possible de se délocaliser sans passer par une fusion. Ce sera dès lors inévitable. »
Deux acteurs en progression
Multipharma est la plus grande chaîne de pharmacies en Belgique, avec 260 succursales. Ce chiffre est en légère baisse. Le nombre de pharmacies diminue également légèrement chez LloydsPharma (environ 100 succursales). Chez EPC Familia en Wallonie (également une centaine de pharmacies), COOP Apotheken (45 pharmacies en Flandre) et Pharma Santé (42), les chiffres restent stables. « Ces chaînes fermeront sans doute des pharmacies non rentables et rechercheront des emplacements plus intéressants par le biais de fusions. Nous voyons un marché en quête d’une meilleure rentabilité. Nous voyons également plusieurs acteurs passer à la vente en ligne. Environ 24 % des ménages belges achètent déjà des médicaments sans ordonnance en ligne. L’intérêt est donc réel. »
En Belgique, seuls deux acteurs enregistrent véritablement une progression : Surplus Gezondheid, connu pour son enseigne Goed (plus de 90 succursales), et Medi-Market, la chaîne ambitieuse qui ouvre tant de « vraies » pharmacies que des parapharmacies, d’ailleurs souvent combinées. « En 2017, ils n’avaient que cinq pharmacies, aujourd’hui ils comptent 50 parapharmacies et 21 pharmacies. »
Manque de rentabilité
C’est surtout dans les centres-villes que les pharmaciens sont souvent confrontés à des problèmes de rentabilité, à cause de la concurrence rude. Liège, par exemple, est une zone rouge : peu de pharmacies ont un bon potentiel client. Les perspectives ne sont pas plus roses à Charleroi, Bruxelles et Huy, où la densité est toujours supérieure à 6 pharmacies pour 10 000 habitants. 41 % de l’ensemble des pharmacies ont un potentiel client inférieur à 2 100 clients, trop peu pour être vraiment rentable. En Wallonie, elles sont même 52 %.
La mentalité du secteur évolue progressivement, reconnaît Sottiaux. Les pharmaciens deviennent également de plus en plus des détaillants, avec une gamme de produits plus large et une véritable expérience client. Ils recherchent des emplacements intéressants, de préférence à proximité d’une activité commerciale. La présence d’un cabinet médical dans le quartier est également un atout. « Ils sont également plus nombreux à nous demander conseil : que dois-je vendre dans ma pharmacie, que dois-je mettre en vitrine ? En recoupant notre segmentation de la population avec les données clients, nous pouvons mesurer l’intérêt pour des catégories de produits spécifiques. »
Nombre de pharmacies par 10 000 habitants :