Dans le secteur des soins de beauté, l’e-commerce est le seul canal qui va continuer à se développer, prévoit McKinsey, En cause : les médias sociaux et la tendance au livestreaming importée de Chine. La pression concurrentielle s’accroît entre les marques.
Les cosmétiques sont idéaux pour l’e-commerce
Le secteur des soins de beauté amorce un redressement prudent après la pandémie. Les ventes mondiales ont diminué de 15% en 2020, mais McKinsey prévoit une croissance de 13% pour 2021. Toutefois, le secteur ne retrouvera le niveau d’avant la pandémie qu’en 2022. C’est logique, puisque rester à la maison offre moins d’occasions de se maquiller. La demande de produits de soins personnels est en revanche en forte hausse : les produits de soins de la peau sont ceux qui enregistrent la croissance la plus rapide et le resteront pour le moment.
Dans son rapport annuel sur l’état de la mode, McKinsey s’intéresse de plus près aux produits de beauté. Dans les soins pour la peau, le consultant prévoit une croissance de 22% pour 2021 et de 10% en 2022. En 2024, les soins de la peau pourraient représenter 34% du marché mondial de la beauté. Avantage : la catégorie ne dépend pas des tests en magasin et se prête bien aux ventes en ligne.
Le luxe quitte sa tour d’ivoire
La concurrence continue de s’intensifier dans toutes les catégories, notamment dans le segment du luxe. L’enjeu est de taille, car les produits de beauté représentent par exemple un tiers du chiffre d’affaires de Chanel. Les maisons de luxe continuent donc à développer leur gamme de produits de beauté : Valentino a par exemple lancé sa propre ligne en 2021. Le segment haut de gamme a été plus lourdement impacté par les confinements que les produits de grande consommation plus faciles à obtenir en ligne et moins centrés sur le maquillage, mais McKinsey prévoit une croissance annuelle de 13% d’ici 2024. Le marché du luxe pèse déjà 115 milliards de dollars, soit environ un quart du marché total de la beauté.
Mais pour séduire une clientèle suffisamment vaste, les maisons de luxe devront se défaire de leur image d’exclusivité et devenir plus accessibles. Les consommateurs actuels attendent une conversation bidirectionnelle : les marques « direct-to-consumer » comme Glossier et Drunk Elephant doivent leur succès à leur approche « communautaire ». Les clients sont impliqués et participent au processus de co-création. Les maisons de luxe devront donc elles aussi quitter leur tour d’ivoire et créer de véritables communautés, organiser des événements virtuels ou non et demander des réactions.
Première évidence : les consommateurs souhaitent de la « clean beauty ». Conjointement à l’émergence de jeunes marques qui proposent des produits sûrs, naturels et souvent végans, les acteurs traditionnels élargissent également leurs assortiments pour répondre à la demande. La boutique emblématique de Sephora sur les Champs Élysées consacre désormais une salle entière à la « beauté propre ».
Moitié des ventes en ligne
La principale tendance dans le secteur des produits de beauté est la numérisation. L’e-commerce ne cesse de ravir des parts de marché aux magasins physiques. Les ventes en ligne représenteront 23% du chiffre d’affaires total du secteur en 2022 et deviendront le canal le plus important en 2024. En Chine, pays pionnier en matière de numérisation, McKinsey prévoit que plus de la moitié des ventes se feront en ligne en 2023. L’Oréal souhaite également réaliser la moitié de ses ventes par voie numérique à terme.
Remarquons d’ailleurs que le « numérique » ne se limite pas aux webshops. Les canaux de vente numériques sont très diversifiés : les médias sociaux – de TikTok et Instagram à WeChat – sont en pleine expansion, les market places comme Amazon sont très présentes et les sites ou applications de marques ou de distributeurs traditionnels n’arrivent qu’en dernière position. Le secteur des cosmétiques est parfaitement adapté au social shopping. Les consommateurs sont déjà familiarisés avec les tutoriels de beauté en ligne et, en Chine, les marques qui surfent sur la popularité du shopping social affichent des taux de croissance étonnants.
Shopping social
La moitié des utilisateurs de TikTok aux États-Unis ont déjà acheté quelque chose sur la plateforme et la majorité des membres de la génération Z et des millenials outre-Atlantique préfèrent déjà découvrir des produits de beauté via les médias sociaux. Les achats sur les médias sociaux vont donc également se développer en Occident, même si le marché y reste plus fragmenté et ne dispose pas d’options de paiement conviviales et transparentes.
L’absence d’une culture du livestreaming en Occident impose également aux marques d’élaborer de nouvelles stratégies pour attirer les clients. « Le contenu va gagner en importance, et les marques devront fournir un contenu “shoppable” pertinent et divertissant, combiné à une logistique e-commerce sans faille », conclut le rapport.
La numérisation n’implique pas la disparition des magasins. Les tests physiques conservent une grande valeur ajoutée, en particulier pour le maquillage. Le plaisir des essais personnels et l’expérience du shopping physique demeurent. Mais ces magasins sont voués à jouer un rôle différent, moins dominant. À long terme, McKinsey s’attend à ce qu’à l’exception du « travel retail », tous les canaux non numériques conservent au mieux leur part de marché, et que la plupart d’entre eux voient leur poids diminuer. Le magasin se transformera progressivement en un show-room où les consommateurs rechercheront avant tout du divertissement et de l’implication, comme en ligne.